Les liaisons dangereuses du Château de Versailles et de l’art contemporain. Part.II

Par Artilt

Par Matthieu

2008 et 2009, Versailles Off : la forme est révisée, le fond, affirmé, la polémique savamment choyée…

1 Commentaire

Comme nous l’avons vu précédemment ici, l’immersion d’œuvres d’art contemporain dans l’enceinte du Château de Versailles n’a pas toujours eu la chance de faire l’unanimité…

Le débat va fortement enfler avec les recommandations de Laurent Le Bon -alors commissaire d’exposition des Versailles Off, devenu depuis directeur du centre Pompidou-Metz- pour l’édition 2008 du Versailles Off : à partir de cette année, un seul artiste vivant sera invité le temps d’une « vraie » exposition !

Ce choix va à nouveau amener Jean-Jacques Aillagon a expliquer -et justifier- la volonté de nouer des liens passé-présent -générateurs de polémique- et d’en faire une formule récurrente ; la forme est révisée, le fond confirmé :

Cette fidélité scrupuleuse aux missions de l’établissement à l’égard du patrimoine ne signifie cependant pas qu’on doive l’embaumer dévotement et le ranger pour toujours parmi les reliques magnifiques mais mortes. Versailles a, au contraire, vocation à rester un « objet culturel » vivant. C’est dans cet esprit qu’est né « Versailles Off » […] Le moment est cependant venu d’en renouveler la forme.

2008, « l’objet culturel vivant » va en effet devenir très « vivant »…

ALERTE À LA BOMBE !

Premier artiste du XXIème siècle a être convié à exposer dans l’illustre château sur une version « longue » du Versailles Off : Jeff Koons.

La cour royale ainsi que les salons d’apparat se sont vu envahis par quantité d’œuvres dont certaines aux allusions pneumatiques assez déconcertantes (nostalgie versaillaise vis-à-vis des ballons à l’hélium ?). Tout le monde s’est emparé du sujet et il n’y pas eu un média qui n’ait pas voulut apporter sa pierre à cet étonnant édifice.


Jeff KoonsBallon Dog, dans le Salon d’Hercule. 1994-2000, Acier inoxydable.


De gauche à droite : Jeff KoonsMichael and Bubbles, 1988, porcelaine
• Hanging Heart, 1994-2006
, Acier inoxydable.
• Lobster, 2003,
Aluminium polychrome.

Ci-dessous : Louis XIV, 1986, Acier inoxydable.
Pink Panther
, 1988, Porcelaine.


Si une grande partie du public, venu pour admirer les fastes de l’ancien régime a  vilipendé l’exposition,  il faut convenir que de nombreux  visiteurs ont été attirés précisément par cette dernière, arrivant en masse  dans un lieu où ils ne seraient finalement jamais allés sans cela.
Il est intéressant de noter que parmi ces personnes, la plupart ont adoré les sculptures de Jeff Koons, mais ont moyennement apprécié le contexte, certaines suggérant même de faire sauter le « vieux machin » qui servait d’écrin aux œuvres. On le voit, les partisans de l’art ancien ne s’illustrent pas toujours par leur ouverture d’esprit, les défenseurs de l’art contemporain non plus… Il faut cependant remarquer que toutes les œuvres n’ont pas suscité le même tapage médiatique, en effet, si le homard géant ou la panthère rose ont fait couler beaucoup d’encre, peu de monde a prêté attention au buste argenté de Louis XIV, et pour cause, le grand public s’est-il seulement aperçu qu’il était signé Jeff Koons et qu’il ne faisait donc pas partie des collections permanentes du château ? Comme quoi, le scandale aussi a ses limites…

L’HOMME INVISIBLE

Qui se souvient encore de l’exposition de Xavier Veilhan au château de Versailles ? Pas grand monde, sans doute, et c’est dommage.

Rarement, un artiste a produit des œuvres qui surent si bien se fondre dans leur décor, et c’est sans doute ce qui les a fait passer quasi inaperçues… Rappelez-vous, un carrosse, violet, qui semble fendre l’air, dans la cour d’honneur :


Xavier Veilhan
Carrosse, 2009, Tôle d’acier soudée, acrylique.

Des statues d’architectes qui paraissent flotter devant la façade sur jardin, le tout se reflétant dans les parterres d’eau, un jet d’eau de près de 100m au croisement du grand canal et qui aurait pu avoir toujours été là tant il ponctue majestueusement la grande perspective du site…


De gauche à droite : Xavier Veilhan • Les Architectes, 2009, Fonderie d’aluminium, peinture polyuréthane • Le Jet d’eau, 2009, Techniques mixtes.

Bref, on est très loin de l’art-polémique et par la même occasion du nombre d’entrées recensé pour le passage de Jeff Koons. C’est à se demander si on peut rameuter les foules sans bousculer un peu les vieilles habitudes. Même les versaillais venus manifester à l’occasion, manquaient cruellement de la hargne qui les caractérise, à croire qu’ils sont venus se plaindre plus par habitude (…c’est l’automne, il y a une expo au château) que par réelle conviction. C’est peut être l’élément le plus révélateur sur le changement des mentalités en pleine amorce quant à l’appréciation de l’art contemporain dans le cadre du Château de Versailles.

Un compositeur français du XVIIIème siècle a écrit :

…En matière d’art, je préfère ce qui me touche plutôt que ce qui me surprend.

Autre temps, autres mœurs…

À bientôt pour le troisième et dernier volet de la « saga » sur L’art contemporain au Château de Versailles.

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