Merci pour la joie

Publié le 30 novembre 2010 par Stéphane Kahn

À l’époque, en 2003 donc, j’étais persuadé que vous ne vous en relèveriez pas. Non pas que vous ne le puissiez pas. C’est juste qu’il ne le fallait pas. C’était une question de bon sens, de dignité peut-être. Je me disais que vous sauriez vous taire. D’autres prétendaient le contraire. On en a éclusé des bières à ce propos, on en a noirci des pages sur le sujet…

Certes, le groupe n’avait pas splitté. Mais les circonstances feraient qu’il s’éteindrait doucement, discrètement, dans l’âcre fumée d'un brasier estival, emportée par le vent…

J’étais persuadé que vous ne prêteriez pas le flanc aux critiques, que vous sauriez mesurer combien rejouer ensemble serait ouvrir la porte sur une avalanche de malentendus, de procès d’intention, et que tes futurs textes, Bertrand, seraient toujours perçus à l’aune de ton geste tragique. Votre amitié indéfectible, vous la garderiez au chaud dans vos cœurs, puis vous renaîtriez, peut-être sous une autre forme. Je vous le souhaitais. Je te le souhaitais. Serge avait évidemment montré la voie.

À vrai dire, vos disques me suffisaient. Nous n’étions pas des amis, ni même des proches. Passés le choc et la surprise, le drame, je m’en étais remis. C’était finalement assez facile. Parce que tes mots, vos musiques, comptaient bien plus que le fait divers. Vos disques, je n’avais pas promis de ne plus les écouter, de les jeter ou de les détruire, comme quelques crétins un peu trop sensibles avaient pu l’écrire à l’époque.

Et puis vous aviez finalement promis de revenir, tout du moins d’essayer.

Je m’étais trompé. Vous avais-je donc surestimé ?

Travailler, écrire, composer, retrouver la flamme…

Pourquoi pas, après tout…

Du moment que c'était pour vous, pas pour Barclay...

Arrivèrent deux morceaux médiocres, en 2008, il y a pile deux ans, et j’avais déchanté.

Définitivement, je préférais de bons albums de Zone Libre qu’un piètre retour de Noir désir...

Puis, il y a quelques semaines, on avait revu Bertrand sur scène. Pour des reprises, amicalement épaulé. Et, surprise, l’entrain y était. Même moi, j’ai alors eu envie d’y croire. Alors que l'on murmurait aussi que les mots ne venaient plus.

Hier, un dernier chapitre. Court, lapidaire, cinglant comme un riff. Et dans le larsen, le poids de mots très durs, plutôt inattendus, sur lesquels on se perd en conjectures.

Aujourd’hui, l’épilogue. Qui clôt l'histoire sur un soulagement paradoxal. Même si je regrette que ce suspens de sept ans se termine dans ce qui semble être de l’acrimonie.

Noir désir n’est plus ? Et alors ? Ne le savait-on pas depuis 2003 ?