Table Fine, U-Bay, Jounieh, Liban

Publié le 01 décembre 2010 par Chrisos

Table Fine, restaurant gastronomique méditerranéen. (Ouvert tous les soirs pour le diner, le week end et les jours fériés pour le déjeuner).
U Bay, souks de Jounieh, route du Bord de mer, de la place Centrale à Kaslik, Jounieh, Kesrouan, Liban.

En bref

Une adresse qui vaut le détour, à la fois pour son cadre et sa décoration exceptionnels que pour le service de bon niveau et la très bonne cuisine méditerranéenne au goût du jour. Pour la version longue, continuer à lire…

Mise en situation

Comme j’ai tenté de l’expliquer ici, les adresses de bonne cuisine européenne contemporaine ne courent pas les rues au Liban. U-Bay est le dernier projet de Toufic Khoueiry, qui a lancé, il y a bientôt 20 ans, avec succès, Kabab-Ji, une chaine de restaurants libanais rapides de qualité et rationalisés. U-Bay regroupe, dans une veille maison libanaise du bord de mer, complètement retapée et adaptée au goût du jour, dans le respect de la tradition. Le pari est osé et intéressant : lancer et assurer la pérennité d’un restaurant contemporain méditerranéen, un bar lounge et un bar à sushis, non pas à Beyrouth, capitale putanesque, mais dans les souks de Jounieh, ancien petit village de pêcheurs, capitale du Maronistan.

C’est la Table Fine, avec son chef français, Jérôme Serres (passé chez Jacques Chibois, étoilé Michelin aux Spondi et Pil Poul à Athènes, passé rapidement en Belgique), et pour laquelle Alain Llorca est intervenu comme consultant, qui retient notre attention.

Fin du rodage, début du rythme de croisière. Le directeur de salle est un revenant qui fait plaisir : un « vénérable » ancien du Vieux Quartier! On est tout de suite rassuré et l’on se dit que le beau décor et la vue ne sont pas là pour compenser ou masquer d’éventuelles faiblesses de service ou dans l’assiette.

Nous sommes installés au bord de l’eau, à la « terrasse », qui est en fait couverte mais dont les baies vitrées s’ouvrent de façon spectaculaire et qui donnent l’impression d’être à l’extérieur, tout en étant protégés. Il fait plus de trente degrés ce jour-là. Cela commencera d’abord avec de la climatisation et vitres fermées, puis, la nuit arrivée, la brise marine levée, les fenêtres s’ouvrent. À gauche, une vue sur la « plage » voisine, et au fond, sur le rocher, la vénérable « Crêperie ». Devant nous, la jolie baie de Jounieh (qui serait tellement belle si les mini jetées-verrues étaient supprimées), à 180°. Rien que cela vaut le détour! Aucune photo potable, hélas.

Nous avons droit une belle grande table ronde, idéale dès lors que l’on est plus de quatre à table. L’espace ne manque pas. Sur la table, c’est élégant mais pas maniéré. Oui, nous sommes au Liban, où fumer au restaurant est permis. Mais la ventilation et la distance entre les tables permet de ne pas souffrir des voisins fumeurs. Nous sommes nettement moins dérangés par la fumée et ses odeurs que chez Sami, par exemple.

Au programme

La carte tient sur trois pages, avec, au moins trois choix par catégorie.

D’abord, les entrées froides, tel le ceviche de pêche du jour, le vitello tonnato ou le saumon fumé maison(27-29.000LL),  les entrées chaudes avec le  mille feuiles de calamar au pistou, le risotto au basilic et pignons de pin ou les fins raviolis de crevettes, jus de crustacés : 23-26.000LL) et les  soupes (sage aux légumes, à 18.000LL) ou les deux bouillabaisses, au mérou ou à la cigale de mer (69-99.000LL attention : prévenir).

Ensuite, des salades (côte de salade, pomme verte et noix à la chair de crabe de pays, 29.000LL, rosace d’endives et sucrines au fomard et pétales de betterave, 52.000LL, ou salade de saumon fumé, cœur de sucrine aux crevettes, parfum d’huile d’olive à la moutarde, 28.000LL). Les plats de résistance font la part belle au poisson : mérou de Méditerranée clouté aux olives (47.000LL), saumon cuisiné à l’unilatéral, légumes de saison (29.000LL), paella de la Table Fine (66.000LL), filet de boeuf angus, pomme de terre en croute d’épices (55.000LL), poitrine de volaille, gnocchis aux condiments (32.000LL), ou alors du poisson au poids et au choix.

Pour finir, une petite dizaine de desserts (9.000 à 14.000LL) : moelleux au chocolat, pain perdu, coque de chocolat argentée façon belle Hélène, cheesecake glacé, tiramisu gourmand, glaces ou sorbets, salade de fruits et sorbet pomme vertes, ou fraises au vin d’épices, glace vanille.

