Marie-Antoinette : Une tête à prix d'or sur nos écrans

Par Abarguillet

 


Marie-Antoinette est probablement la reine de France qui a été la plus mise en scène au cinéma, davantage encore qu'Anne d'Autriche, qui ne doit sa célébrité qu'aux ferrets qu'elle eût l'imprudence d'offrir au duc de Buckingham et que d'Artagnan, si l'on en croit Alexandre Dumas, alla récupérer à Londres. Pourquoi une telle fascination pour la femme de Louis XVI, inspiratrice d'une trentraine de films ? Sans doute parce qu'elle offre aux scénaristes plusieurs visages, depuis la princesse frivole de Versailles à la reine martyre de la Terreur. Il est vrai aussi qu'elle est séduisante cette jeune archiduchesse, qui arrive à Versailles pour épouser l'héritier du trône, le 16 mai 1770. Sa fraîcheur, sa grâce, son élégance et sa beauté vont très vite faire d'elle la reine de toutes les fêtes et de tous les bals. Si bien que l'on ne tarde pas à lui prêter les passions les plus folles, dont une liaison avec le beau Fersen. Le 7e art pouvait-il ignorer une telle héroïne ?


 


Hollywood s'empare du personnage pour raconter sa vie en 1938. La Marie-Antoinette du réalisateur Van Dyke est jouée par Norma Shearer mais tout est outré dans cette production de la Metro-Goldwyn-Mayer, alors à son apogée. Sacha Guitry se montrera plus mesuré dans Si Versailles m'était conté, où son épouse d'alors, Lana Marconi, y rayonne dans ses somptueux atours. Ces réalisations seront dépassées en 2006 par la Marie-Antoinette de Sofia Coppola qui nous offre une version acidulée et charmante d'une Marie-Antoinette très teen-ager à la lady Di, assez éloignée d'une reine de l'Ancien Régime. Tournée dans le château de Versailles, l'oeuvre éblouit par un déploiement de perruques, d'éventails, de pâtisseries, symphonie de couleurs, du rose bonbon au noir crépusculaire, ensemble très agréable à l'oeil mais souffrant de grossiers anachronismes. L'actrice Kirsten Dunst évoque une reine pleine de charme, telle que dût l'être la jeune dauphine, dont la séduction agit encore de nos jours.


 


La politique pointe son nez avec l'affaire du collier qui compromet le prince de Rohan, homme d'église. C'est Alexandre Dumas qui, une fois encore, fournit la trame du film de Ratoff Cagliostro, en 1949,  où Nancy Guild est Marie-Antoinette et Orson Welles, Cagliostro. Dans sa reconstitution de L'affaire du collier de la reine, trois ans plus tôt, Marcel L'Herbier s'était voulu plus rigoureux avec une reine interprétée par Marion Dorian.

    

Une autre Marie-Antoinette se révèle également, celle du début de la Révolution. A la princesse évaporée succède une reine hautaine, que l'on veut indifférente aux malheurs du peuple, telle que la campe Pierre Granier-Deferre, en 1990, dans un film qui porte pour titre L'Autrichienne et a  pour interprète Ute Lemper. Deux chefs-d'oeuvre l'évoquent par ailleurs. Ce sont le Napoléon d'Abel Gance en 1927, où l'on voit une Suzanne Bianchetti apparaître altière lors de l'évocation du 10 août, et La Marseillaise de Renoir ( 1937 ), en pleine euphorie du Front populaire, où Lise Delamare compose une reine ennemie du peuple et imbue des privilèges de sa caste.
Dernière image de Marie-Antoinette : la veuve Capet. La prisonnière du Temple porte un bonnet blanc et le voile de deuil, ainsi qu'elle se présente sur le tableau du musée Carnavalet et dans le télé-film de Claude Barma : Le chevalier de Maison-Rouge. Son visage est celui émacié, creusé par la douleur, d'Annie Ducaux. Cette fin tragique est également évoquée de façon émouvante, en 1956, dans le Marie-Antoinette de Jean Delannoy, d'après un scénario de Philippe Erlanger. Michèle Morgan, qui porte sur ses épaules le rôle de la reine déchue, s'y montre impressionnante de vérité dans sa marche vers l'échafaud. L'image rappelle alors le cruel dessin de David. Grâce à ces cinéastes, si contrastés dans leur façon d'évoquer ce personnage de l'Histoire, un mythe cinématographique est né et perdure.

Sources : Jean Tulard