Klimt, Vienne, Berlin, Lou

Publié le 05 décembre 2010 par Petistspavs

L'image, cette fois, n'est pas une photo, mais un tableau. Enfin, la photo d'un tableau presque trop célèbre : Les trois âges de Gustav Klimt (1905). J'hésitais entre le détail du tableau que tout le monde reproduit et le tableau intégral. Le détail, car la mère et l'enfant, en raison du hors-champ, offrent une scène de tendresse teintée d'un érotisme paisible, encore qu'il est permis de se demander  sur quoi ces beaux yeux de jeune femme au sein pâle sont fermés. Le tableau entier, car la femme enceinte qui se tient comme une aïeule sur la gauche (hors champ du détail précédent) apporte une tonalité très différente à l'ensemble. Son vieillissement prématuré pervertit notre regard par le vieux mythe de la mort et de la naissance croisées, de la jeunesse qui porte sa propre décrépitude en devenir.

Donc, je vous offre les deux, dans un format réduit, pour lequel je m'excuse sincèrement, mais je n'ai pas trouvé mieux (entre autres perversions, remarquez celles des couleurs, trahies par au moins une des images).

J'avais encore récemment de Klimt l'image d'un peintre décorateur (ce qu'il fut longtemps et avec talent, mais le talent n'est pas le génie) d'une valeur artistique et créative inférieure à celle de ses compagnons autrichiens du mouvement Sécession (Kokoschka et, surtout, Egon Schiele pour qui je ressens une sorte de dévotion). C'était avant que, à l'occasion de rangements à faire dans ma bibliothèque chargée et poussiéreuse, je redécouvre une partie de son œuvre peinte et ses dessins. J'avoue avec plaisir m'être longtemps trompé : Klimt n'a rien d'un décorateur, mais tout d'un détourneur, qui utilise les techniques apprises de ses maîtres pour les réorienter vers un monde fantasmatique dans lequel la chair s'incarne dans la beauté et sa décomposition. Enfin, à mon avis.

Je n'entre pas dans un commentaire savant, ce n'est pas le propos de ce sujet léger, dédié aux petits plaisirs quotidiens qui parcourent ce calendrier en images, jusqu'à Noël. S'il s'agit de plaisirs quotidiens qui nous aident à affronter le jour à venir et le suivant, Les trois âges est particulièrement adapté, même si bien d'autres tableaux se bousculent dans ma tête. La question étant : à quelle musique accorder cette beauté triste-gaie ?

Ce n'était pas évident, mais Berlin de Lou Reed s'est vite imposé. Je ne confonds pas la Vienne effervescente sur les plans intellectuel et artistique qui fut celle de Klimt, puis de Schiele (qui produisit la psychanalyse) avec le Berlin en chute libre évoqué par le disque de Lou Reed (qui reste à mon sens une des totales réussites artistiques de l'histoire du rock). Mais rien n'exclut la pensée que l'une mène à l'autre, l'une est fatalement liée à l'autre. Alors... Il y a dans cette fresque figée comme la transparence d'un verre de bière, un parfum âcre de fin du monde.

"In Berlin, by the wall
you were five foot ten inches tall
It was very nice
candlelight and Dubonnet on ice".