Rencontre avec Olivier CACHIN

Publié le 29 novembre 2010 par Hiphop4ever

Planète Musique, Galaxie du Hip Hop, astéroïde rap, et c’est le début une nouvelle rencontre avec un des Acteur de la culture Hip Hop : Monsieur Olivier Cachin. Le voici qui se présente à vous à travers d’une traditionnelle interview Blaze : il revient sur sa carrière de journaliste, de présentateur et d’acteur de notre culture.

Dany : Olivier, bonjour, je te propose de commencer avec la lettre C comme « Collectionneur »

Olivier : C’est vrai qu’effectivement j’ai beaucoup de disques, de vinyles, beaucoup de Cds et beaucoup de livres, de DVD, mais je ne me suis jamais vraiment défini comme collectionneur pour la bonne et simple raison que pour moi chez un collectionneur il y a un coté un peu maniaque, un peu compulsif alors que moi j’aime bien la surprise : je ne suis pas le genre de mec qui va chercher tel disque précisément, genre il me manque celui là pour ma collection. Moi j’aime bien arriver dans des bacs et puis voir : des fois j’achète des trucs dont la pochette me fait délirer ou je trouve un nom dans l’ingénieur du son, ou un featuring, ou le premier disque d’un tel sous un autre nom : je ne me considère pas comme un collectionneur dans le sens ou je suis plutôt un curieux : c’est la lettre aussi tu me diras mais pas au sens ou je vais avoir comme certains collectionneurs un liste de ce qui me manque et je cherche le numéro 28 de tel magazine ou le premier album avec la pochette untel, pas comme ceux qu’on voit dans les conventions du disque : certains sont un peu tristes, un peu gris, un peu maniaque dangereux, moi j’aime l’idée d’être un peu freestyle, et surtout je m’intéresse à plein d’univers différents : le Hip Hop bien sur mais ce n’est pas ma seule source d’intérêt, j’aime aussi bien les films de cannibale (Kim Folley), le cinéma italien ; la musique électronique allemande : en fait beaucoup de choses différentes et plutôt que collectionneur j’aime bien compiler des choses, mais c’est plus la curiosité que la collection qui m’anime.

D : Après la lettre C je te propose la lettre A comme « Aficionados »

