Pieds nus sur les limaces de Fabienne Berthaud (le livre avant le film)

Publié le 25 novembre 2010 par Ceciledequoide9
Bonjour à celles et ceux qui aiment marcher pieds nus (mais pas forcément sur des limaces
Bonjour aux zotres

Hier soir, à l'occasion de la sortie prochaine de Pieds nus sur les limaces, j'étais invitée par Haut et court à une table ronde en présence de Fabienne Berthaud, la réalisatrice du film et de Ludivine Sagnier qui joue le rôle de Lily.
J'avais vu le film deux jours plus tôt et après, la projection, on m'avait offert le court roman éponyme également signé Fabienne Berthaud que je m'étais empressée de lire en prévision de la rencontre.
Le sujet
Lily a une vingtaine d'années et un cerveau mal irrigué à la naissance qui la prive d'inhibitions et la rend à la fois violente et sensible et en tout cas peu apte à la vie en société. Sa mère étant décédée alors qu'elle avait 5 ans, c'est sa soeur Clara, tout juste majeure à l'époque, qui l'a élevée. Toutes deux vivent isolées dans une grande maison, unies par un amour passionné, étouffant et dévastateur.
Mon avis
Il m'est évidemment difficile de séparer de séparer mon avis sur le livre de mon opinion sur le film tant il est vrai que j'ai ouvert le roman sitôt sortie de la projection. A ce stade, il me semble donc utile de préciser que, chose rare, j'ai préféré le film au livre et ce pour des raisons qui m'apparaissent parfois assez paradoxales.
Contrairement au film, le livre adopte un point de vue précis, celui de Clara (il est d'ailleurs rédigé à la première personne du singulier) mais malgré cela, il me semble moins analytique (traduction pour celles et ceux ne parlant pas le Qd9 couramment "plus superficiel") que le film. Le roman est très descriptif, rythmé par les actions de Lily (et leurs conséquences) et les réflexions de Clara (et les doutes et les craintes qu'elles suscitent) mais il manque de profondeur, de densité, de recul et, parfois, de contexte.
Ainsi, on ne sait pas vraiment pourquoi, quand, comment, cette famille qui ne semble pourtant guère argentée, a aterri dans une sorte de chateau ni pour quelles raisons les soeurs s'acharnent à y vivre... Ainsi apprend-on que les huissiers sont sensés débarquer mais passe-t-on totalement sous silence les courriers et coups de fil qui précèdent immanquablement ce genre de visite... On ne sait pas plus, par exemple, comment Lily est devenue taxidermiste et contrairement à la peinture ou à musique, "l'art" de dépecer des animaux, de les empailler et d'en conserver les peaux ne s'improvise guère... Ce ne sont que trois exemples parmi une multitudes de "détails" diront certain(e)s, mais à mon avis, ce sont justement ces détails, ce cadre, ces références, qui font qu'on entre ou non dans une oeuvre, qu'on croit ou pas à des personnages et des situations.

Plus génant, on a l'impression que tout au long du livre Fabienne Berthaud a volontairement donné dans une surenchère misérabiliste qui ferait presque passer Germinal pour une partie de rigolade. L'histoire familiale de Lily et Clara est sordide, la bonne est forcément battue, et puis elle boit, et puis elle boite et puis ses chiens sont maigres, et j'en passe et des meilleures.
L'impact du livre aurait sans doute été plus fort si les personnages de Lily et Clara avaient évolué dans un contexte moins résolument sombre et dépeint avec plus de subtilité comme si la maladie et l'irresponsabilité de l'une, la dévotion et l'épuisement de l'autre ne suffisaient pas à plomber l'ambiance et à nourir le roman et qu'il fallait multiplier les effets, surligner, encadrer, ajouter des clignotants et des avertisseurs sonores pour être que le lectorat comprenne bien qu'on n'est pas là pour plaisanter et que l'ambiance tend plutôt vers Joy Division et Berthe Silva que vers La bande à Basile.
J'aurais donc apprécié un roman plus dépouillé, plus centré sur l'essentiel de cette relation éprouvante et complexe (mais psychologiquement passionnante) de double dépendance, plus impudique dans les confessions de Clara. Il n'en reste pas moins que les 156 pages de texte se lisent sans déplaisir et que l'écriture de Fabienne Berthaud est agréable. Parfois cela suffit pour qu'on garde un bon souvenir d'un livre malgré les défauts qu'on a pu lui trouver. C'est le cas pour moi.

Liens
: Cathulu
Conclusion

Etant donné le thème délicat et le ton résolument sombre adopté par l'auteure, même si on a aimé le livre, je pense qu'il est difficile de susciter l'envie de découvrir ce roman à travers un billet sur un blog. J'ai malgré tout envie de vous dire de ne pas forcément vous fier à la première impression... La qualité du livre réside dans ce qu'il contient d'indicible.