Certitude

Publié le 28 novembre 2010 par Malesherbes

Jeudi 25 novembre, Dominique de Villepin a été entendu par le juge Renaud Van Ruymbeke. Etrangement, le compte-rendu de cette audition a été disponible sur Internet presque immédiatement. On est donc fondé à conclure que ce sont des personnes ayant pris part à l’instruction qui sont à l’origine de cette diffusion. De là à conclure qu’elles ont brisé ce secret pour empêcher cette affaire de s’enliser dans les replis d’un secret-défense éventuellement invoqué avec quelques arrière-pensées peu glorieuses, il n’y a qu’un pas, que j’hésite à peine à franchir.

Ce compte-rendu nous révèle un Dominique de Villepin plus mesuré et moins flamboyant que dans ses prestations télévisées. Dans le texte mis en ligne par Mediapart, je n’ai pas retrouvé les termes de la déclaration faite par l’ancien Premier ministre au sortir du cabinet du juge et diffusée sur TF1 le soir-même : « J’ai indiqué au juge Van Ruymbeke qu’il ne pouvait y avoir à mon sens aucun lien entre l’attentat de Karachi et l’arrêt décidé par le Président Jacques Chirac du versement des commissions ». Il me semble que Dominique de Villepin eût été plus près de la vérité en disant plutôt : « il pouvait à mon sens ne pas y avoir de lien ».

Afficher comme il l’a fait une telle certitude est pour le moins aventureux. Dans le domaine de la preuve, il est possible d’établir qu’un élément donné existe. A partir du moment où on l’a aperçu ou bien que l’on en a retrouvé une trace, on peut conclure à son existence. Par contre, il est beaucoup plus difficile d’affirmer qu’il n’existe pas. Si rien n’a conduit à déceler sa présence, on peut tout autant supposer que l’on a échoué à le trouver ou bien que cet élément serait le fruit de quelque divagation.

Etant donné que certaines enquêtes n’aboutissent jamais, il est probable que la mise en évidence d’un lien entre l’arrêt des commissions et l’attentat n’intervienne jamais. Mener des investigations dans un pays étranger, à la situation politique instable, théâtre d’attentats terroristes, où il faut maîtriser la langue arabe, ne me paraît pas à la portée du premier service de renseignements venu.

Pourquoi donc Dominique de Villepin se montre si formel ? C’est que, s’il s’avérait que l’attentat aurait vraiment été une action de représailles menée par le Pakistan, il aurait avec Jacques Chirac une part de responsabilités dans ce drame. Assurer que cette décision de tarir une source de rétro-commissions était dictée par un souci de moralisation et non par le désir de satisfaire sa rancune envers Nicolas Sarkozy et Edouard Balladur vise à parer de nobles intentions une action aux conséquences tragiques.

Selon Maître Olivier Morice, conseil des familles des victimes de l’attentat, qui a participé à l’audition chez le juge, Dominique de Villepin est resté dix minutes silencieux lorsqu’il lui a été demandé de nommer les bénéficiaires de ces rétro-commissions. Aurait-il subi, de la part de ceux-ci ou de leur entourage, des pressions qui n’auraient en rien été affectueuses ?