« SOS chrétiens ! » [Deuxième partie]

Publié le 02 décembre 2010 par Raoul Sabas

Pour résumer toute ma correspondance antérieure sur le fond, il me suffirait de vous retourner ma dernière lettre, postée le 19 mai 2008 et ayant comme objet, « Ayaan Hirsi Ali, islam, islamisme, islamophobie, "maoïsme" et boycott », qui établissait votre incohérence fondée sur le penser superstitieux dans ses divers modes d’expression. Vous n’y échappez pas sous quelque forme qu’il se manifeste, ainsi que je pense l’avoir clairement établi dans ma lettre du 11 février 2005, à l’intitulé sans ambiguïté, « Bernard-Henri Lévy, incarnation de la Superstition ! » – sauf à vous-même, évidemment, de réfuter toutes mes accusations, démonstration more geometrico à l’appui !

Pour mémoire et pour la énième fois, je vous rappelle que le penser superstitieux humain se manifeste dans la religion, toutes religions confondues (monothéistes ou non), dans la métaphysique (matérialiste ou idéaliste), dans l’idéologie, toutes les idéologies sans exception (altermondialisme inclus), et dans le moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres au nom de LA Morale : LAQUELLE ? !], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, dont seule l’inobservation est réellement universelle – sauf encore à vous-même ou à quiconque, évidemment, d’établir le contraire à l’aune du devenir du monde depuis plus de soixante ans, et en particulier au vu du conflit israélo-palestinien, où, plus de six décennies après sa promulgation, s’affrontent toujours juifs et arabo-musulmans.

Ceci vous place dans une situation d’équilibriste particulièrement incohérente, dont nombre de musulmans vivant en France ne sont pas dupes, du moins à en juger par leurs réactions hostiles, voire violentes dans les termes, envers le défenseur de l’islam que vous affichez par ailleurs – dur, dur, d’être juif aujourd’hui et de vouloir défendre l’islam, surtout lorsque l’un de ses puissants porte-parole, en l’occurrence le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, vient, à quelques kilomètres de la frontière de l’État hébreu, proclamer son intention délibérée de détruire Israël !

Ce n’est pourtant pas faute, de votre part, de multiplier les occasions de faire l’apologie de l’islam, ainsi que je l’ai relevé à différentes reprises, sans manquer de vous en faire part à l’occasion. Déjà dans ma lettre du 22 octobre 2001, quelques jours après les attentats de New-York et de Washington, je dénonçai votre propos parlant d’un « islam des Lumières » sur RMC Info, en confondant la superstition religieuse musulmane, et ce qu’elle engendre au quotidien, avec des à-côtés qui se sont manifestés en terre d’islam originelle, ou occupée telle l’Espagne médiévale, en matière d’architecture et d’agencement de ses lieux de culte, voire dans les mathématiques et la prétendue « philosophie arabo-musulmane », sans tenir pour autant Avicenne et Averroès pour de véritables philosophes, mais pour de simplistes « métaphysiciens » matérialistes.

En effet, ce qu’ils nomment le « Premier Agent » est tout aussi mystérieux que le primus motor d’Aristote, ou que le Dieu religieux monothéiste « trois en un » ainsi que notre miraculeux big-bang contemporain, tous issus d’un énigmatique « arrière-monde », dont nul humain n’aura connaissance jusqu’à la fin temps. Ainsi terminent-ils dans la métaphysique matérialiste d’un principe créateur de notre monde, ce qui conduit à admettre la coexistence de « deux » réalités, ou vérités, absolues, car ils sont rares, sur Terre, à ne pas croire que notre monde humain a une existence absolue, existe « absolument », alors que, en vérité, il n’existe que relativement à notre entendement spécifique humain, en dehors duquel notre monde des choses n’a aucune réalité. Autrement dit, sans entendement humain, il n’y a pas de monde humain, mais il ne vous est pas interdit, évidemment, de démontrer le contraire !

