Monopoly tragique : début de partie

Publié le 09 novembre 2010 par Copeau @Contrepoints

C’est donc officiel : la Federal Reserve Bank va injecter gentiment trois fois rien sous forme de billets tous frais imprimés avec la petite Epson Stylus de Bernanke, histoire de faire redémarrer l’économie. Et le cours du Rien est à environ 200 milliards de dollars.

Franchement, il n’y a absolument pas de quoi paniquer.

D’une part, il y a l’histoire qui est très rassurante : regardez ce qui s’est passé précédemment, et vous pourrez presque en déduire ce qui va se produire. Ainsi, l’injection de 750 milliards de dollars sur les marchés dans les semaines qui suivirent l’explosion en vol de Lehman Brothers a réellement permis de faire oublier le douloureux moment de crise… pour une infime proportion de la population, le reste se prenant une dégelée assez sévère dans la joie et la bonne humeur des cours de bourses qui faisaient le yoyo.

C’est festif, le yoyo, non ?

Cette injection n’ayant, au final, provoqué absolument aucun effet bénéfique mesurable, et ayant eu le mérite discutable de faire perdurer un certain nombre d’établissements pourris et de pratiques douteuses, il était nécessaire que les politiciens remettent le couvert : comme toutes les fois où leur aspirine ne fonctionne pas, une bonne dose d’aspirine supplémentaire est immédiatement prescrite.

Evidemment, l’injection est présentée avec le sérieux et le calme pondéré qui préside à toute opération de mise en bière d’une économie mondiale.

D’un côté, pendant que les imbéciles socialistes les taxent de turbolibéralisme débridé sans rien comprendre à ce qui se passe, les imbéciles keynésiens applaudissent sobrement : « tout est sous contrôle, rassurez-vous » expliquent-ils, une vague moiteur à peine perceptible sur leurs augustes fronts.

D’un autre côté, ceux qui ont bien compris comment tout ceci fonctionne et comment tout ceci va se terminer, à commencer par les économistes autrichiens, continuent à dénoncer les consternantes bêtises proférées avec aplomb par les brochettes d’imbéciles précédents.

Ainsi, il n’y a guère de surprise pour eux lorsqu’ils constatent que … l’or grimpe gentiment, quelque soit la monnaie de référence. Ben oui, à force de tripoter les monnaies, le papier se salit et perd quelque peu de sa noblesse d’être tant chahuté dans de sombres ruelles. Bilan : 1400$ l’once.

S’il échappe plutôt bien à la vigilance sévère et quasi-martiale de la presse franchouille — pourtant dans les starting-blocks dès qu’il s’agit d’analyser finement les rouages économiques mondiaux — , ce cours attire tout de même l’attention de certain dirigeant de la Banque Mondiale au point de proposer un retour à l’étalon-or.

Oh, bien sûr, on va doucement diluer la solidité de l’or dans un peu de merdasse fiat, afin d’adoucir le propos et ne pas choquer les fiers imprimeurs centraux dont les doigts tâchés de lourdes encres sont tordus des nombreuses heures passées à enfiler des petits fours et inflater salement des escorts des monnaies souveraines.

Mais il n’en reste pas moins qu’on distingue un peu, dans le fond, quelques mouvements gênés pour faire en sorte que les rideaux pudiquement jetés sur la crise ne s’effondrent pas sur les bouffeurs de caviar.

Non non, il n’y aura donc pas d’inflation. Ou disons, trois fois rien (le cours du rien est inchangé depuis l’intro, notez bien). Evidemment, ça va rendre les vêtements un peu plus chers. Ou plus petits, au choix.

Le retour de la mini-minijupe, des pantalons très très trop moulants, des anoraks fluos trop courts est donc à prévoir. Ce n’est pas la crise, c’est un simple retour à la mode des 80s. La seule chose qui va grandir, ce sont les portefeuilles pour pouvoir contenir les amusantes masses de billets qu’on va devoir y insérer.

Les années 2011 et suivantes verront donc des armées de citoyens maigrichons habillés comme dans les années 80 rouler en voiturettes ridicules trimbalant des cabas de billets aux couleurs clinquantes. Excitant, non ?

Tsk tsk, j’exagère et vous le savez bien. Les fêtes approchent, il ne sera donc pas question d’une forte hausse de prix, hein… Monsieur Leclerc, un commentaire ?

Bon, il faut voir le bon côté des choses : avec une belle inflation bien contrôlée, bien maîtrisée par les as de la finance qui ont pour le moment tout géré de main de maître, même les pauvres vont rapidement avoir le plaisir de manipuler des billets de 500 euros, chose qui n’était pas simple quand cela valait encore quelque chose.

Et puis ça aura le mérite de relativiser pas mal les catastrophiques énormes visibles modestes bévues budgétaires prévisionnelles (tenez, par exemple : un A400M à 168 millions d’euros au lieu de 111, voilà une bonne affaire, non ?) : en fait, une augmentation de 50% des prix, ce n’est pas vraiment une augmentation.

C’est une inflation contrôlée.

Con-trô-lée, vous dis-je !

—-
Sur le web