O : La aussi je rectifierais en disant tout simplement sympathisant, en tous les cas pour ce qui est d’aficionados du mouvement rap : j’ai toujours eu beaucoup de sympathie pour cette musique que j’ai découvert sous sa forme américaine réellement et apprécié avec « The Message » qui est LE morceau. J’avais commencé à écouter un peu de Funk, américain, donc j’étais arrivé à la « musique noire » par Rick James, et Georges Clinton, des artistes que j’avais découvert à l’époque dans l’émission de (P) Manœuvre « Sex machine », donc je commençais à écouter ca et Earth Wind and Fire aussi, et puis quand je suis tombé sur The Message, moi qui ai toujours appréhendé beaucoup la musique à travers les paroles, le contenu des textes, les histoires que racontaient les artistes, c’est ce qui m’a intéressé aussi dans le Punk et dans le New wave, avec The message c’était une nouvelle façon de manier les mots de leurs donner de l’intensité, de la puissance, de les faire jongler entre eux, de raconter une histoire qui était super impressionnante et super profonde. Donc aficionados de ce mouvement là, cela a commencé vraiment avec ce morceau. Après, pour ce qui est du rap français, c’est pour ça, on en parlait tout à l’heure, mais moi je suis plus un touriste culturel qu’un mec qui l’a vécu de façon charnelle ce mouvement : moi je l’ai découvert principalement à travers le magazine que j’ai créé à la fin des années 88 : l’Affiche et dans l’émission RAPLINE que j’ai animé de sa création à sa fin de 9à à fin 93 : c’est à dire au moment ou cela commençait à devenir une musique professionnelle : moi je n’ai jamais trainé dans les halles, je n’ai jamais porter des fat laces, je n’ai jamais été à New York acheter des maxis. Je ne suis pas Rockin Squat, je ne suis pas Joey Star, je n’étais pas dans le public de H.I.P H.O.P de Sidney, je le voyais à la télé gamin mais sans plus … mais moi j’ai vraiment vécu ce mouvement : j’ai accompagné sa naissance : car dans Rapline, on a tourné les premiers clips maison, très artisanaux de la première génération de « La Vieille école », premier clip d’Assassin, de Solaar, de NTM, des Little Mcs, de Ministère Amer et de tellement d’autres… mais je n’ai jamais voulu prétendre être ce qui à mon avis est une erreur qu’on beaucoup d’autres journalistes ont essayé de faire surtout dans le rap mais aussi une autre époque dans le Rock, genre le mec il fait parti de la bande : genre moi je suis comme toi, non moi je ne suis pas comme toi, je n’ai pas ce vécu « ghetto », moi je suis plutôt middle classe, bourgeois d’éducation, je n’ai jamais habité en banlieue, la banlieue je déteste cela : j’entends cela en terme d’architecture et de mode de vie et de transport, par contre ce qui en sort artistiquement comme justement le rap m’intéresse. Donc moi dès le début et cela était très drôle, parce que justement il y a eu une interview (que l’on voit justement sur youtube, merci le Net : des gens ont up loader leurs VHS de rapline) : d’Assassin aux Transmusicales de Rennes, et il y a Solo qui me dit au début, tu vas voir à la fin je vais te poser une bonne question, tu va voir cela va déchirer … on était déjà en 91 : cela faisait plus d’un an que l’émission existait et donc à la fin il me dit : « alors on va inverser les rôles : Solo interviewe monsieur Cachin, mais alors tu portes une cravate, c’est quand même pas très Hip Hop…» Alors je lui dis, (mais le mec se rend il compte que cela fait plus d’un an que j’anime l’émission donc la question tout le monde se l’est déjà posée et j’y ai répondu pleins de fois) : donc évidement je lui fais le petit laïus bien formaté(en 35 secondes rires) : « Tu sais le Hip Hop c’est être soi même, moi je ne me suis jamais habillé en tenue de sport, moi mon truc c’est les costumes en lin, les cravates, je m’habille comme ça, c’est comme ça que je suis naturel. Tu préférerais que je mette une casquette à l’envers en faisant Yo ? On pourrait faire ça mais cela ne serait pas très vrai, qu’en penses-tu ? Et là en gros Solo était là « Euh mince, pourquoi il répond ça… » : dans son idée et cela était très sincère, il ne concevait pas le Hip hop (surtout à l’époque) autrement que comme justement faisant parti de la Tribu, je suis banlieusard, de préférence immigré deuxième ou troisième génération, noir ou arabe, ou antillais, même blanc peu importe, MAIS ça ne pouvait être que ça : moi je faisais parti de ces premiers mutants qui justement (et je pense que cela a été important) et c’est pour cela qu’on m’interviewe en TV ou à la radio c’est que moi on va bien que je suis quelqu’un qui va être capable de synthétiser la pensée, de le voir un peu pas de plus haut, mais d’ailleurs, forcément parce que je connais les médias, parce que je suis journaliste, je vais avoir plus de facilité d’expression que les mecs qui vivent le truc : je n’utilise pas l’argot (par exemple) même si j’aime bien, je ne suis pas un aficionados dans le sens où le sont ceux qui ont baignés dedans et qui ne voient même pas comment cela peut être autrement : donc dans ce sens là, c’est vrai que je suis différent et je n’ai d’ailleurs toujours jamais porté de basquets.

D : On va enchainer avec la lettre C comme « Collaborations » : on te voit beaucoup, te connait beaucoup dans le milieu du Hip Hop, au travers de différentes interviews, au travers de participations à des clips, de la création (à l’époque) de l’Affiche etc…

