“Le Monde de Narnia, Chapitre 3 : L’Odyssée du Passeur d’Aurore” de Michael Apted

Publié le 16 décembre 2010 par Boustoune

Chalut les p’tits humains – et les grands aussi, je ne suis pas sectaire -

Oui je sais, j’avais promis d’aller hiberner au moins jusqu’à Noël, mais que voulez-vous, mes fans me réclament pour parler d’un des grands films d’aventures tout public de cette fin d’année, je ne peux pas leur refuser ça !
C’et dingue ça, depuis que j’ai rédigé – un peu contre mon gré – la critique de Raiponce, j’ai reçu plein de courriers admiratifs de la part de nos jeunes lecteurs, qui kiffent ma prose féline et ma classe naturelle.
Je les comprends. Moi-même je m’admire un peu. J’ai tout pour attendrir les bambins : un pelage soyeux aux reflets chocolat, de grands yeux malicieux, la truffe humide. La classe, quoi !
Et puis, j’ai la plume aussi aiguisée qu’une épée. Je ressemble un peu au Chat Potté, vous ne trouvez pas ?

Bon OK, ça ne veut plus dire grand chose, vu que tout le monde peut ressembler au héros de la Saga Shrek. Même des souris, c’est dire… Enfin non, c’est inexact, je devrais dire une souris, et pas n’importe laquelle : Reepicheep.
Ah, je n’aime pas franchement les rongeurs, je les considère même comme des ennemis, mais là, je dois dire que j’admire ce petit animal pugnace, sans peur et sans reproche. Un bretteur de grand talent et un ami loyal, entièrement dévoué à son royaume et à la défense de la justice, qui ne fuit jamais le danger. Il se bat comme un chat, et comme dix humains. Respect et chapeau bas ! C’est lui le véritable héros du Monde de Narnia, Chapitre 3 : L’Odysée du Passeur d’Aurore. Avec Aslan, le Dieu-Lion, bien sûr. Oh! Faudrait voir à pas oublier les félins, hein…

Bon, vous aurez compris grâce à mon art consommé de la transition que nous allons parler aujourd’hui du troisième film tiré des romans de C.S.Lewis. Vous pouvez me remercier de prendre en main cette critique, car sans cela, vous auriez eu droit à Boustoune et à des jeux de mots aussi nazes que “Le Monde de Raniania se dérègle”. Hum, passons.

Cet épisode se déroule deux ans après la bataille menée par les enfants Penvensie aux côté du Prince Caspian.
La seconde guerre mondiale a éclaté et la fratrie s’est retrouvée dispersée. Peter a été enrôlé par l’armée et Susan est partie aux Etats-Unis, tandis qu’Edmund et Lucy sont restés en Angleterre, hébergés par leur oncle et contraint de partager leur chambre avec leur cousin Eustache, un gamin geignard et insupportable.
L’intrigue s’articule autour de ces trois derniers personnages vu que de toute façon, les deux aînés sont trop âgés pour retourner à Narnia – on le avait déjà à la fin du second volet.
Le voyage commence quand Edmund, Lucy se disputent avec leur agaçant cousin, dont le sens de l’hospitalité laisse à désirer. Un tableau montrant un voilier en pleine tempête s’anime subitement et les aspire dans une des mers du monde de Narnia. Ils sont recueillis sur le “Passeur d’Aurore”, le navire du Roi Caspian (oui, il a eu une promotion…), en route vers  l’est pour résoudre l’énigme de la disparition de sept seigneurs, fidèles alliés du royaume, et, au passage, pousser jusqu’au légendaire royaume d’Aslan.
Sur le bateau, ils retrouvent quelques vieux camarades comme le combattant Minotaure ou – ô surprise ! – le toujours aventureux Reepicheep.

C’est le début d’un voyage à la fois physique et intérieur, puisque les jeunes héros seront confrontés à leurs propres démons, leurs peurs profondes, leurs faiblesses. Chacun des personnages manque de confiance en lui, nourrit des complexes par rapport aux autres : Lucy aimerait ressembler à sa soeur aînée, face à qui elle nourrit un léger complexe d’infériorité, tout comme Edmund jalouse à la fois Peter, qui lui a toujours fait de l’ombre, et Caspian qui a hérité d’un trône dont il aurait voulu être le bénéficiaire. Caspian, lui, nourrit la crainte de ne pas être à la hauteur de son défunt père. Quant à Edmund, confronté à ce monde qui met à mal son côté cartésien, il devra apprendre à surmonter sa lâcheté et à faire confiance aux autres.