Pour le vin, une carte efficace (avec les classiques) de vins, locaux et français.

Le pain

Quelques gressins frais et croustillants pour débuter, avec une bonne tapenade. Des petits pains fournis pour accompagner le repas : ceux aux olives (avec de la tapenade) sont extra!

Les entrées et salades

« Rosace d’endives et sucrine au homard en pétales de betteraves, homard frais en salade, vinaigrette au miel de romarin frais » . Une salade fraiche qui tient ses promesses. La chair de homard est savoureuse, la cuisson respecte la bête. L’accompagnement apporte croquant et douceur.

Les « fins raviolis de crevettes, jus de crustacé – fines pâtes imprimées, crevettes, oignons confits, coriandre, curcuma » sont, eux, pas encore complètement aboutis. En effet, les raviolis sont tellement fins, que c’est surtout le goût de la rouille qui ressort. Quelques ajustements semblent nécessaires, sinon il est probable que cette entrée sorte de la carte.

Rien à redire (sauf à en redemander), sur le « risotto au basilic et pignons de pins : risotto, jus de poissons, pesto de basilic, pignons grillés, mascarpone et huile d’olive » . Une belle adaptation de ce plat milanais aux goûts locaux et méditerranéens. Cuisson impeccable, texture nickel et saveurs au rendez-vous. Suite à un malentendu, le plat sera enlevé alors qu’il n’était pas terminé. Qu’à cela ne tienne, nous aurons droit à du rab, aussi bon que la première assiette!

La « côte de salade, pomme verte et noix, à la chair de crabe de pays – crabe frais, citron, orange pamplemousse, tomate, basilic, julienne de pommes vertes aux noix » , prise en plat par C, s’avère, elle aussi, fraiche, légère, équilibrée et agréable.

Les Plats

Le « filet de boeuf Angus, pomme de terre en croute d’épices – filet de boeuf sur un lit champignons épinards, citron sumac et sauce bordelaise » est une autre belle réussite. Viande archi tendre et savoureuse, bien saignante au cœur, bien saisie à l’extérieur. Le mélange champignons épinards n’est pas mal, mais c’est cette pomme de terre en croute qui déroute. La croute ressemble, si l’on ne fait pas attention, à une écorce d’arbre. Curieux, et ayant oublié l’intitulé complet du plat, nous attaquons, un peu sceptiques, cette bestiole. Entre l’à priori mental qui joue sur les papilles et le goût relativement marqué de la première bouchée, on est un peu perdu, et l’on a l’impression que cela ne se mange pas, bien que ça se mâche très facilement. Ce n’est qu’au deuxième essai, sans doute rassuré parce que l’on n’est pas déjà mort, que l’on baisse la garde et que l’on apprécie mieux cette croute, qui devient vite addictive. Un concentré de saveurs qui complète bien le juteux-saignant du boeuf, et sa belle sauce orange.

Le « dos de mérou de Méditerranée clouté aux olives et sa fine ratatouille » est sympathique, même si sa cuisson aurait gagné à être un peu plus courte, afin de préserver un peu mieux la tenue de la chair. A n’a pas été emballé par l’accompagnement, alors qu’O, sans crier à l’extase, n’a pas été aussi choquée.

Desserts

Mon cheesecake glacé est présenté de façon amusante. C’est avant tout une glace, dont le goût rappelle le cheesecake (et moi, cela me rappelle Haagen Dazs). Bon, frais, mais exactement ce que j’attendais!

Rien à dire sur le beau moelleux au chocolat, accompagné d’une boule de glace vanille et d’un mille feuille de fruits : nickel.

Les fraises infusées au vin d’épices, glace vanille, sont une drogue hautement addictive! Quant au pain perdu, accompagné d’une boule de glace et de deux sauces tièdes (dont un très bon caramel), il est redoutable et à la mérite de n’être ni trop gras ni trop étouffant : bel équilibre!

Bilan

Une très belle soirée, dans un lieu unique, à la vue et à la déco qui valent le détour à eux seuls. Certes, je n’ai pas réussi à saisir cela en photo, mais croyez-moi, je fais souvent passer ces choses au second plan, et ici, c’est particulièrement réussi. Pour ne rien gâcher, au contraire, le service et l’assiette sont de fort bon niveau. C’est un bel effort et un beau défi de proposer cette cuisine « de luxe » à Jounieh. Luxe, puisque ce n’est pas donné environ 80$+service pour une entrée, un plat et un dessert chacun, plus une bouteille de Pouillé Fuissé (105.000LL), jeune, mais qui se boit plutôt bien
Et si, bien sur, il n’y a pas de quoi faire de l’ombre à un Gérald Passédat (je ne pense pas que ce soit le but), nous avons très bien diné et je sens qu’il y a encore du potentiel. À refaire, donc, pour le cadre et pour suivre les évolutions de la carte…

Rédigé par chrisos