Un train de nuit nommé désir

Publié le 05 octobre 2010 par Macadam Cowgirl

7 ans que je n’étais pas revenue à Florence. 7 ans passés à alimenter des rêves de souvenirs, à la fois de la ville et d’une époque particulière de ma vie (« 3615… » oui je sais), d’impressions fugaces d’une ville qui n’avait pas bougé depuis le Quattrocento. 7 ans à me dire « bon, faut que j’y retourne ». Parce qu’on ne voit certainement pas Florence en 3 jours ni en une fois. Comme autre ville italienne, je ne connais que Rome, mais j’ai l’impression que Florence suinte le désir par toutes les pierres et laisse couler la sensualité dans tous ses jardins. La douceur de vivre quoi. D’aucuns la réduisent à un musée à ciel ouvert, qui leur rappelle de mauvais souvenirs d’ennuis devant les fresques de Fra Angelico à San Marco, ou de Botticelli aux Offices. S’ils savaient ce qu’ils ratent…

Les miroirs des parois, transformés en miroirs bien à propos...

Petit aparté sur le transport : allez-y en train de nuit. C’est, d’une part, nettement moins cher que l’avion, et tellement plus sympa. Surtout pour batifoler en amoureux dans les couchettes pourvues (je vous jure) de miroirs… Les Italiens savent poser l’ambiance. Si on parle de « Latin lover », ce n’est peut-être pas par hasard…

Ensuite… ahhhh… Arriver à 7h du matin, au lever du soleil, et voir la ville s’éveiller lentement dans le ciel bleu… Et sans un seul touriste ! Hautement appréciable. Et en attendant que la chambre soit prête à l’hôtel, j’ai voulu me rendre dans un lieu un peu particulier, certes indiqué dans les guides, mais étrangement abandonné des touristes. Enfin, « étrangement ». Ce n’est après tout que mon point de vue. Je me suis donc rendue à 7h30 du matin à l’église Ognissanti, qui fait presque face à Santa Maria dell Carmine de l’autre côté de l’Arno. Une simple petite église, qui abrite la tombe de l’un des génies de la Renaissance florentine : Sandro Botticelli. Une tombe très romantique…

Aux pieds de ma muse

Le « Panthéon » florentin est l’église Santa Croce, qui abrite à peu près ce que Florence a produit de mieux en grands hommes. Michel-Ange, Machiavel, Dante même (hum, est-ce bien lui dans le caveau, je ne sais). On paye pour y entrer (un comble en Italie si catholique!), et on se bat pour voir les tombeaux de près. Un bel endroit, mais un peu difficile d’accès. A Ognissanti, petite église de quartier gardée par des religieux, repose, seul, Botticelli. La légende veut que ce grand amoureux ait souhaité être enterré aux pieds de sa muse, Simonetta Cattaneo, reine de beauté des années 1470 à Florence, qui aurait eu une liaison avec Julien de Médicis, lequel arborait lors d’un tournoi une bannière avec son portrait réalisé par… notre cher Sandro. Qui avait mis sa petite « private touch » en écrivant en-dessous « la sans-pareille ». Amore, quando si tieni…

La belle de Botticelli

La dame a été son modèle pour ses Vénus, ses Grâces, ses Madone, et tant d’autres beautés immortalisées et admirées chaque jour à la Galerie des Offices et ailleurs. Elle est morte très jeune de la tuberculose, la ville a porté son deuil, et Sandro était inconsolable. Au point de souhaiter, donc, être enterré à ses pieds dans la chapelle familiale. L’histoire ne dit pas si son amour était réciproque, et plus que platonique. Mais cette dernière volonté a bien été exaucée, puisque l’on indique encore l’église et le lieu de son dernier repos. Avec mon côté romantique à la con, je ne pouvais pas éviter un tel pèlerinage.
Manque de bol, à 8h du mat’, les franciscains disent leur Rosaire devant des Italiennes en mantille. Du pur Fellini. Avec les chapelles du transept fermées. Difficile de dire « euh, scusi, è possibile di andare a vedere Sandro là a destra? Giusto per dire buongiorno… »

J’ai donc du remettre à plus tard mon hommage au peintre amoureux et me rendre en d’autres lieux de Florence en attendant la fin de journée, heure de la réouverture de l’église.

