Trainspotting

Par Ledinobleu

Edimbourg, dans les années 90 : une petite bande de potes, jeunes et cons mais surtout branleurs de première, ont choisi les plaisirs de l’héroïne pour échapper au néant de la vie adulte qui les attend. Entre décrochages et rechutes, leurs vies oscillent du rire aux larmes…

Basé sur le roman éponyme d’Irvine Welsh, ce film se caractérise par une juxtaposition permanente d’humour – noir ou pas – et de tragédie – ordinaire comme extrême. Entre les deux, rock et techno s’entremêlent pour souligner la vacuité du trip permanent de cette vie de junkies qui finissent toujours par vouloir raccrocher mais sans jamais pouvoir s’y résoudre pour de bon. Le temps passe ainsi, entre deux séries de fix plus ou moins longues où la réalité bascule un temps avant de ressurgir pour vous reprendre à la gorge.

Film coup de poing mais aussi trip hallucinant, Trainspotting nous ballade ainsi de l’euphorie au drame, à travers une réalisation typique de ce cinéma anglais de la toute fin du siècle dernier, en nous montrant quels prétextes une bande de bras cassés peuvent trouver pour se complaire dans la came afin de mieux échapper à cet avenir de banalité qui les terrorise tant. Et bien qu’ils soient douloureusement conscients de leur état, au moins pour l’un d’entre eux en tous cas, ils ne peuvent se résoudre à y renoncer pour autant. Des gamins comme les autres en fait…

Danny Boyle nous dresse ici le portrait d’une jeunesse somme toute banale dans sa peur de l’avenir, et dont le besoin de défonce reste proportionnel à la pression de cette société de consommation qui fait de nous des pions de la modernité dans tout ce qu’elle a de plus aliénant. Bref, ils refusent de grandir comme tous les enfants du monde depuis l’aube des temps. La différence principale avec les générations précédentes tient dans la banalisation des drogues dures au sein du paysage urbain contemporain, leur donnant ainsi un échappatoire aussi fou que le reste de ce monde qui les étouffe.

Avec sa réalisation digne d’un vidéo-clip, Trainspotting change de rythme comme une compilation de morceaux de rock passe d’une chanson à l’autre : les sujets d’aujourd’hui s’y télescopent dans tous les sens, à la manière d’une session de zapping sur des centaines de chaînes à la fois, laissant le spectateur comme abruti sous une masse d’informations qui peuvent sembler sans queue ni tête mais qui témoigne d’un sens de la narration tout à fait redoutable dans sa maîtrise du subliminal, du non-dit de l’horreur quotidienne.

Objet typique de ces années 90 qui virent le monde basculer dans la fureur muette de l’après guerre froide, Trainspotting est vite devenu un film culte : encensé par la critique lors de sa sortie, il a cloué sur leurs fauteuils les professionnels du Festival de Cannes avant de s’imposer comme une référence, au moins, et peut-être même une œuvre majeure d’un cinéma qui dit ce qu’il pense sans pour autant se faire d’illusion…

Récompenses :

- Festival international du film de Seattle : Meilleur film et Meilleur réalisateur.
- British Academy of Film and Television Arts Award : Meilleur scénario adapté.
- Boston Society of Film Critics Award : Meilleur film.
- Empire Awards : Meilleur film britannique, Meilleur réalisateur britannique, Meilleur acteur britannique (Ewan McGregor) et Meilleur espoir (Ewen Bremner).
- BAFTA Scotland Awards : Meilleur film et Meilleur acteur (Ewan McGregor).
- Bodil : Meilleur film non-américain.
- Lion tchèque : Meilleur film étranger.
- Brit Award : Meilleure bande-originale de film.
- London Critics Circle Film Awards : Meilleur acteur (Ewan McGregor) et Meilleur producteur.

Bandes originales :

Il y en a deux, éditées chez EMI ; la première – orange – reprend les musiques du film, alors que la seconde – verte – reprend certaines musiques du film mais aussi d’autres morceaux qui ont inspiré le réalisateur.

Notes :

C’est Irvine Welsh lui-même qui joue le (petit) rôle du dealer Miker Forrester au début du film comme à la fin.

Si Ewen Bremner joue ici le rôle de Spud, il avait endossé celui de Renton dans la première adaptation du roman original en pièce de théâtre.

Le film contient un hommage au film Orange Mécanique (Stanley Kubrick,  1971) et deux autres aux Beatles – la pochette de leur album Abbey Road et leur chanson Happiness is a Warm Gun.

Le mot « trainspotting » désigne au départ les férus obsessionnels de trains de chemins de fer ; par extension, il désigne aussi les personnes obsédées par des sujets insignifiants, et donc – dans le contexte du film – l’obsession pour la drogue – voire les détails de tous les films de James Bond pour le personnage de Sick Boy.

Trainspotting, Danny Boyle, 1996
Universal Studio Canal Video, 2004
93 minutes, env. 10 €