O : en fait cela a commencé par une collaboration qui n’a pas eu lieu, puisque je l’ai su un peu après : NTM avait pensé à moi pour être le journaliste dans le clip « Authentik » : mais ils ont préféré prendre quelqu’un d’autre (un autre Olivier d’ailleurs), je ne sais pas pourquoi, mais j’avais failli l’être. Après c’est vrai que pour être honnête, plutôt la fin de Rap line, on a commencé à me dire, tiens tu ne voudrai pas venir dans mon clip, faire une petite participation, et je me suis retrouvé à être, la nostalgie aidant (parce que rap line faut quand même dire un truc, c’était une émission qui au moment ou elle avait lieu pouvait être très critiquée, il y avait pleins de gens qui disaient ouais mais d’où il sort ce mec, avec ses cravates, sa coupe de cheveux chelou, il est pas des nôtres (ce qui était vrai), sous entendu quand il ne sera plus là il y aura les « vrais » : et c’est quand je n’ai plus été là qu’ils se sont aperçu qu’il n’y avait pas de vrais et que la télé ne marchait pas comme ça. Après Rap Line, il n’y a jamais rien eu : du coup je dirai, par effet de rebond ils ont compris qu’effectivement je devais bien être sincère puisque 20 ans après je parlais toujours (notamment) de la même chose : et je l’appréciait toujours autant, toujours autant sollicité pour ça et en même temps il n’y avait jamais vraiment eu quelque chose à la place donc après il y a eu des gens comme Alibi Montana, comme Rohff, comme Tunisiano (Sniper) (qui là m’a carrément invité sur le morceau « La France, itinéraire d’une polémique »). Ils m’ont invité car je représentais un peu une certaine idée du Hip Hop à l’ancienne, aussi d’un âge d’or. C’est vrai que quand on voit ce qu’est devenu le rap maintenant, quand on pense aux années héroïques (90 à l’âge d’or 95) : moi j’étais là à fond : 95 c’était aussi l’âge d’or de l’Affiche qui est montée comme rappelons-le à l’époque comme le plus gros numéro (celui avec baby face en couverture) : on était monté à 50.000 exemplaires ou 40.000 vendus en kiosques. C’est un truc : plus aucun magazine ne pourra faire ça maintenant : cela n’existe plus. Donc c’est vrai que j’ai été beaucoup sollicité et en règle générale à moins que réellement (mais ce n’est pas beaucoup arrivé) ce soit une musique ou un thème qui me déplaise fortement : dans l’ensemble j’aime bien : cela me fait marrer : le dernier que j’ai fais est encore une fois avec Alibi Montana, pour justement son clip pour Haïti, dans lequel il avait invité des peoples, et il a réussi à me trainer jusqu’à Argenteuil, où j’étais en bus à trois chiffres (rires), je ne sais pas encore comment j’y suis arrivé, mais j’y suis arrivé …

D : Olivier, on va continuer avec la lettre H et tu imagines qu’il était assez facile pour moi de trouver le mot qui allait avec : c’est le mot Hip Hop

