Entretien avec Bérangère Claire

Publié le 04 novembre 2010 par Littlestylebox
Cela fait longtemps que je voulais rencontrer Bérangère Claire. Cette jeune styliste parisienne s'était faite remarquer dès ses débuts pour sa mode preppy qui habille les branchés, les baby-rockers et tous les adeptes de la marinière, pull de papy et pantalon en velours (moi y compris...). Les filles opteront pour un pantalon à la coupe boyish, une chemise à carreaux fittée ou un tshirt orné de la tête de cerf et de la croix de Lorraine, l'emblème de Bérangère Claire. Une mode hors de la tendance Made in France et à des prix abordables. Une équation quasi impossible que maitrise pourtant Bérangère !
Après plusieurs rendez vous manqués, j'ai rencontré Bérangère dans son showroom de Montmartre avant de déjeuner avec elle et sa soeur Agathe.

Comment s’est passée la création de ta marque ?
J’ai lancé Bérangère Claire en 2007. Avant, j’avais d’abord travaillé comme styliste pour des émissions de télé puis je suis parti habiter à New York. En rentrant, je suis revenu chez mes parents en province. Je n’avais pas envie de reprendre mon ancien travail donc je me suis dit pourquoi ne pas me lancer…
Est-ce que lancer ta marque est quelque chose que tu as toujours voulu faire ?
Non, cela a muri doucement. J’ai fait des études de stylisme sans trop savoir exactement où j’allais. Je n’imaginais pas forcément créer ma marque un jour.
Lorsque j’étais à New York, je ne travaillais pas donc j’ai passé beaucoup de temps à dessiner. En l’espace de 1 à 2 mois, j’avais déjà des centaines de dessin. C’est alors que j’ai eu envie de concrétiser cette collection.
D’où vient le nom Bérangère Claire ?
Ce sont mes deux prénoms. Je n’ai pas du tout hésité sur le nom de ma marque.
Comment s’est passé le démarrage ?
Cela s’est fait un peu tout seul. Dès le début, j’ai tout de suite trouvé des points de vente. J’ai eu de la presse avant même que la collection arrive en boutique et soit fabriquée. Le démarrage a été vraiment positif et encourageant.
Mais en réalité ce n’est pas aussi facile que ce que je pensais.


Comment expliques-tu le buzz que tu as généré dès le départ ?
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes marques créateurs parisiennes un peu similaires à la mienne. A l’époque j’étais une des premières. Il n’y en avait pas beaucoup, à part peut être Kitsuné, mais ils étaient établis depuis bien plus longtemps. C’était aussi la période où Myspace avait beaucoup d’importance. Il y avait une petite scène qui se mettait en place avec des artistes, des musiciens et j’étais un peu la styliste qui était ressorti de ça. J’ai d’abord commencé à communiquer exclusivement sur le net. Ensuite, la presse a commencé à suivre.
Est-ce que c’est juste si je décris la marque comme des classiques pour branchés parisiens ?
Des classiques oui, pour branchés pas forcément. Mon but n’est pas d’habiller que les branchés parisiens.
Est-ce que tu profites un peu du revival preppy ?
J’ai toujours eu un style classique et basique. J’avais ce style là bien avant ce revival. J’essaye d’avoir un style qui reste constant et qui reste fidèle à ma clientèle saison après saison. Certains me disent j’en ai marre des carreaux, j’en ai marre de la marinière. Pour moi cela restera toujours dans ma collection. Cela ne peut pas être démodé une chemise Oxford bleue ou une marinière. Je n’essaye pas d’être à la mode.
Où trouves tu tes inspirations ?
Les inspirations viennent d’un peu de tout. Pour l’été prochain, le thème c’est la Floride parce que j’étais en vacances à Miami. J’ai adoré. Pendant 6 mois, je n’ai rêvé que de ça et forcément cela a inspiré ma collection. Je pense que cela doit être comme ça pour tous les stylistes.
Tu as aussi fait une collaboration cette saison
J’ai fait une collaboration avec Bastien Lattanzio qui est un ami. On se connait depuis que j’ai monté la marque. Il a fait des photos pour moi. Du coup, j’ai eu envie de les mettre sur un tshirt.


Comment s’organisent tes présentations de collection ?
Comme j’ai de l’homme et de la femme et que je travaille les 2 en même temps, la collection est quasi-prête pendant la fashion week de l’homme en juin. Ensuite je continue à la présenter de juin jusqu’à maintenant. J’ai des rendez vous réguliers, pendant les périodes de fashion week, mais aussi hors période avec des acheteurs. En terme de salon, j’ai juste faite le Capsule Femme.
On m’a dit que c’était un salon de qualité…
C’est vraiment joli, il y a de belles marques, mais le trafic n’est pas exceptionnel. C’est sans doute parce que c’est la première fois qu’il se faisait à Paris. Mais c’est peut être conjoncturel, on m’a dit qu’apparemment il n’y avait pas beaucoup plus de monde au Tranoï.
Combien êtes-vous maintenant ?
On est 2 avec ma sœur Agathe qui s’occupe plus de la partie commerciale. J’ai un peu du mal à me vendre moi-même. Cela me permet de me concentrer plus sur la partie création. Tu es à cheval sur 3 saisons en permanence donc c’est vraiment compliqué de tout faire en même temps.
Tes produits sont Made in France, est ce que c’est facile à faire ?
Je travaille avec un atelier proche de Paris avec qui cela se passe très bien. Cela dépend de la marque, mais par rapport aux quantités que je produis, cela ne vaudrait pas le coup de délocaliser. Soit tu as un agent sur place qui te coûte de l’argent, soit tu dois te déplacer tout le temps et cela te coûte autant. L’atelier avec lequel je bosse travaille super bien. Ils font aussi mes prototypes. Je m’y retrouve en proximité.
Aussi, dans une production tu auras toujours quelque chose d’inattendu. C’est quand même bien d’être à côté pour pouvoir tout de suite rectifier le tir.


