Autoédition: la polémique continue

Par Ajamot

Image by madamepsychosis via Flickr

En réponse à un billet du blog ibookrama.com, François Druel (http://www.francoisdruel.fr) a écrit une très complète définition de l'autoédition, que je reproduis:

Intéressant point de vue, à rapprocher de celui des éditeurs (cf. cette note sur mon site).

Je pense, au contraire de ce qui est affirmé ici, que l’auto-édition est promise à un grand avenir. Elle ne se substituera pas à l’édition papier, elle viendra la compléter.

Les livres papier vont continuer à recourir à l’édition traditionnelle : manuels scolaires, littérature, livres de statut (les fameux beaux livres dont le succès et la marge font les choux gras des éditeurs — qu’on pense notamment à la Terre vue du ciel qui reste une vache à lait plus de 15 ans après sa publication initiale), etc. resteront le monopole de l’édition à l’ancienne.

En revanche, à côté va se développer l’auto-édition pour tout un tas d’ouvrages aujourd’hui trop peu nombreux ou manquant d’intérêt commercial aux yeux des éditeurs. En voici quelques exemples :

- L’auto-édition privée : papy a écrit l’histoire de la famille. Se faire éditer à compte d’auteur serait trop cher : et bien il crée un iBook et le distribue sur une plate-forme telle que l’iBook Store : sa famille peut se procurer le livre. Tata Fannie a écrit un livre de recettes et veut le partager avec ses copines : même cas.

- L’auto-édition technique : un projet Open Source rédige le manuel technique du logiciel et le publie au format iBook. Ce livre peut être vendu sur l’une ou l’autre des plates-formes de distribution de livres numériques (Amazon, iBook Store ou autre). Si le livre est vendu à un prix raisonnable (disons 5 EUR), cela permet de participer au financement du projet OpenSource. Ce mouvement est d’autant plus probable que les éditeurs techniques sérieux disparaissent (à l’image de O’Reilly France).

- Le roman de gare : avant de monter dans le train, au lieu d’acheter un livre de poche au kiosque du coin puis de le jeter une fois terminé, on télécharge un livre sur son e-Reader. Pour ce genre de livre, un tarif de l’ordre de 1 EUR est suffisant : ça économise les forêts et ça évite de mettre à la poubelles des tonnes de livres. Ce cas d’usage s’applique également à la presse magazine.

- Les grands classiques : libres de droits, ces ouvrages sont déjà en partie disponibles au format iBook (notamment grâce au Projet Gutemberg. Ce n’est est pas réellement , mais j’assimile ce domaine à de l’auto-édition car il est certain que le passage au format électronique de ces livres sera le fait de citoyens de bonne volonté, cristallisés autour de projets à la WikiPedia.

- L’auto édition universitaire : un chercheur a vu l’un de ses articles refusés par Nature : il en fait un iBook, plus facile à lire qu’un PDF pour le distribuer via l’une ou l’autre des plates-formes disponibles.

- L’auto-édition de promotion : je suis consultant. Un livre me permet d’asseoir ma légitimité (et de passer, dans les médias, pour l’expert du sujet). J’ai intérêt à faire paraître mon livre au format électronique et à le diffuser massivement. Le prix de ces livres là sera donc sans doute de 0 EUR. C’est une variante des livres blancs, aujourd’hui nombreux.

-L’auto-édition de plaisir : certains auteurs de blogs ne manqueront pas de rassembler dans des livres électroniques les notes qui leur semblent intéressantes. Ces livros-blogs pourront constituer des supports intéressants de publicité. Mis gratuitement à disposition du publics, ils pourraient aisément être financés par des mécaniques publicitaires à la iAd.

D’autres cas d’auto-édition ne manqueront pas de voir le jour, et ils seront nombreux. Trois paramètres influeront sur le développement de l’auto-édition :

- L’émergence d’un cadre juridique adapté à l’auto-édition. Le droit d’auteur classique, qui peut se comprendre dans une économie de rareté, est totalement inadapté au foisonnement induit par l’auto-édition. La voie est sans doute à chercher dans des initiatives telles que Creative Commons

- L’émergence d’un format généralisé : En matière de musique, c’est la généralisation du format MP3 qui a permis la création de l’éco-système de la musique numérique. Ce format généralisé reste à asseoir pour l’auto-édition. EPub est actuellement le mieux placé, mais il doit encore s’imposer.

- La disponibilité d’outils créatifs permettant de créer facilement un livre électronique n’est pas encore une réalité. Les outils actuels ne sont que des balbutiements. Il est évident que si un acteur majeur met à disposition un outil pratique, il pourra pré-empter le marché. Ici le parallèle avec la musique est évident : Apple n’a pas lancé que l’iPod et l’iTunes Store : la firme de Cupertino met également à disposition GarageBand, qui permet de créer des Podcasts et des morceaux de musique. Le GarageBand de l’auto-édition reste à créer.

Pour conclure, il est évident que l’auto-édition va se développer massivement : non seulement parce que le nombre d’auteurs potentiel est énorme mais également parce que, comme je l’ai déjà dit de nombreuses fois, la puissance et le pouvoirs sont maintenant aux extrémités et plus au centre.