O : Et bien oui, le Hip Hop, cette musique tellement méprisée : encore aujourd’hui, parce que ce qui est marrant c’est que quand je parle à des gens qui ne sont pas spécialement fan ou connaisseurs de cette musique, souvent j’entends : « ha le Hip Hop ouais on en voit partout, ca va maintenant, il y en a marre… » c’est vrai qu’il y a un effet de lassitude provoqué par cette musique de la part des gens qui ne la vive pas : parce que c’est une musique qui a un coté au sens premier du terme fatiguant, parce que cela rentre dedans, cela gueule, c’est le beat en avant, des paroles souvent agressives, mais en même temps je crois que même si cela fait pour ce qui est du rap français 20 ans que cela existe, de façon professionnelle, il y a toujours un coté et on le voit même encore plus maintenant qu’il y a 10 ans un coté musique « des bannis » : je veux dire que c’est une musique qui n’a jamais même au plus fort de sa gloire commerciale, eu une présence médiatique à la hauteur justement des ventes ou de la notoriété des artistes : cela a toujours été sous représenté, à l’époque ou des artistes comme Doc Gynéco, des groupes comme IAM ou NTM ou des artistes comme Solaar, faisaient même pas disques d’or mais disque de Diamant (1 million d’exemplaires vendus), et bien ils étaient clairement sous représentés par rapport à des artistes de variétés, de chansons, ou de Rock qui parfois avaient des chiffres moindres, mais qui étaient plus « radio friendly », ou qui passaient « mieux à la télé ». Je dirai que le Hip hop, en tous les cas le rap français, c’est un petit peu aussi son propre ennemi parce que c’est une musique qui est tellement fière, tellement anxieuse d’être fidèle à une certaine ligne que parfois c’est une musique qui est capable de s’auto détruire, soit par des comportements comment dire regrettables (une certaine violence dans les rapports humains parfois), il y a beaucoup de groupes (sans citer de noms) qui ont crus que les coups de pression c’était une façon de faire du business : eh non, cela ne marche pas comme ça, cela fait juste que les maisons de disques arrêtent de signer du rap parce qu’elles ont peur, il y’a aussi des médias qui n’ont pas vraiment joués le jeu par rapport au rap (comme je te le disait) qui n’ont pas voulu intégrer cette musique : mais pour autant il y a quand même, même si très honnêtement, moi en 2010 je suis peut être un peu moins client du rap français car il y a un coté rap de rue plus systématique qui moi me touche moins, me parle moins, moi toute la vague, des groupes comme Tandem, ou Despo Rutti par exemple cela me parle moins, car j’ai aussi connu la première vague de groupe comme ça, et que ce qui sort maintenant me semble plutôt être des répétitions, forcément moins intenses pour moi de ce qu’il y a eu à une époque, mais bon , il y aura toujours de gens qui font que cette musique reste toujours pertinente : que ce soit des « déviants » si je puis dire comme Hocus Pocus, qui jouent avec un groupe ou un mec comme Oxmo Puccino qui est pourtant un vrai, authentique, Time Bomb ce n’est quand même pas rien, et qui maintenant avec les Jazz Bastards laboure d’autres terrains et visite d’autres horizons et c’est très bien : moi je l’ai peut être vu en concert 10 fois avec son groupe, depuis la première fois en première partie de Louis Vega au Bataclan lors d’un festival, le mec faisait 6 morceaux et ne savait pas comment discuter avec ses musiciens (c’était il y a 4 ans), maintenant le mec est super à l’aise, il a eu une victoire de la musique et bravo ! Donc je dirai que les Hiphop’iens soient capables de reconnaitre les leurs et d’apprécier quand quelqu’un fait autre chose et le fait bien. Un mec comme Oxmo qui pourtant est un vrai et bien pleins de gens, intègres, voir intégristes du Hip Hop vont dire, ouiais mais c’était mieux avant : et bien non : en l’occurrence c’est aussi bien, voir mieux maintenant : et c’est bien de le reconnaitre plutôt que de toujours avoir ce coté un peu jeunisme : il n’y a que le dernier truc qui est bien et ce qui ont changé un peu ne sont plus bien, ils ne sont plus de notre monde … : je trouve cela dommage le coté un peu œillères que peuvent avoir une certaines partie du Hip Hop Français.

D : je te propose d’enchainer avec la lettre I comme « Intérêt ou Intéressant »

O : Ce qui est intéressant pour moi dans cette musique c’est cette capacité qu’elle a toujours eu à rebondir et à se réinventer. parce que les gens qui n’aiment pas le rap vont parler de celui ci comme d’un grand tout, genre : « le rap, moi je n’aime pas le rap », mais cela ne veut rien dire, autant dire :  je n’aime pas le rock, ah bon, quoi tu n’aimes pas les Stooges, tu n’aimes pas Phil Collins, tu n’aime pas Lenny Kravitz, c’est quoi le Rock, cela ne veut rien dire : et c’est très bien, c’est un peu la même idée pour le rap : quel est le point commun entre un mec que je n’aime pas du tout comme Morsay, un poète à l’ancienne comme MC Solaar, un vrai musicien comme 20SYL (de Hocus Pocus), un brillant métaphoriste comme Booba, tout le monde peut trouver quelque chose qui lui plaît dans le Hip Hop ; tout le monde : il n’y a pas UN rap. Donc moi l’intérêt et je trouve que cela se perd un petit peu, à une époque tous les groupes avaient chacun un son un peu différent, toujours un peu influencé par les américains bien sur, il y avait ceux influencés par De La Soul, d’autres par NWA, ou d’autres par du rap « plus intelligent » comme KRS-One (avec un coté métaphysicien du rap)  , d’autres par la West Coast … maintenant, je trouve qu’il y a une vraie fracture entre d’un coté un rap qui n’est plus apprécié par la base : pour aller vite les AbdelMalik (ex Nap), les Hocus Pocus, ou encore Oxmo puccino, ou Disiz (qui lui par exemple quitte le rap) et un rap de rue un petit peu interchangeable, toujours avec ce coté pensée unique, un truc, un seul sillon tracé et pleins de clones … et moi franchement ce coté là m’intéresse beaucoup moins, parce que je l’ai déjà vu et que si la musique cela devient comme le Hard Rock avec un code vestimentaire, une seule pensée musicale et qu’on a pas le droit de faire autre chose que cela, alors moi cela ne m’intéresse pas : et là je rejoints par exemple Disiz qui lui sort un album plus électro Rock, sous le nom de Peter Punk, car il dit en substance « voila moi j’en ai marre d’être dans la secte, j’en ai marre qu’on me dise ca tu as le droit, ca tu n’as pas le droit… » il faut aller à l’Eglise ou dans une secte pour ça (rires) : Pour la musique c’est quand même plus intéressant d’avoir des gens qui sont capables de faire autre chose !

