Saint-Lô, ville martyre

Par Pause Toujours

Saint-Lô devrait se réjouir de voir "ses enfants" jouir d'une certaine reconnaissance.

Cette année, Saint-Lô est à la fête.

Commençons par le livre Bajram destructeur d'univers paru dernièrement aux éditions Soleil. Dans cet entretien avec Thierry Bellefroid, Denis Bajram déclare : "Saint-Lô, c'est l'un de ces trous du cul comme on sait en faire en France." L'auteur de BD raconte la ville sinistre et reconstruite de son enfance, l'échappatoire qu'était pour lui la bibliothèque. Il reconnaît toutefois les efforts de la municipalité pour l'embellir et lui redonner de la vitalité : "C'est plutôt agréable maintenant, c'est devenu supportable." Ouf !

Jean Teulé est aussi lapidaire dans l'émission Le Café, diffusée sur Dailymotion en juin 2010. Face à une Mazarine Pingeot insignifiante, il évoque l'arrivée de son père en Normandie pour la reconstruction : "Il est venu à Saint-Lô, chef-lieu de la Manche, ville ultra-réac à l'époque..." La suite le confirme. La mise à l'écart pour "communisme", la défiance, devrait-on dire, vis à vis de son père n'a malheureusement rien d'étonnant. Laissons le expliquer, Jean Teulé est un conteur aussi savoureux que sympathique :


JeanTeulé : à 57 ans je n'ai toujours pas choisi mon métier
envoyé par lecafe.

Continuons sur le même registre avec les membres de Da Brasilians, groupe rock dont le numéro 86 du magazine Trois Couleurs reprend les propos (pages 39-40) : "Saint-Lô, c'est petit, c'est moche, et tu t'ennuies [...] Quand on a déboulé à Paris, il y a dix ans, on arrivait en bande dans les bars, on buvait énormément, on était un peu cons, arrogants. Des saint-lois, quoi !"
N'en jetez plus !


Saint-Lô !
Malheureuse Saint-Lô qui ne s'est jamais remise des bombardements de 1944 !
Détruite à 97%, elle reste mal aimée.

Peu d'essais, peu d'études accessibles sur la reconstruction... des réflexions commencent seulement à être rendues publiques... Saint-Lô serait pourtant un cas intéressant pour comprendre l'urbanisme, le fonctionnement ou le non-fonctionnement d'une ville, l'amour ou le désamour de ses habitants, l'impact d'une architecture sur les comportements. Comprendre pour redonner vie à un lieu défiguré, violenté, martyrisé, déshumanisé.

"Saint-Lô, triste Saint-Lô !" devra-t-on répéter longtemps à moins de se laisser bercer par les Da Brasilians sur musicMe ou d'aller les écouter en concert.

On pourrait aussi se replonger dans les vieilles images de Saint-Lô sur le site des archives de la Manche et en profiter pour saluer le travail effectué par le personnel des archives ainsi que la décision du département d'en garantir l'accès gratuit.

Dans le registre de la gratuité, le magazine Trois Couleurs est distribué par les cinémas MK2, téléchargeable chaque mois sur leur site (une petite case en haut de l'écran).

Quant à Bajram destructeur d'univers, ouvrage d'entretiens forts bien menés par Thierry Bellefroid aux éditions Soleil... je ne sais qu'en penser. Pourquoi se raconter ? Pourquoi cette nécessité de s'expliquer ?

Denis Bajram est un auteur singulier qui ne laisse pas indifférent. Son franc-parler dérange. Peut-être le ton péremptoire et sans ambages de celui qui sait, une sorte de mécanisme froid de la pensée...
Ce livre permet d'écouter le démiurge, de l'approcher. Il plaira à ces fans mais ne redorera guère son blason auprès de ses détracteurs.

Nous tenons à remercier l'équipe de Trois Couleurs de nous avoir confié un lien vers le numéro 86 de leur revue.