Pour du Made in France, tes produits restent très accessibles. Tu arrives à être rentable ?
Je voulais en créant ma marque être abordable. Je préfère fixer mon prix de vente et ensuite me débrouiller pour m’en sortir plutôt que de décider d’une marge et d’arriver à des prix trop chers. Je n’ai pas envie d’être créateur luxe.
Pour répondre à ta question, je suis rentable, mais pour l’instant je ne me paye pas vraiment. Je pourrais sans doute l’année prochaine mais je vais encore devoir attendre, parce que c’est au bout de 3 ans que tombent les impôts…
Pour moi la question du Made in France est plus une question de pratique. Je ne suis pas contre la délocalisation si il y a du savoir faire. Je suis client chez d’autres marques comme Isabel Marant ou Acné. Quand je regarde l’étiquette, c’est souvent produit en Chine ou en Turquie. Mais tant qu’il y a la qualité, cela ne me dérange pas.
Où vois-tu ta marque dans 5 ans ?
J’ai envie que cela évolue avec des collections plus grandes. Une boutique serait chouette. Pour l’instant, ce serait encore tôt. Je fais des projets mais je préfère prendre mon temps, je vais évoluer à mon rythme.
En attendant, tu as ta boutique en ligne…
La boutique en ligne est un bon moyen de connaitre le client. Je l’ai depuis la première collection. A Paris, je n’ai pas assez de modèle pour remplir une boutique. Le jour où j’en ai une, j’en veux une grande, pas un mouchoir de poche. La plupart des créateurs qui ouvrent trop vite se cassent la gueule.
Et puis c’est un vrai boulot, il faut pouvoir embaucher des personnes en plus…
Tu disais que le lancement n’a pas été aussi facile que tu le pensais ?
Je devais être un peu naïve. Je pensais qu’au bout de 3 ans je serais riche, que j’aurais une boutique, 15 personnes qui travaillent avec moi… Maintenant, j’ai un showroom, je travaille avec une trentaine de points de vente, j’ai un bureau de presse. C’est déjà bien... mais au début tu es très insouciant et tu crois que cela va aller beaucoup plus vite. Il y a aussi toutes sortes de difficultés auxquelles tu ne t’attends pas. La réalité de la création d’entreprise te rattrape. Ne serait ce que les démarches de trouver les fournisseurs, les fabricants, les points de vente, tout prends du temps… Tu dois aussi gérer les problèmes de production : j’ai eu des modèles annulés à cause d’imprévus sur le tissu ou la fabrication. Je me retrouve à gérer ce genre de problèmes auxquels tu ne t’attends pas. Chaque saison tu apprends un peu plus pour ne pas répéter certaines erreurs. Maintenant je sais comment ça fonctionne mais au départ ce n’était pas évident.


Où te trouves-t-on sur Paris ?
Sur Paris, la collection Femme est au Citadium et Homme et Femme chez BubbleWood dans le 3e. Je vais bientôt rentrer dans un 3e point de vente.
A voir le site, on dirait que tu as plus de points de vente au Japon qu’en France ?
Oui oui, alors que j’habite à Paris et que j’ai beaucoup de commandes en ligne à Paris, j’ai du mal à y trouver des points de vente. En attendant, tu peux me trouver à Tokyo !
Dès le départ, j’ai eu l’impression que pour être vendu à Paris, il faut avoir fait ses preuves à l’étranger. Au début je me disais, c’est dingue de ne pas avoir plus de points de vente. Maintenant je me dis, que ce n’est pas grave, je vais vendre ailleurs et après on verra. En attendant, j’ai la boutique en ligne pour la France.
Je te verrais bien chez FrenchTrotters, tu es très proche de leur univers. Ils ont des marques nordiques mais aussi des créateurs parisiens comme Commune de Paris…
Oui, c’est une très belle boutique, peut être plus tard…
Tu croises parfois tes créations dans la rue ?
Rarement mais cela m’arrive et c’est hyper chouette !
Tu as aussi lancé ton blog ?
Je le mets à jour très régulièrement. A la base, j’avais envie de faire un blog qui n’ait pas forcément un lien avec la marque. Cela fait 1 an et demi que je l’ai. Je peux mettre des recettes de cuisine, et je peux parler d’autres choses. J’y mets les parutions de presse forcément car c’est bien de les montrer.
Tu as des coups de cœur sur Paris ?
Je ne sors pas souvent du 18e car j’habite aussi dans le quartier. En général pour faire les boutiques, je m’habille chez moi ou je vais dans les grands magasins…
Ta playlist du moment ?
Après mon voyage aux US, j’avais écouté les Beach Boys en boucle. En ce moment j’écoute que des vieux trucs, beaucoup d’Elvis et du Johnny Cash.
Merci Bérangère !









Plus d'infos: berangereclaire.com