BURIED (Rodrigo Cortés) (2010)

Par Actarus682
Il est de ces films dont le postulat de départ et le parti-pris de mise en scène intriguent et excitent l'imagination en même temps qu'ils créent une crainte quant à la réussite finale du projet. Ainsi, Alfred Hitchcock proposait de filmer La corde en un plan-séquence unique, Gaspar Noé optait pour la vue subjective sur 2h30 dans le récent Enter the void, ou encore Hitchcock (toujours lui) ne quittant pas le canot de Lifeboat, pour offrir aux spectateurs un huis clos à ciel ouvert.

Lorsque le sujet et le pari de mise en scène de Buried se firent connaître sur le net, l'excitation fut immanquablement au rendez-vous, et pour cause: le film se déroulera durant 90 minutes à l'intérieur d'un cercueil enterré dans le désert irakien, dans lequel se trouve un otage américain disposant d'un téléphone portable et d'un briquet. Il devra obtenir 1 million de dollars pour ses ravisseurs s'il veut sortir vivant de son tombeau.

Débutant par un générique graphique très réussi nous emmenant progressivement sous terre, Buried restera droit dans ses bottes de la première à la dernière image, ne quittant jamais le cadre du cercueil, respectant ainsi son postulat de base avec une maestria qui force le respect. Car le risque d'un tel parti-pris est assurément de provoquer l'ennui sur la longueur et de perdre le spectateur en cours de route. ll n'en est miraculeusement rien.

En effet, Rodrigo Cortés (dont c'est le second long-métrage) parvient à maintenir une tension du début à la fin, balayant le spectre des émotions qui peuvent submerger un être humain placé dans une situation extrême et confronté à la survie face à une mort annoncée. La mise en scène, loin d'être statique, multiplie ainsi les plans et les perspectives afin de donner corps à ces émotions (la peur, l'isolement, la détresse, la colère, etc), alignant avec une fluidité remarquable gros plans, travellings, zooms, parvenant à créer une empathie pour le personnage principal, pourtant desservi par un Ryan Reynolds souvent insupportable mais devenant en fin de métrage totalement émouvant.

Ryan Reynolds, donc, seul personnage visible à l'écran (à l'exception d'une femme apparaissant sur une vidéo envoyée sur son téléphone portable), bien que desservi par une tête à claques (cela n'engage bien entendu que moi), s'en tire au final honorablement, bien que la réussite du film repose avant tout sur la mise en scène de Cortés et la tension que cette dernière parvient à installer. Les 2 dernières minutes du film constituent le point d'orgue de cette montée d'adrénaline, Buried nous envoyant au visage et dans le coeur une décharge d'émotion inattendue dans son final, lorsque le personnage incarné par Reynolds parvient à joindre sa femme au téléphone et que l'issue de son destin est proche.

Par ailleurs, le réalisateur espagnol (décidément, le cinéma de genre ibérique reste et demeure le meilleur du monde actuellement), parvient à faire pénétrer un deuxième être vivant à l'intérieur du cercueil, dans une scène où le suspense est littéralement palpable. Sans dévoiler la nature de cet hôte inattendu, Cortés crée un véritable duel dans son espace confiné, témoignant une nouvelle fois de sa capacité à rebondir et à ne jamais créer l'ennui.

Le metteur en scène profite également de son sujet pour balancer 2-3 charges contre les méchants politiciens qui ne transigent pas avec les terroristes, les employeurs qui cherchent à se couvrir, et la stupidité de l'administration. Tout cela est gentil et mignon, mais dans le cadre de l'histoire qui nous est racontée, on s'en tamponne le coquillard. L'intérêt est bien évidemment ailleurs, dans l'émotion, la tension, le suspense.

Avant tout film de mise en scène et de découpage, Buried constitue une incontestable réussite, un film extrêmement tendu, incorruptible face aux facilités qui auraient pu s'offrir au metteur en scène (sortir du tombeau pour faire respirer le spectateur, notamment), et mérite amplement le succès critique et les prix glanés dans les différents festivals où il fut projeté.