D : C’est une bonne transition pour aborder la dernière lettre de ton Blaze : c’est N comme Naturel : tu aimes peut être aussi ce coté naturel …

O : Naturel, disons que moi je pense que j’ai toujours essayé de l’être, par rapport à mon approche musicale et c’est vrai que moi à un moment, ce qui m’agaçait c’est qu’il y avait en France, une tendance à cataloguer les gens, et j’étais vraiment Monsieur Rap, alors toi tu n’écoute que du rap, Yo, alors que même si cela ne se voyait pas forcément (surtout quand je faisais Rap Line) ; pour moi ce qui est naturel c’est de ne pas être dans cet espèce de sectarisme que vivent beaucoup des gens dans ce milieu là : que cela soit les artistes, ou les gens qui en parlent : genre : « moi tout ce qui m’intéresse c’est le rap, je vis rap, je bouffe rap ». Moi j’aime bien d’autres choses et j’aime bien l’idée que le rap justement (pas que moi d’ailleurs, mais beaucoup) a amené à d’autres musiques : si on écoute du rap et bien très naturellement on va se retrouver justement à écouter de la Soul, à écouter du RnB, du Funk, ,à écouter une certaine forme de Dance Musique, c’est une musique qui s’inspire de beaucoup d’autres musique, donc l’intérêt est de ne pas se cantonner à cela, moi je vois les artistes américains et pour eux c’est la grosse différence avec les français, : ils sont beaucoup plus détendus par rapport à ça : si tu parles à un rappeur américain, il y en a pleins qui vont te dire qu’ils aiment la country, Afrika Bambaataa qui était par exemple fan de Depeche Mode et de Kraftwerk à une époque où on pourrait se dire que les noirs américains n’écoutaient pas forcément de musique électronique anglaise, ou allemande et bien SI justement. Donc, je crois que ce naturel là il faut l’avoir plutôt que de se forcer à essayer d’être un peu le “moine soldat” de la secte, parce que c’est vrai qu’en France on a cette tendance à être un peu comme ça, avec tout “l’intégrisme” que cela suppose avec le “voila la vérité, tout le reste c’est des mensonges…” NON, il faut rester cool, la musique c’est quand même un truc qui peut avoir pleins de directions, pleins d’horizons et c’est ça qui est magique, c’est que des fois tu peux tomber sur un truc qui t’émeut et ce n’est pas forcément la musique de prédiction que tu as choisi ou que tu fais. Je trouve cela très bien de se laisser entrainer par d’autres choses : moi il y a pleins de choses que j’adore et qui ne sont pas forcément même de la musique “noire” et encore moins du Hip Hop : je pense que pour moi le naturel c’est de ne pas être obligé de rester dans une espèce de dogme et de ne pas en bouger, mais au contraire d’avoir une liberté, celle de dire (et je l’ai toujours dit depuis le début); le rap n’est pas “bien en soi”, il y a de très mauvais rappeurs (surtout en France), il y a des groupes pourris, ce n’est pas bien parce que c’est du rap. C’est dans le rap, il ya des choses formidables, mais quand on commence, moi à l’époque de RapLine je me rappelle il y a un mec qui m’a dit une fois « mais qui es tu pour dire que RUN DMC c’est des nazes ? » et bien j’ai répondu « désolé, mais l’album en question à l’époque Down with the King et bien était un mauvais album et ce n’est pas parce que c’est RUN DMC, groupe formidable, qui a fait des trucs magnifiquesque forcément tous ce qu’ils disent est parole d’évangile. Et quand on commence à dire, c’est bien parce que c’est du rap, là la bataille est perdue, parce que là ca veut dire que tu n’es plus objectif, que tu n’écoute plus de la musique, tu la consommes, et tu as un lavage de cerveau qui fait que si c’est du rap cela doit être bien : et bien non, heureusement, il y a du bon et du moins bon dans le rap comme dans les autres musiques.

