Léon-Hippolyte-Denizard Rivail (1804-1869) et les charlatans au dix-neuvième siècle

Par Bernard Vassor


Par Bernard Vassor

  Esprit, est-tu là ? ....... La maladie qui sévit au XIX°, n'épargna pas les plus grands écrivains. De Balzac, prêt à gober toutes les histoires de somnambules, de voyantes et de "baquet de Mesmer", à Victor Hugo, faisanttourner des tables, nous pouvons ajouter Victorien Sardou parmi les plus grands gogos, victimes des fumistes. Il fréquentait avec Goujon et Mathieu, deux secrétaires d'Arago, des milieux spirites qui faisaient tourner des tables et parler des esprits. Un médecin, chez madame Blackwell, sévissait au consulat des Etats-Unis. Une dame Japhet, cartomancienne servait de médium entre le ciel et la terre rue Tiquetone. C'est là que Victorien Sardou rencontra un nommé Léon-Hippolyte-Denizard Rivail (1804-1869), plus connu sous le nom d'Allan Kardec, qui venait de fonder "le Journal Spirite". Celui-ci ne tarde pas à donner chez lui 8 rue des Martyrs, des séances avec la "médium" Mme Duffaux. La maladie gagna les réunions mondaines. On fit tourner des guéridons en questionnant ou faisant écrire les gloires passées, dont certaines, se seraient bien passé de ces productions posthumes ! Des éditeurs publièrent même des tragédies d'outre-tombe d'auteurs comme Racine, un autre publia un ouvrage écrit en collaboration avec.... Dieu ! La "Revue Spirite" de Kardec publia les "Confessions de Louis XI dictées par l'esprit du roi à Mlle Duffaux agée de quatorze ans". Un médium américain un certain Hume, prédit à Alexandre Dumas qu'il vivrait 113 ans, et qu'il mourrait à la suite d'un duel. Voltaire, questionné à son tour, exprima le regrêt que de son vivant il ait manifesté des sentiments anti-religieux. Jean-Jacques Rousseau dit que pour sa part, il n'avait rien à retrancher de ses opinions. Victor Hugo, à l'aide d'un guéridon fit parler Molière en vers, mais à la manière des romantiques. Des esprits frappeurs, il y en avait partout, un américain faisait se soulever une table de trente kilos "qui venait se poser légère comme un oiseau sur un divan placé à l'autre bout de la pièce". Alfred Delvau (toujours lui) raconte que deux américains, venus de Boston, les frères Ira et William Davenport se faisaient attacher solidement avec des cordes puis enfermer dans une armoire. Les lumières éteintes, ils faisaient entendre des instruments de musique, guitare, tambour, clarinette etc..., des mains lumineuses se promenaient sur les visages des spectateurs. Une fois les bougies rallumées les instruments se retrouvaient aux pieds des américains qui s'étaient défaits de leurs cordes. L'affaire fit du bruit, c'est ainsi qu'après un grand battage publicitaire, des affiches posées dans Paris invitaient les parisiens, moyennant un prix exorbitant à venir dans la salle Herz, rue de la Victoire le 12 septembre 1865, assister au phénomène surnaturel. Une foule considérable était venue. La séance fut orageuse, il fallut l'intervention de la police pour évacuer la salle et rembourser les spectateurs. André Gill : Le zouave spirite. ....... La maladie qui sévit au XIX°, n'épargna pas les plus grands écrivains. De Balzac, prêt à gober toutes les histoires de somnambules, de voyantes et de "baquet de Mesmer", à Victor Hugo, faisanttourner des tables, nous pouvons ajouter Victorien Sardou parmi les plus grands gogos, victimes des fumistes. Il fréquentait avec Goujon et Mathieu, deux secrétaires d'Arago, des milieux spirites qui faisaient tourner des tables et parler des esprits. Un médecin, chez madame Blackwell, sévissait au consulat des Etats-Unis. Une dame Japhet, cartomancienne servait de médium entre le ciel et la terre rue Tiquetone. C'est là que Victorien Sardou rencontra un nommé Léon-Hippolyte-Denizard Rivail (1804-1869), plus connu sous le nom d'Allan Kardec, qui venait de fonder "le Journal Spirite". Celui-ci ne tarde pas à donner chez lui 8 rue des Martyrs, des séances avec la "médium" Mme Duffaux. La maladie gagna les réunions mondaines. On fit tourner des guéridons en questionnant ou faisant écrire les gloires passées, dont certaines, se seraient bien passé de ces productions posthumes ! Des éditeurs publièrent même des tragédies d'outre-tombe d'auteurs comme Racine, un autre publia un ouvrage écrit en collaboration avec.... Dieu ! La "Revue Spirite" de Kardec publia les "Confessions de Louis XI dictées par l'esprit du roi à Mlle Duffaux agée de quatorze ans". Un médium américain un certain Hume, prédit à Alexandre Dumas qu'il vivrait 113 ans, et qu'il mourrait à la suite d'un duel. Voltaire, questionné à son tour, exprima le regrêt que de son vivant il ait manifesté des sentiments anti-religieux. Jean-Jacques Rousseau dit que pour sa part, il n'avait rien à retrancher de ses opinions. Victor Hugo, à l'aide d'un guéridon fit parler Molière en vers, mais à la manière des romantiques. Des esprits frappeurs, il y en avait partout, un américain faisait se soulever une table de trente kilos "qui venait se poser légère comme un oiseau sur un divan placé à l'autre bout de la pièce". Alfred Delvau (toujours lui) raconte que deux américains, venus de Boston, les frères Ira et William Davenport se faisaient attacher solidement avec des cordes puis enfermer dans une armoire. Les lumières éteintes, ils faisaient entendre des instruments de musique, guitare, tambour, clarinette etc..., des mains lumineuses se promenaient sur les visages des spectateurs. Une fois les bougies rallumées les instruments se retrouvaient aux pieds des américains qui s'étaient défaits de leurs cordes. L'affaire fit du bruit, c'est ainsi qu'après un grand battage publicitaire, des affiches posées dans Paris invitaient les parisiens, moyennant un prix exorbitant à venir dans la salle Herz, rue de la Victoire le 12 septembre 1865, assister au phénomène surnaturel. Une foule considérable était venue. La séance fut orageuse, il fallut l'intervention de la police pour évacuer la salle et rembourser les spectateurs. .......................... Le photographe Bugnet, du 5 boulevard Montmartre invente "le cliché fluidique"