Jardins enchanteurs

Je suis venue à Florence cette fois-ci avant tout pour voir l’exposition « Caravage et les Caravagesques ». Prévue sur 3 lieux différents (les Offices, le Palais Pitti et la villa Bardini), je m’attendais à une gigantesque rétrospective de l’oeuvre du maître, assortie de toiles des contemporains qui l’ont copié. Ah l’arnaque : sur les trois lieux, comptez peut-être une dizaine de toiles de Caravage, parmi lesquelles son fameux bouclier de la Méduse, et le reste… que des plagiats ou des toiles « à la manière de ». Autant dire une immense déception, assortie, quand même, de l’impression que les Italiens sont effectivement un peu menteurs quand il s’agit de vendre quelque chose… (mais non, Italiens, je vous adore).

Cela m’a quand même permis de me balader dans des lieux inconnus comme la villa Bardini, au jardin peuplé d’oliviers, de statues, de fontaines, et donnant de beaux points de vue sur la ville. Si la foule vous assaille et vous angoisse, je vous recommande vraiment ce qu’on appelle l’Oltrarno, l’autre rive de l’Arno (le fleuve qui traverse Florence), qui est le royaume des jardins paisibles et séduisants, de couvents entourés de cyprès et d’oliviers, propices à la contemplation et au repos.

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Anges et démons de Florence

Au gré des balades dans les rues, dans les musées, j’ai remarqué la belle et étrange faune qui peuple la capitale toscane, et qui n’a rien à voir avec la masse des touristes sur laquelle on ne s’arrête que parce qu’ils nous rentrent dedans. Anges, démons, nymphes et satyres forment le peuple muet et immuable de Florence, figé dans sa beauté.

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Sans oublier bien sûr le dieu de Florence, son symbole tutélaire et celui qui doit la faire vivre un max si l’on en juge tout le défilé de merchandising à deux balles que forment les tabliers, caleçons, carnets, photos, boîtes, sculptures (peut-être même sex-toys, je n’en ai pas vu mais je suis sûre que ça existe) et j’en passe… faits à l’image du David de Michel-Ange. Il faut dire que le monsieur en impose : quand on entre dans la Galerie de l’Académie où il se laisse admirer d’un air méprisant et fier, il est absolument colossal.

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Suite et fin du jeu de piste

Vers les 16h, il m’était enfin possible de retourner voir Sandro, en espérant bien trouver sa tombe. Heureusement que les Franciscains sont sympas et surtout qu’ils ont bien fait les choses en mettant des petits écriteaux : soit Botticelli était minuscule de son vivant, soit la famille Vespucci s’est dit « bon, on veut bien de ce godelureau dans notre chapelle, mais on va pas lui faire un mausolée non plus », soit ses restes étaient en piteux état : parce que sa pierre tombale fait la taille d’un chien roulé en boule. Pas décevant, mais presque triste. L’un des plus grands peintres de la Renaissance n’a droit qu’à une tombe oubliée de tous… Mais qui sait s’il ne s’en fout pas de là où il est. Il est aux pieds de sa muse, et c’est tout ce qui doit compter pour lui.

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M’enfin bon, courir après un mort de 7h30 à 16h après des kilomètres de marche… Raa le bougre, il court encore bien pour son âge !

Adresses utiles :

- Trains de nuit Artésia Paris-Florence (et si vous ne vous réveillez pas, vous atterrirez à Rome, ce qui n’est pas dégueu non plus) : une arrivée un départ par jour je crois, train-couchettes à partir de 117 euros environ.
Réservations sur : www.voyages-sncf.fr

- Chapelle Ognissanti : piazza dell’ Ognissanti.
Horaires : 7h15 -12h et 16h-20h.

- Villa Bardini : Costa San Giorgio, 6
http://www.bardinipeyron.it/ab/

- Galleria dell’Academia : Via Ricasoli 58-60,
ouverte du mardi au dimanche de 8h15 à 18h. Réservation ARCHI conseillée si vous ne voulez pas rester 3h dehors ! Vous pouvez réserver par internet sur http://www.firenzemusei.it/