Quand on a souffert du regard des autres...

Publié le 26 novembre 2010 par Marinathel
Quand on a souffert du regard des autres, après un accident -- qu’il soit mécanique (agent extérieur comme voiture, chute, choc, suite de violences, etc…) ou physique (agent intérieur, maladie congénitale ou apparue au cours des années, AVC, etc…) -- ce souvenir ne vous quitte jamais. Même si le temps, au fil des années écoulées, a réparé, avec plus ou moins de une grande partie des dégâts.
Le désir de tendre la main à une personne qui a subi un traumatisme de ce genre ne m’a jamais quitté, depuis ma rupture d’anévrisme. Comme celui, aussi, de la faire sortir de ce processus infernal qui la maintient dans le monde du handicap ! Retour à la vie normale, dans le monde des "non handicapés", avec ce handicap non pas "brandi en étendard", mais "assumé", sans ostentation, mais sans honte aucune.
Maintenir les personnes dans le monde des handicapés est une grave erreur. La personne handicapée tourne en rond dans ce cercle infernal du "val sans retour", un univers où le "nombrilisme" est roi, l’ego devenant surdimensionné, quant à ses propres souffrances, supposées ou réelles. Et ce, par une introspection journalière, aussi malsaine qu’erronée, qui fait du "moi", le seul terrien fréquentable, et des autres, des aliens venus de la planète mars !
Pour ce qui est de trop parler de soi, qui est un peu la manie des personnes handicapées, ce n'est pas très grave, c’est humain, nostalgie du passé et de ce que l’on a été, et angoisse de l’avenir et du devenir ! Mais il y a un pas important à franchir, quand le handicap est endossé, sinon accepté, et donc que l’on a "grandi"… moralement : c'est de se tourner un peu moins vers soi-même et beaucoup plus vers les autres. Tendre la main, venir en aide, donner de sa personne, bénévolement. Se sentir utile à quelqu'un, à quelques uns, c'est gratifiant ! Non en termes de reconnaissance, il ne faut jamais en attendre, s'il y en a tant mieux, sinon tant pis, ce n'est pas important ! Ce qui l'est, en revanche, c'est le nouveau regard que l’on portera sur soi, plus détaché, plus lucide, moins complaisant, mais plus riche : fier et heureux d'être celui/celle qui donne et non celui/celle qui prend.
Là, la personne handicapée l'aura commencé, son premier bond de géant, pour sortir de son monde clos ! Et, paradoxalement, c'est en prenant du recul sur soi que cela se passera. La suite viendra d'elle-même, dans le meilleur de la vie. Ce qui fera que son passage sur terre aura eu une vraie bonne raison d'être, parce que les épreuves, elle les aura surmontées, transformées de maléfiques en bénéfiques. Elles lui auront ouvert les yeux sur le monde extérieur et apporté une grande humanité, une ouverture aux autres, ce qui n’aurait pu être, si elle n’avait pas souffert. C’est fut mon ressenti, après mon épreuve. Et je me suis oubliée moi-même pour me tourner vers autrui.
Mon but était de prendre dans l’association, dont je suis responsable, un ou une bénévole dans cette situation de handicap. Pour qu’il ou elle se sente utile aux yeux des autres ; mais aussi aux siens propres. L’occasion s’est présentée, c’est fait !
Le résultat, immédiat, n’est pas simple, ni d’un côté, ni de l’autre. C’est une jeune fille, une post ado, qui revient de loin, pas encore tout à fait une femme. Notre nouvelle bénévole n’est pas d’un caractère très souple, c’est certain. Mais cette "niaque" qui l’anime lui a permis de sortir de son fauteuil roulant et de transformer son hémiplégie en hémiparésie. Elle marche, avec une canne, en trainant un peu la jambe droite. Sa main droite est malhabile. Son écriture par la main gauche est laborieuse. Sa parole est un peu plus lente que la nôtre et parfois hésitante encore. Mais son cerveau est un vrai petit ordinateur et son intelligence est vive.
Nous donnons des cours d’Alphabétisation --pour ceux qui ne savent pas lire, ni dans leur propre langue, ni dans la nôtre -- et des cours de FLE (Français pour personnes de Langue Étrangère, débutants, intermédiaires avancés.
L’acceptation par les autres bénévoles est légèrement "tumultueuse", parce que notre jeune et nouvelle recrue est un peu "ramène taf", comme disent les jeunes et met son grain de sel en intervenant, intempestivement, dans les cours des autres (par toujours à bon escient, qui plus est), en venant les écouter sans y être invitée. Je dois donc arrondir les angles, la canaliser, lui expliquer en essayant de ne pas la blesser.
Je dois aussi lui trouver le ou les adhérents ad hoc, car sa manière d’enseigner n’est pas toujours adaptée à la personne qui la subit (c’est le mot, pour l’instant, et non qui la reçoit). Elle n’écoute rien de la part de ceux qui ont l’expérience de ces cours, sait tout, a tout vu, tout entendu.
Le premier essai n’est pas une réussite et je crois que l’adhérent ne reviendra pas de sitôt. Au pire, dans nos cours, au mieux, en tous les cas, dans ses cours à elle. Je lui ai trouvé une nouvelle "victime", plus adaptée… à ses méthodes… pour le moment ! Ce sera tout bon ou tout mauvais, cette fois. Il faudra que notre jeune "tête de mule" s’adapte à son "élève", et non l’inverse, comme ce fut le cas au début.
J’espère que cela se passera bien, et ne sera pas un échec total ! Car, sinon, il faudra que j’oublie cette expérience que j’espérais fructueuse et enrichissante, et non malheureuse et accablante, pour les 2 parties en présence. Une acceptation mutuelle, par un apport mutuel. L’une donne les clefs de la lecture et de l’écriture, l’autre apporte la confiance en soi et l’oubli du handicap !
A suivre…
Marie.