Un client retrouve sur un cliché fluidique le spectre de son frère noyé un an auparavant.

Vers 1874, la boutique du numéro 5 boulevard Montmartre, juste à côté du théâtre des Variétés, un photographe Jean Buignet avait trouvé un filon en vendant à tout un chacun "l'image fluidique" d'un proche disparu. Moyennant un supplément de vingt francs, il ornait votre portrait de celui de votre femme si vous étiez veuf, de vos père et mère ou de votre oncle dont vous déploriez la perte. La photographie des mânes du défunt était assez floue et peu distincte. Ce qui fait que l'on pouvait reconnaître à peu près n'importe qui. 

La célèbre librairie spirite Leymarie avait commandé à Bugnet tout un lot de clichés fluidiques au prix de cinquante centimes, revendues soixante quinze par la libairie qui faisait aussi tourner les tables dans son arrière boutique. Bugnet perfectionna le système, quand une personne désirait être représentée en compagnie d'un cher disparu, elle se rendait chez Bugnet. Celui-ci s'enquérait des caractéristiques de l'esprit qui devait apparaitre sur la photo puis se rendait dans une pièce voisine. Il demandait au visiteur de revenir le lendemain où le client se voyait photographié à côté d'un spectre ressemblant à la personne évoquée. La somme demandée était cette fois de

vingt francs or !

Victime de son succés, débordé de travail, il commit quelques erreurs. Un jeune homme désireux de revoir sa fiancée auprès de lui, se retrouva flanqué du portrait d'un sapeur barbu lui tenant la main...

Le peintre Paul Chenavard professeur à l'Ecole des Beaux Arts, flairant la supercherie, se mit à faire des expériences pour convaincre la justice de ces procédés délictueux. La police se fit tirer l'oreille, mais quand Chenavard réussit à  écarter toutes les objections, le parquet se décida à agir...

Un commissaire de police se présenta chez Bugnet, et lui demanda de faire son portrait avec l'image de son grand-père. Le spirite ne se fit pas prier. Après avoir rapporté une plaque qu'il venait de sensibiliser, avant d'ouvrir son objectif il se mit à prononcer des invocations sacramentelles. Le commissaire ne lui laissa pas le temps de terminer ses manipulations, dévoilant son écharpe, il saisit l'appareil, la plaque, et procéda à une visite domiciliaire. Il découvrit dans son laboratoire toputes sortes de poupées enrobées de dentelles comme recouvertes d'un linceul. La plaque saisie fut développée en présence du prévenu. Le resultat fut celui attendu, la présence d'un grand-père, en attente de l'arrivée de son petit-fils.

