Ma rentrée littéraire # 2 : Just Kids de Patti Smith et autres littératures.

Publié le 21 novembre 2010 par Petistspavs

La chanteuse-poètesse, artiste plasticienne américaine Patti Smith (ci-contre le 1er juillet 2010) a reçu récemment l’une des distinctions littéraires les plus prestigieuses des États-Unis, pour son livre Just Kids. On s'en foutrait complètement si un des thèmes de Just Kids n'était la difficulté pour une jeune artiste, un jeune artiste, aux talents qui seront par la suite amplement consacrés, à simplement exister, même dans le New York des années bénies, 60-70 où le fric régnait en maître partout, mais pas en maître de tous. Alors, c'est bien que Patti, quelques années plus tard, soit distinguée pour la qualité de sa littérature. Sera-ce suffisant pour faire réfléchir la librairie Chapitre.com (ex Privat, ex Julliard), bd St Germain à Paris 7ème, qui avait rangé Just Kids dans le rayon Musique, à côté du best seller de Keith Richards, dont le sujet principal consiste à faire dire à son nègre (au sens de celui qui a écrit le livre que Richards a signé) qu'il en a (Keith) une bien plus grosse que Mick Jagger.,ce qui met la Littérature et l'Histoire du Rock à un niveau moral et esthétique rarement atteint. J'ai donc renoncé à acheter le livre de Patti Smith dans cette librairie et je l'ai acquis aux Tropiques, rue Raymond Losserand à Paris dans le XIX°, à deux pas de l'Entrepôt. Il y était exposé au rayon Littérature américaine, juste à côté du Richard Yates que je cherchais également. Délicieuse, prophétique proximité.

Just Kids s'ouvre et se ferme avec la mort de Robert Mapplethorpe dans le regard et le souvenir de Patti, le compagnon de misère sociale et de plaisir artistique et sensuel. Car lors de leur rencontre en juillet 1967, Patti et Robert, ne sont que deux jeunes provinciaux venus conquérir New York et le vaste monde sans un nickel en poche, mais armés d'une foi en l'avenir qui peut tout.

Patti Smith n'a pas fait un "livre rock", ni un ouvrage de référence sur l'époque où la jeunesse arty américaine balade son spleen aérien entre Chelsea Hotel et Factory. Je vois deux thèmes principaux dans ce récit très construits de souvenirs foisonnant et limpide. Dans une langue belle, épurée, très simple et accessible, Patti nous parle du mystère de la création artistique, mais elle ne procède jamais de manière théorique ou doctrinale, elle ne fait que nous raconter des personnages, parfois étranges, souvent attachants, dont l'ambition est de construire un univers, non pas forcément plus beau ou plus agréable, mais inédit et s'accordant à leurs désirs, à leurs croyances, à leurs personnalités profondes. Le deuxième sujet du livre, c'est l'amour au sein d'un couple. Il s'agit d'un couple d'artistes qui fonde son amour dans la confrontation de deux ambitions artistiques. Et le couple et son amour ne dévie ni ne faiblit face aux aléas apparemment majeurs que peuvent être une constante difficulté à survivre (à se loger, se nourrir, se soigner) vécue au long cours et même l'évolution (la révélation progressive, comme celle d'une photo numérique) de l'identité sexuelle de Robert Mapplethorpe.

Au pire, on peut dire que ce couple parvient à survivre au succès, voire au triomphe de la femme et de l'homme.

Ayant épuisé avec tristesse les dernières ressources de ce si beau récit, moi qui ne crois en rien, je suis persuadé que le couple formé de Patti et Robert ne peut vraiment disparaître. Il existe dans leurs œuvres croisées. Il existe dans la nostalgie gaie de la magnifique Patti Smith. Certains couples, au-delà de la séparation matérielle, semblent ne jamais devoir disparaître en tant que couples.

Patti et Robert (1969)

J'offre à Patti et Robert cette balade de Leonard Cohen que j'aime tant, contemporaine des débuts de leur histoire. Hey, that's no way to say good bye, ici interprétée par la délicate et, malheureusement un peu oubliée, Judy Collins.

Après Just Kids, j'ai vraiment eu du mal à aborder un autre livre. Pourtant, j'avais choisi Easter parade de Richard Yates. Cet auteur, que je découvre grâce à l'indispensable Nelly Kapriellan, qui m'avait déjà fait découvrir Laura Kasischke et Sophie Maurer (qui a écrit son deuxième roman, à paraître - ô joie !) est mort en 1992 après avoir peu produit. Totalement oublié (il y a deux ans, le succès des Noces Rebelles avait incité un éditeur à rééditer Revolutionary road (La fenêtre panoramique), dont le film est inspiré, mais dans la plus totale indifférence de la critique. On dit pourtant que Yates a été une des influences de Richard Ford et, surtout, de l'immense Raymond Carver, dont les Éditions de l'Olivier ont entrepris d'éditer les œuvres complètes.

Après mes difficultés à abandonner mes nouveaux chers amis Patti et Robert, j'ai réussi à entrer dans l'univers étonnant de Yates. En peu de mots, cet auteur relate dans une langue élégante, fluide et classique, la déchéance de deux soeurs que les hasards de la vie va briser. Yates met au service de cette mauvaise action un sens renversant du récit et une méchanceté qui ne peut être simulée et lui permet de décrire les différents paliers de la marche vers l'Enfer sur terre des sœurs Grimes, avec une distance et un humour vachard qui tend à une certaine cruauté. Je n'ai pas fini le livre, je n'en suis qu'au milieu, dans une période où Emily, la cadette longiligne aux petits seins si vivants a trouvé le bonheur auprès de son séduisant patron poète et gentilhomme. Je me réjouis de me coucher tout à l'heure avec Easter parade (je suis célibataire en ce moment) et de découvrir ce qui va bien pouvoir tomber sur la tronche de la charmante Emily, comment et pourquoi.

Un auteur qui semble avoir si peu de compassion pour l'humanité est à découvrir de toute urgence.

Patti Smith, associée à Philip Glass rendra un Hommage à Allen Ginsberg le vendredi 21 janvier 2011 à 20:00, Salle pleyel. Dans la même salle, Patti Smith jouera "Horses", son premier album le samedi 22 janvier 2011, 20:00.

Ces concerts se tiendront dans le cadre plus vaste du Domaine Privé que la Cité de la Musique consacrera à la grande Patti, dans cette période, avec notamment des lectures.

Il est prudent de réserver.