America Solitudes de James Sacré (par Yann Miralles)

Par Florence Trocmé

America solitudes, la geste de la langue 
par Yann Miralles

S’il est un mot qui traverse tous les livres de James Sacré, qui en est comme le condensé, un « mot poétique » au sens où l’entend Henri Meschonnic, c’est bien celui de « geste ». America solitudes l’illustre bien : on y retrouve une dizaine d’occurrences du mot, et surtout on constate que les termes de « parole », « mots » ou « langue » se trouvent toujours dans son proche voisinage (ils le suivent ou le précèdent, parfois sur la même ligne) – manière de montrer, ainsi que l’indiquait par ailleurs l’intitulé du colloque de Cerisy consacré au poète cette année, que les poèmes sont bien des « gestes de la langue ». 
Mais America solitudes fait plus encore : il nous invite peut-être à changer l’article, à passer du masculin au féminin (puisqu’il y est question aussi de « la minuscule geste humaine et ses calculs »), pour voir dans cet ensemble de poèmes une geste, genre certes tombé en désuétude depuis le Moyen-Âge.  
Le postulat peut surprendre : l’écriture de James Sacré étant peu encline à l’emphase et à l’hyperbole, on se doute bien qu’elle ne nous donnera pas à lire des actions éclatantes (la geste, rappelons-le, relatait les exploits des rois et chevaliers), mais elle remue, dans America solitudes, des questions communes avec la geste médiévale – à savoir le rapport de la parole à la narration (la geste comme relève des épopées de l’Antiquité), à la description (la geste comme monstration de lieux disparus, mémoire d’un temps enfui) et à la communauté (la geste comme parole fédératrice, récit national avant l’heure).    
 
 « On parcourt de longues distances » 
America solitudes se présente avant tout comme un parcours à travers les Etats-Unis, du Massachusetts au Nouveau-Mexique, de l’Utah à la Louisiane, du Texas au New Hampshire (avec une préférence pour les petites villes et les endroits naturels ou déserts cependant). Le livre s’apparenterait donc à un récit de voyage : les 47 sections (presque autant que les Etats des USA !), bien que pour certaines publiées séparément en revues ou sous forme de livres d’artistes, proposeraient un fil continu et seraient comme des arrêts dans le vaste territoire américain (on pense aux « cadences » de Viens, dit quelqu’un), comme des pauses nous permettant de mieux l’appréhender et le voir.  
 
 
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Poezibao publiera prochainement deux autres notes de lecture sur ce livre important de James Sacré, l'une d'Antoine Emaz, l'autre d'Alexis Pelletier.