Rapport (archives de la préfecture de Police)

La justice s'empara de l'affaire, et un procès eut lieu le 16 juin 1875, Jean BuIgnet fut condamné pour escroquerie à un an de prison et 500 francs d'amende. Malgré les aveux de Bugnet, un bon  nombre de dupes refusèrent de reconnaître la fraude. Un officier supérieur d'artillerie

lui-même spiritie, avait en pleine audience soutenu que l'accusé avait tort, que lui-même n'était pas dépourvu de connaissances scientifiques, et engagea Bugnet à persister dans ses dénégations.

Après avoir purgé sa peine, Bugnet préféra quitter l'ingrate patrie pour exercer sa noble activité en Belgique afin de ne pas perdre son fluide médionimique.

Un client retrouve sur un cliché fluidique le spectre de son frère noyé un an auparavant.

Vers 1874, la boutique du numéro 5 boulevard Montmartre, juste à côté du théâtre des Variétés, un photographe Jean Buignet avait trouvé un filon en vendant à tout un chacun "l'image fluidique" d'un proche disparu. Moyennant un supplément de vingt francs, il ornait votre portrait de celui de votre femme si vous étiez veuf, de vos père et mère ou de votre oncle dont vous déploriez la perte. La photographie des mânes du défunt était assez floue et peu distincte. Ce qui fait que l'on pouvait reconnaître à peu près n'importe qui. 

La célèbre librairie spirite Leymarie avait commandé à Bugnet tout un lot de clichés fluidiques au prix de cinquante centimes, revendues soixante quinze par la libairie qui faisait tourner les tables dans son arrière boutique. Bugnet perfectionna le système, quand une personne désirait être représentée en compagnie d'un cher disparu, elle se rendait chez Bugnet. Celui-ci s'enquérait des caractéristiques de l'esprit qui devait apparaitre sur la photo puis se rendait dans une pièce voisine. Il demandait au visiteur de revenir le lendemain où le client se voyait photographié à côté d'un spectre ressemblant à la personne évoquée. La somme demandée était cette fois de vingt francs or !

Victime de son succés, débordé de travail, il commit quelques erreurs. Un jeune homme désireux de revoir sa fiancée auprès de lui, se retrouva flanqué du portrait d'un sapeur barbu lui tenant la main...

Le peintre Paul Chenavard (1808-1895) professeur à l'Ecole des Beaux Arts, flairant la supercherie, se mit à faire des expériences pour convaincre la justice de ces procédés délictueux. La police se fit tirer l'oreille, mais quand Chenavard réussit à  écarter toutes les objections, le parquet se décida à agir...

Un commissaire de police se présenta chez Bugnet, et lui demanda de faire son portrait avec l'image de son grand-père. Le spirite ne se fit pas prier. Après avoir rapporté une plaque qu'il venait de sensibiliser, avant d'ouvrir son objectif il se mit à prononcer des invocations sacramentelles. Le commissaire ne lui laissa pas le temps de terminer ses manipulations, dévoilant son écharpe, il saisit l'appareil, la plaque, et procéda à une visite domiciliaire. Il découvrit dans son laboratoire toputes sortes de poupées enrobées de dentelles comme recouvertes d'un linceul. La plaque saisie fut développée en présence du prévenu. Le resultat fut celui attendu, la présence d'un grand-père, en attente de l'arrivée de son petit-fils.

Rapport (archives de la préfecture de Police)

La justice s'empara de l'affaire, et un procès eut lieu le 16 juin 1875, Jean BuIgnet fut condamné pour escroquerie à un an de prison et 500 francs d'amende. Malgré les aveux de Bugnet, un bon  nombre de dupes refusèrent de reconnaître la fraude. Un officier supérieur d'artillerie

lui-même spiritie, avait en pleine audience soutenu que l'accusé avait tort, que lui-même n'était pas dépourvu de connaissances scientifiques, et engagea Bugnet à persister dans ses dénégations.

Après avoir purgé sa peine, Bugnet préféra quitter l'ingrate patrie pour exercer sa noble activité en Belgique afin de ne pas perdre son fluide médiominique.

Mise à jour le 9/07/2010