Tenir notre monde pour « absolu », pour une réalité absolue, conduit au dualisme des absolus, à savoir un Dieu, ou un principe créateur, ET notre monde. Or la coexistence de « deux » absolus est une impossibilité absolue par définition, ainsi que je l’ai longuement établi dans ma lettre du 8 mars 2009 à l’intention du pseudo-philosophe Régis Debray, dont j’attends toujours la réponse sur le fond. En effet, écrire « Aucun refus de débattre », comme il le fait en tout et pour tout dans sa carte manuscrite du 8 juin 2009, en guise de commentaire à une lettre de six pages, assortie d’une longue argumentation philosophique de quinze pages, c’est précisément « se dégonfler ». En attestent aussi ma relance du 19 mai 2009 et mon courriel du 20 juin 2009 portant en objet, « Philosopheur », mais pas téméraire ! », toujours sans réponse. Vous avez dit « philosophe » ? !

Dit plus simplement, LA Vérité, ou réalité, absolue ne peut-être qu’UNE, Unique. En effet, ce qui est absolument absolu, est à la fois infini, éternel, immuable et parfait. Ceci suffit donc à retirer à notre monde une quelconque absoluité, une existence absolue précisément – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer l’absolue réalité de deux infinis et de deux perfections, voire que notre monde serait immuable, tandis qu’il est en perpétuel mouvement, donc en constante transformation !

Or l’Unicité, indispensable à LA Vérité absolue, est loin d’être la règle en matière de religion, du moins à en juger par les divergences sur le fond entre les trois grandes religions monothéistes, ce que personne ne peut contester, hormis les apôtres du Dieu « trois en un » – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire et d’expliquer pourquoi les fidèles se combattent entre religions, voire s’entretuent au sein d’une même religion ! Vous avez dit « VÉRITÉ ? !

Et sur la forme, c’est encore plus criant en matière d’unicité, car voici un Dieu revisitant sa copie, au fil des siècles et des millénaires, pour venir annoncer au monde une nouvelle vérité différente, et de surcroît entendue seulement ici ou là, par les uns et par les autres ! A croire que Dieu lui-même ne sait plus à quel saint se vouer, et d’ailleurs comment peut-il être « crédible » en changeant si souvent d’avis ? !  Vous avez dit « VÉRITÉ » ? !

Sauf à vous de réfuter ce qui précède, solides arguments à l’appui, je vous renvoie à une inconséquence manifeste, pour un prétendu philosophe, de déclarer, en présence d’Ayaan Hirsi Ali, une musulmane par ailleurs frappée d’une fatwa, à propos de l’islam et du Coran : « C’est une grande religion, c’est un grand Livre ! » [Europe 1, 11 février 2008]

A ce propos antiphilosophique, j’avais réagi en écrivant dans la lettre mentionnée plus haut :

« Un philosophe qui fait l’apologie d’une religion, quelle qu’elle soit, c’est tout sauf un philosophe, c’est un « philosopheur »

Pour s’en convaincre, il suffit de se rapporter à la Correspondance de Spinoza [Cf. Lettre LXXVI à Albert Burgh), où il écrit à propos de la superstition musulmane :

« Je reconnais tout l’avantage de l’ordre politique qu’instaure l’Église romaine et que vous louez tant ; je n’en connaitrais pas à duper la foule et à dominer les âmes sil n’existait l’Église musulmane qui, de ce point de vue, l’emporte de loin sur toutes les autres ; depuis l’origine de cette superstition, aucun schisme en effet ne s’est déclaré dans cette Église. »

Certes, Spinoza fut obligé de vivre en reclus, à l’exemple de Robert Redeker aujourd’hui, car le même sort l’aurait attendu, mais les grands diseurs universels de LA Vérité éternelle ne la font pas passer après leurs intérêts égoïstes, individuels et collectifs, en matière d’amour, d’argent et de gloire.