Edgar Poe s’exprime sur l’idée de « genèse over blog »

Publié le 03 décembre 2010 par Sheumas

   Je relis et continue de découvrir en ce moment des textes d’Edgar Poe dont les œuvres produisent toujours sur le lecteur une impression délicieuse d’intelligence et de sens du mystère.

   J’ai entre les mains un recueil dont je connaissais quelques pièces comme l’hallucinant traité sur la folie que constitue « le Système du docteur Goudron et du professeur Plume » dans Histoires grostesques et sérieuses et je trouve, sous le titre « Genèse d’un poème », ce passage qui me renvoie directement à l’idée qui m’avait fait, il y a maintenant plus de quatre ans, ouvrir ce blog intitulé « Genèse overblog ».

Bien souvent j’ai pensé combien serait intéressant un article écrit par un auteur qui voudrait, c’est-à-dire qui pourrait raconter, pas à pas, la marche progressive qu’a suivie une quelconque de ses compositions pour arriver au terme définitif de son accomplissement. Pourquoi un pareil travail n’a-t-il jamais été livré au public, il me serait difficile de l’expliquer ; mais peut-être la vanité des auteurs a-t-elle été, pour cette lacune littéraire, plus puissante qu’aucune autre cause.

Beaucoup d’écrivains, particulièrement les poëtes, aiment mieux laisser entendre qu’ils composent grâce à une espèce de frénésie subtile, ou d’intuition extatique, et ils auraient positivement le frisson s’il leur fallait autoriser le public à jeter un coup d’œil derrière la scène, et à contempler les laborieux et indécis embryons de pensée, la vraie décision prise au dernier moment, l’idée si souvent entrevue comme dans un éclair et refusant si longtemps de se laisser voir en pleine lumière, la pensée pleinement mûrie et rejetée de désespoir comme étant d’une nature intraitable, le choix prudent et les rebuts, les douloureuses ratures et les interpolations, — en un mot, les rouages et les chaînes, les trucs pour les changements de décor, les échelles et les trappes, — les plumes de coq, le rouge, les mouches et tout le maquillage qui, dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, constituent l’apanage et le naturel de l’histrion littéraire.