Déluge de Henry Bauchau

Par Sylvie

Editions Actes Sud, 2010

 

Henry Bauchau, auteur belge de 97 ans, écrivain, psychanalyste et peintre, s'est surtout fait connaître du grand public par Le boulevard périphérique qui remporta le Prix du livre Inter 2008.

En mars dernier, il fit paraître ce court récit de 170 pages. Court mais si dense ! A travers cette histoire prenant des allures de mythe universel, il nous fait revivre l'histoire de l'humanité, notre histoire, l'histoire de chacun d'entre nous.

Dans un port dans le sud de la France, Florian est un vieux peintre qui brûle ses oeuvres. Toute sa vie, il a été interné plusieurs fois, considéré comme un malade.

Un jour, il rencontre Florence, qui choisit de quitter son confort  parisien pour vivre une nouvelle vie ; malade, elle se sait condamnée.

Entre eux, pas de grands mots, par de grands gestes. Deux mains qui s'effleurent...Florence sait qu'elle a une grande aventure à vivre en compagnie de Florian...

Il va lui apprendre à tenir un pinceau...Ils vont bientôt être rejoints par Simon, un manutentionnaire du port qui va redécouvrir l'art de peindre et Jerry, un enfant caractériel.

Ensemble, ils vont former une petite communauté et réapprendre le langage d'avant le langage : celui du geste, de l'effleurement, le geste de l'artiste, le chuchotement.

Ensemble, ils vont, par la peinture, faire revivre l'arche de Noé au moment du Déluge. Ces créatures blessées dans leur corps et dans leur âme, vont renaître, s'offrir une nouvelle vie.

L'art est le catalyseur de leur renaissance, de leur guérison.

Le peintre, tel Noé, va les guider vers un ailleurs qui n'est autre que la profondeur révélée de leur être.

Henry Bauchau nous fait lire un conte intemporel pour rendre son histoire mythique et universelle. En effet, dans ce récit très court, au style très elliptique (l'auteur ne se regarde pas écrire, il va à l'essentiel), il n'y a pas d'indication temporelle. L'auteur cite, un jour, des mois, des années. Combien de temps a duré l'élaboration du grand tableau du Déluge ? Nul ne le sait. Mais les 170 pages pourraient bien être des années.

Concision signe d'un grand art qui retrace en un conte allégorique toute l'histoire de nos vies.

Une apologie magnifique de l'art, comme guérisseur et grande aventure collective.