D : Olivier, je te propose de terminer cet interview avec ce qu’évoque pour toi HipHop4ever.

O : C’est une bien noble idée, en tous les cas jusqu’à preuve du contraire c’est toujours vrai et cela continue. Disons que pour une musique qui a été condamnée dès le début, moi ce qui me frappe c’est que c’est un musique qui à peine elle été née, déjà des gens disaient que cela allait être terminée : DeeNasty le racontait très bien quand après les deux années qu’ont durées HIP HOP avec Sidney, lui allait dans les clubs, et des gens lui disaient mais arrête avec tes conneries, c’est fini , c’est terminé, casse toi, c’était la mode, maintenant on n’en veut plus : parce qu’on ne veut pas de ces gens là, de ces « bazanés » là, on ne veut pas de cette musique qui agresse, mais ca c’est quelque chose qui s’est reproduit à peu près à toutes les époques : et d’ailleurs aujourd’hui, il y a des raisons objectives qui pourraient faire penser cela : la baisse des ventes, et on le sait, le rap est l’une des musiques les plus frappée par cette chute du marché discographique global, donc le Hip Hop est mort, le Hip Hop est mort, c’est même devenu un thème de discussion de pleins d’artistes, avec sa variante : « le Hip Hop c’était mieux avant », mais le rap est mort est un thème qui date. Je me rappelle c’était Lino d’Arsenik qui me disait « Quand vous dites ça vous nous insultez …».

For-ever je ne sais pas, j’espère vivre assez vieux pour le voir j’en doute mais en tous les cas je pense que l’idée que cette musique est là pour longtemps elle est déjà entérinée dans le sens ou en trente ans elle a subie tellement de mutations et elle est encore là et encore là de façon pertinente : je dirai aussi bien commercialement, peut être plus au Etats Unis qu’en France, mais aussi artistiquement : c’est vrai qu’aux US la musique est liée au commerce, si le rap ne vendait plus le rap aurait disparu, mais il y a encore des artistes comme Jay Z, TI ou quelques autres qui réussissent à faire du chiffre ou certains qui ont pu mélanger ça à d’autres musiques pour le pérenniser, mais en France c’est plus dur de vivre quand on est rappeur et de vendre des disques, mais je crois qu’il y a encore et malheureusement finalement : car je crois que dans un monde idéal, le rap serait mort : il n’y aurait plus besoin de gueuler contre ce qu’il se passe, il n’y aurait plus besoin de raconter des histoires de cités, de ghetto : si l’on vivait dans un monde tellement bourgeois, que tout le monde avait un boulot, et qu’il n’y avait pas d’échec scolaire, de violences urbaines, de discriminations et bien, cela serait « super », il n’y aurait plus de rap et le Hip Hop serait mort : mais parce qu’il n’y aurait plus de raisons de gueuler de cette façon là avec ce genre de mode musical. Maiset tant mieux pour l’art et hélas dans l’absolu, il y aura toujours besoin de Hip Hop pour gueuler, dire des choses, parfois même pour ne rien dire, mais cela fait du bien de le dire …

Retrouvez les 5 morceaux à avoir dans sa discographie tant en rap français qu’en rap Us choisi par O Cachin : Découvrez ses choix (et ses justifications)  en podcast audio : à venir!

Dany – http://hiphop4ever.fr