La RDC contre des stratégies minières occidentales

Publié le 23 novembre 2010 par Infoguerre

 Une firme occidentale mise hors-jeu par le gouvernement congolais
Le monde financier de la City est encore ébranlé à la suite d’une série de rebondissements ayant abouti à l’exclusion de la firme First Quantum Minerals Ltd (FQM) du marché de l’extraction de matières premières en République Démocratique du Congo.
La production de cuivre et de cobalt de ce pays, représentant plus de la moitié de la valeur des exportations, pourrait lui permettre de se hisser d’ici à 2015 au deuxième rang mondial des producteurs de cuivre, derrière le Chili, avec une production de 1,94 million de tonnes.

La firme FQM, cotée à la fois à Londres et à Toronto, était fortement implantée en R-dC, ayant investi jusqu’à fin 2009 plus de 800 millions de dollars US dans des projets. Trois sociétés d’exploitation appartenant à FQM étaient installées en R-dC : Comisa Sprl, Frontier Sprl et KMT Sarl (pour Kingamyambo Musonoï Tailings, projet avancé à Kolwezi au sud du pays pour le traitement des rejets miniers afin de produire du cuivre et du cobalt). Prétextant une série d’irrégularités, invoquant le non-respect du droit minier, la fraude fiscale, le recours de FQM à de la main-d’œuvre étrangère (des chefs d’accusation dont se défend FQM), les autorités de la R-dC ont résilié sans compensation en août 2009 le permis de la firme sur les terrils KMT, et confié par l’intermédiaire d’un diamantaire israélien, Dan Gertler, la majorité des droits d’extraction au groupe Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Cotée à Londres, cette entité est toutefois contrôlée par trois oligarques du Kazakhstan. L’administrateur d’ENRC en charge du dossier, Sir Richard Sykes, ancien président de GSK, affirme que « ce bien a été acquis en toute légalité, même si la moralité de cet acte peut être mise en cause ». Cette affaire oppose désormais à Kinshasa FQM et ses deux partenaires institutionnels, la Société Financière Internationale, filiale de la Banque Mondiale, et la sud-africaine Industrial Development Corporation (IDC). Afin de compenser la chute dramatique de son action à la suite de l’expropriation, le groupe canadien pourrait réclamer un milliard de dollars au nouveau propriétaire – qui a par ailleurs acquis les gisements à des prix défiants toute concurrence.

Dans cette affaire, des partenaires institutionnels, dont la Banque Mondiale, ainsi qu’une firme canadienne, se retrouvent en conflit avec une entreprise détenue par des oligarques kazakhs, également cotée à la Bourse de Londres. Au-delà de la « balkanisation » des ressources africaines et des ententes de personne à personne mises en évidence (à l’évidence, l’ensemble de l’Etat congolais n’avait pas forcément intérêt à exproprier une entreprise mettant en avant une responsabilité sociale solide, se pliant au code minier et réglant ses impôts), cette affaire trahit un manque de stratégie de puissance de la part des entreprises occidentales, dont la mésentente et la difficulté à affronter le mouvement de révision des contrats miniers amorcé en 2007 en R-dC, risquent fort pour l’instant de décourager les investisseurs dans ce secteur.

Des investissements chinois massifs
Cette situation de perte de marchés d’exploitation dans ce pays, situation due à un manque de stratégie des sociétés occidentales, n’est pas synonyme de perte pour tous. L’un des plus importants projets d’exploitation devrait bientôt commencer. Il s’agit de l’exploitation des gisements attribués à la joint-venture Sicomines, dont le capital est détenu à 68% par les sociétés chinoises Sinohydro, China Railways et China Mettalurgical Group Corporation, et à 32% par des entreprises d’Etat congolaises. L’enjeu porte tout de même sur l’accès à des réserves de 10,6 millions de tonnes de cuivre et 609 000 tonnes de cobalt !

De plus, le gouvernement congolais a autorisé en septembre dernier un autre transfert. Après avoir annoncé en mai le retrait par la Cour suprême congolaise des permis de Frontier et Comisa – également propriétés de FQM – et pourtant déjà en exploitation, les investisseurs ont appris que ceux-ci seront exploités par une joint-venture créée par la société d’Etat Sodimico et le groupe China Fortune Holdings, de Hong-Kong. Le Ministère congolais des mines a justifié la révocation des licences de FQM sous prétexte qu’elles étaient « illégales » et que ses dirigeants seraient impliqués dans des malversations. Les investisseurs chinois doivent faire preuve d’arguments solides pour conquérir ces marchés. Dans le cas inverse quel serait l’intérêt de l’Etat congolais à laisser partir les firmes occidentales, auxquelles sont imposées des normes sociales et environnementales drastiques ? La Banque mondiale a pour toute forme de réponse décidé de suspendre un projet d’appui au secteur minier congolais.
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Une stratégie de positionnement nécessaire
La RDC est de loin le pays qui produit le plus de Cobalt. En 2009, la production minière raffinée de Cobalt était de 25 000 tonnes, sur un total de 62 000 produites dans le monde (soit 40%), et le pays possède des réserves immenses (3 400 000 tonnes) et beaucoup plus importantes que celles de la Chine (estimées à 72 000). Le cobalt est un élément aux champs d’application nombreux.  Dans la plupart des applications, la substitution de cobalt entraîne une diminution de la performance du produit. Parmi les utilisations, citons les batteries, produits chimiques, superalliages, catalyseurs…
La volatilité des prix des matières premières et la sortie de récession des pays industrialisés attisent les convoitises des géants miniers européens, nord-américains et australiens, mais aussi chinois et indiens.

La Chine est de plus en plus présente sur le continent africain – c’est le moins que l’on puisse dire. La politique chinoise est nettement motivée par la volonté d’accès aux matières premières mais aussi agricoles. En évoquant le secteur du BTP, Bernard Kouchner a déclaré le 12 février 2010, devant l’association de la presse diplomatique,  que « les Chinois gagnent tous les marchés, ils sont moins chers, ils construisent à l’heure ». Le ministre avait à cette occasion proposé « une politique commune, certainement des Français et des Anglais. Et pourquoi pas y ajouter les Portugais et les Belges, les anciennes puissances coloniales et aussi les Américains » pour résister à la concurrence économique chinoise. Le minimum serait en tout cas d’agir, dans ce secteur comme dans celui des matières premières, d’opposer à des puissances comme la Chine et l’Inde une véritable stratégie, cohérente, afin d’éviter que des entreprises occidentales ne se retrouvent juridiquement opposées, et finalement perdantes face à ceux qui avancent avec une stratégie.

Adrien Mondange

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