Commerce équitable et consommation responsable
Le troc, c’est pas du toc!
Forme de commerce la plus ancienne, le troc n’a rien de révolutionnaire. Quoiqu’en cette ère où tout se vend et tout s’achète, il soulève un vent de fraîcheur en remettant le citoyen au cœur de l’échange. Cofondatrices de l’organisme Troc-tes-Trucs, les dynamiques Maude Léonard et Véronique Castonguay font la promotion de la consommation responsable et du développement durable… tout en réalisant de belles économies!
Guillaume Brodeur Dossiers Commerce équitable, Communautaire
Plus qu’un bazar
Foule bigarrée
Le 25 novembre dernier, avec sa foule de participants, le Centre de Loisirs Communautaires Lajeunesse ressemblait à une vraie fourmilière. De jeunes mères avec leur poussette, deux dames d’origine asiatique, un grand monsieur à la crinière argentée, des étudiants aux habits bohèmes… Une mixité exemplaire! «Ça rassemble des gens de différents milieux qui ne se rencontreraient pas autrement, constate Maude. Tout le monde ressent le désir et le besoin d’échanger l’inutile contre des objets convoités.»Ils étaient plus d’une centaine à arpenter les étals classés par genre et valeur: vêtements, articles de sport, bibelots, etc. Troc-tes-Trucs attire une foule hétéroclite avec des objets tout aussi discordants! Aussitôt arrivé, un bataillon de bénévoles se met en charge de classifier les objets apportés selon leur échelle de valeur, établie selon le principe du «gros bon sens.»
Pas juste pour les pauvres
Quelques heures plus tard, des centaines de trucs avaient changé de mains dans une ambiance bon enfant. À la différence des marchés aux puces et autres ventes de garage, pas de négociation. Le «prix» est fixe, et minime. «Le troc permet aux familles d’alléger leur fardeau financier et de mettre l’argent sur des choses peut-être plus essentielles», avance Véronique.On pourrait croire qu’il s’agit d’une activité de «pauvres», ce que dément sa complice Maude. «Oui, plusieurs viennent par nécessité. Mais d’autres participent dans l’idée de réduire leur consommation et leurs déchets. On parle beaucoup de consommation responsable, mais il n’y pas 36 000 façons de la mettre en pratique. Troc-tes-Trucs ne fonctionnerait pas si c’était juste une activité de pauvres! Les gens ont compris qu’on ne doit pas apporter des vieilleries, mais des biens qui seront utiles aux autres, pour leur donner une deuxième vie.»
Trésors cachés
Pas de tableau de Van Gogh ou de Riopelle, lors du dernier Troc-tes-Trucs, mais, quand même, des découvertes intéressantes. Comme cette version du jeu vidéo Zelda dénichée par Mikaël, 20 ans, «aujourd’hui introuvable. Ç’a fait ma journée.»Quant à Juan, un nouveau bénévole né au Salvador, il voit son implication comme «un petit coup de pouce pour changer le monde. J’apprécie bien sûr cette alternative pour économiser des sous, mais j’aime surtout voir des gens de toutes les cultures échanger entre eux.» Sa présence avait tout de même un motif personnel : «J’aime ramasser des choses… Il y a beaucoup de trésors cachés.» Sa meilleure prise de la journée? Un hachoir à viande.
Petits gestes, grands effets
Un coup d’épée dans l’eau du pessimisme ambiant, les rencontres de Troc-tes-Trucs? Au contraire, soutient Véronique, même si l’on baigne dans une société qui encourage l’hyperconsommation –les ménages québécois n’ont jamais été aussi endettés qu’en 2007–. «L’accumulation de petites actions a de l’impact à long terme sur le mode de vie des gens. Regardons le cas du recyclage : ça a commencé par des gestes isolés avant de quasiment devenir une obligation sociale si l’on ne veut pas se faire regarder de travers!»Signe de la popularité de Troc-tes-Trucs, Maude Léonard souligne que le nombre de participants a quadruplé depuis un an et demi, pour s’établir à 300 membres. L’activité ponctuelle est par ailleurs en voie de se constituer en organisme structuré, question d’épauler les groupes qui voudraient implanter des rencontres à l’extérieur du quartier Villeray. Dernière initiative en date, la ville de Québec aura sous peu son propre Troc-tes-Trucs.Je troque, tu troques, il troque…
Dehors l’argent, vive les jetons
Difficile d’enlever toute valeur quantifiable à un bien. C’est ce qu’on découvert Maude et Véronique au moment d’élaborer le projet. «Au départ, on avait pensé ne pas mettre de valeur du tout : un objet pour un objet, expliquent-elles. Mais les gens n’auraient pas voulu embarquer. On a déjà reçu des cafetières à espressos, des ordinateurs…» En général, les objets de grande valeur octroient plus de jetons virtuels que des petits cossins. «Mais avec 9 pièces de vêtements, on peut quand même se payer un ordinateur. Au magasin, c’est 1000 piastres!»Malgré l’imposition d’une échelle de valeur, le principe égalitaire s’impose à l’intérieur des catégories de biens. «Chez nous, un jeans Diesel et un jeans de L’Aubainerie ont la même valeur, poursuit Maude. On ne veut pénaliser personne. Le système des jetons est un peu arbitraire, mais il fallait simplifier les transactions. On pourrait croire que ce n’est pas juste, mais une chose dont tu n’as plus besoin n’a plus de valeur pour toi.»1 jeton : vêtement, petit accessoire et petit jouet.
3 jetons : accessoire et jouet moyen (ex : jeu de société), livre, manteau, ensemble de neige, petit article de sport (bâtons de hockey), etc.
5 jetons : équipement sportif (patins à roues alignées, skis), petits meubles, accessoires pour bébés, etc.
7 jetons et plus : meubles, appareils ménagers, appareils électroniques, etc.
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