Fraternité

Publié le 09 novembre 2010 par Malesherbes

Ce mardi, quelque obligation m’amène à côtoyer la France qui se lève tôt, si chère à notre Président. Oh, pas outrageusement tôt, sept heures et demie, mais assez tôt pour croiser des élèves ou étudiants qui se rendent à leurs établissements scolaires. Nous sommes deux à pénétrer dans une voiture du métro, un adolescent qui prend appui sur une béquille et moi-même. Nous nous retrouvons tous deux debout, tous les sièges à portée de vue étant occupés. Tous ces citoyens si fraternels sont profondément absorbés, les uns à manœuvrer avec dextérité le clavier de leur téléphone portable, d’autres à dévorer quelque bouquin et d’autres encore en train de parcourir un journal gratuit.

Pas un seul ne daignera s’apercevoir que ce jeune garçon peine à se tenir debout et, en conséquence, nul ne lui cèdera sa place assise. Au fil des stations, la voiture se remplira de voyageurs supplémentaires, sans qu’aucun siège ne se libère, et l’augmentation de cette occupation rendra bientôt plus facile le maintien d’un équilibre jusqu’ici fortement compromis par les cahots dus à une conduite un peu nerveuse de la rame. Ce jeune garçon n’avait peut-être pas le teint d’une couleur convenable. Pour aggraver son cas, il portait une casquette, mais je ne crois pas que ces éléments aient contribué à le faire ignorer. Non, tout simplement personne ne l’a remarqué parce que chacun était bien trop bien au chaud dans sa bulle, fermé au reste du monde, préoccupé par la seule chose importante, lui-même.

C’est bien sûr un épisode anodin, sans importance, mais j’y vois l’image de notre monde, égoïste, où l’on ignore les autres pour ne se consacrer qu’à soi-même. L’égalité dans notre patrie est déjà bien compromise, des menaces contre la liberté s’y profilent, et voici que la fraternité disparaît à son tour. Il va bientôt nous falloir changer la devise de notre République.