RED : Remaniés Extrêmement Dangereux

Publié le 18 novembre 2010 par Bravepatrie

A quel âge les vieux tigres de papier perdent-ils leurs dents atomiques ? Jamais, si l’on en croit Nicolas Sarkozy, qui nous gratifie d’une comédie d’espionnage enlevée et rafraîchissante, romantique et explosive à la fois. Quatre personnages atypiques y démontrent que l’oisiveté n’est jamais souhaitable et qu’à force de volonté on peut travailler jusqu’au bout.

Jean-Louis, Eric, Hervé et Rama sont depuis peu à la retraite. Et la retraite, ce naufrage moral imposé par les socialistes, ne leur convient pas du tout : pris au piège d’un calendrier capricieux (encore quelques années et ils pouvaient travailler jusqu’à 67 ans), ils décident malgré tout de travailler en marge du système.
Ce système qui les a rejetés, c’est leur spécialité et leur passion. C’est aussi tout ce qu’ils savent faire, ce qui provoque des épisodes décalés et délicieusement loufoques. La scène dans laquelle Eric Woerth, qui prend le thé avec son voisin de chambre à la maison de retraite, repose sa tasse et attend la main tendue qu’on lui remette une enveloppe est absolument hilarante.

Un film dans lequel l’autodérision n’est pas absente : Jean-Louis Borloo exprime le fond de sa pensée sur l’agriculture bio.">

Un film dans lequel l’autodérision n’est pas absente : Jean-Louis Borloo exprime le fond de sa pensée sur l’agriculture bio.

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Un film dans lequel l’autodérision n’est pas absente : Jean-Louis Borloo exprime le fond de sa pensée sur l’agriculture bio.

Les autres anti-héros du film ne sont pas mieux adaptés à leur nouvelle existence : livré à lui-même, sans chauffeur, Jean-Louis Borloo nous offre une scène de destruction automobile comme on n’en avait pas vu depuis les Blues Brothers (ainsi qu’une réplique appelée à devenir culte : « Non mais je suis plutôt habitué aux électriques, en fait. »). Rama Yade, pour sa part, tente de se rendre à Colombes avec son Navigo zones 1 et 2 et se fait, fort logiquement, vertement tancer par trois contrôleurs de la RATP qui l’empêchent de descendre du bus. Elle arrivera essoufflée, mais tout de même en retard, au déjeuner maternel dominical pour y trouver « un gwand plat de mafé fwoid ».
Hervé Morin, enfin, est persuadé que l’armée teste des drogues psychédéliques sur la population quand le pied de l’armoire se cogne sur son orteil car elle ne l’a pas vu.

Le moral dans les chaussettes (à clous pour Morin), nos quatre remaniés se retrouvent par hasard à l’agence Pôle Emploi du quinzième arrondissement de Paris. Ils décident de reprendre leur avenir en main en usant de leur pouvoir de nuisance pour forcer leur ancien employeur à les réintégrer.
C’est alors un véritable thriller politique qui vient épauler l’aspect comédique du film : une candidature centriste de Borloo gênera-t-elle le président aux prochaines élections ? Woerth parviendra-t-il à craquer à temps le système informatique du parti au pouvoir pour y retrouver ses livres comptables ? Yade pourra-t-elle charmer l’électorat de la diversité et contrecarrer la tentative de séduction de la diabolique Marine Le Pen ? Morin ?

Eclats de rire garantis quand Hervé Morin part à la pêche aux électeurs.">

Eclats de rire garantis quand Hervé Morin part à la pêche aux électeurs.

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Eclats de rire garantis quand Hervé Morin part à la pêche aux électeurs.

Une dynamique de groupe complexe créée par l’inévitable rectangle amoureux donne par ailleurs au film un aspect sitcom qui ne sera pas sans déplaire au large public. Borloo, le chef de bande,vieux beau gouailleur, la mèche rebelle à peine soupçonnable dans le nouveau brushing, rêve comme tout bon chef de bande de se taper la bombe du groupe. Mais Rama Yade reste insensible à ses avances car, prise d’une pitié qu’elle a d’abord du mal à admettre, elle la belle conquérante glacée, elle tombe amoureuse d’Eric Woerth. « Crâne d’œuf », comme l’appelle affectueusement Borloo, résiste toutefois au charme de Rama : il est hanté par l’amour perdu d’une apparition diaphane aux cheveux éthérés, presque mauves.
Cette Liliane, dont le spectateur devra décider si elle appartient au domaine du rêve ou de la réalité, ouvre de singuliers espaces oniriques dans lesquels le réalisateur se permet des lenteurs propices à une réflexion qui dépasse largement le cadre du synopsis : exerce-t-on vraiment un pouvoir si on vit dans une construction imaginaire totalement abstraite ? Nicolas Sarkozy semble penser que oui, et la démonstration de son pouvoir de metteur-en-scène est absolue.
Quatrième coin du rectangle, Hervé Morin n’aime personne et ses remarques adorablement cyniques servent à désamorcer toute tension entre ses camarades en mettant en exergue le ridicule sérieux avec lequel ils considèrent leur mission.

Face aux quatre Remaniés se trouve le président de la République, interprété par Nicolas Sarkozy, qui n’a trouvé aucun acteur pour incarner la magnifique démesure mégalomaniaque qu’il a conçue pour le personnage.
Tour à tour enjôleur et menaçant, sadique et transi d’amour, il donne au rôle une profondeur qui n’est pas sans rappeler le Chaplin du Dictateur. Super méchant mais aussi super humain, redonnera-t-il une chance à Jean-Louis, Rama, Eric et Hervé ? Le fera-t-il parce qu’il les craint, ou parce qu’il les apprécie pour leurs compétences et leur humanité ?
Des questions que le metteur en scène laisse se faire remanier sans cesse par des rebondissements tous plus étonnants les uns que les autres. Nous invitons chaudement nos lecteurs à se laisser transporter en se rendant dans les salles obscures ou, à défaut, dans les meilleurs kiosques à journaux.

Episode de telenovela français (2010). Comédie, policier, thriller. Durée : environ 17 mois. Réalisé par Nicolas Sarkozy. Avec Nicolas Sarkozy, Rama Yade, Jean-Louis Borloo, Eric Woerth, Hervé Morin et un VRP de la marque Vaseline®. Cinq couilles de coq Brave Patrie.

P.-S.

Nous présentons à nos lecteurs nos sincères excuses pour le retard avec lequel cette critique, dont la publication était prévue hier, apparaît. Notre espace de travail collaboratif en ligne a été cambriolé dans la nuit de mardi à mercredi, nous laissant totalement démunis face à la deadline menaçante.
Nous tenons enfin à chaleureusement remercier Axel Pillaud, auteur de l’affiche présentée plus haut, qui nous a aimablement autorisés à l’exploiter.