Le spectateur, lui, devra apprendre à supporter ce dernier, appelé à reprendre le flambeau de la fratrie Pevensie dans les probables épisodes suivants (1). Ce ne sera pas simple, je préfère vous prévenir. Le gosse est horripilant. Une vraie tête-à-claques avec un physique porcin peu engageant et une voix qui écorche les oreilles ! Heureusement, par une habile astuce narrative, l’auteur le réduit au silence et lui confère un look bien plus sympathique à mi-parcours.
Ouf! Il n’est pas certain que j’eusse pu supporter une heure de plus les jérémiades de l’insupportable crétin.
Dans le film, le seul personnage qui réussit à l’apprécier un tant soit peu est d’ailleurs Reepicheep, qui décidément, mérite tout mon respect et mon admiration.

Le bouquin est tiré ce troisième épisode est l’un des préférés des lecteurs de la série de C.S.Lewis, mais il n’était pas forcément facile à adapter au cinéma car dépourvu d’une ligne narrative clairement définie et de véritable méchant à affronter. Les scénaristes et le cinéaste Michael Apted, qui a repris le flambeau d’Andrew Adamson derrière la caméra, ont choisi de privilégier l’action et ont bricolé l’histoire initiale pour pouvoir livrer un classique blockbuster d’aventures.
D’un côté, c’est plutôt une bonne chose, car même si ce troisième volet n’est pas porté par le même souffle épique que le second épisode et ses combats impressionnants, il est suffisamment bien mené pour que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Les péripéties – combat contre des esclavagistes, île maudite entourée d’une brume verdâtre anxiogène… – ont un petit côté Pirates des Caraïbes qui, à défaut d’être novateur, est des plus plaisants.

D’un autre côté, l’aspect psychologique du récit et sa dimension morale et religieuse ne sont pas exploités comme ils auraient pu l’être. C’est pas que je tienne particulièrement à l’aspect religieux du truc, hein, mais cette dimension mystique est particulièrement développée dans l’oeuvre littéraire et si on l’élude, c’est tout le récit qui perd de son sens. Et ici, on a la désagréable impression que des passages entiers ont été coupés au montage, ou que certaines scènes ont échappé à la réécriture du scénario.
Par exemple, quand Lucy vole une des pages du grimoire magique, on se dit que cela va déboucher sur quelque chose. Mais en fait non, pas du tout. Il y avait probablement des péripéties autour de cette page de grimoire dans le texte original, mais là, ça ne sert à rien du tout, sinon à meubler artificiellement l’intrigue.
Au passage, cette séquence du grimoire magique explique qui est vraiment responsable de tout ce bins autour des chutes de neige de la semaine dernière. Enfin, moi je dis ça, je dis rien…

Enfin bon, tout ça pour dire que ce troisième aux-puces, pardon, opus du Monde de Narnia semble parfois un peu décousu, tiraillé entre l’envie de mettre en avant l’aspect initiatique du récit et le besoin de privilégier l’action pour relancer une franchise dont le succès au box-office n’est pas aussi net que prévu (3).
Du coup, quelque soit le côté par lequel on l’aborde, le film est inabouti. Les scènes d’action manquent un peu de punch. L’univers décrit manque un peu de magie et le bestiaire n’est pas très innovant, puisqu’on doit se contenter des monopodes, des créatures reposant, comme leur nom l’indique sur un seul pied, mais quel pied! De quoi faire pâlir de jalousie les doigts de pied de Clovis Cornillac dans Brice de Nice.
Enfin, la 3D ne sert une nouvelle fois pas à grand chose, hormis de donner un peu de profondeur, et donc de beauté, aux décors du film.

Le Monde de Narnia, Chapitre 3 : l’odyssée du Passeur d’Aurore n’est donc, dans l’ensemble, qu’un film d’aventures hollywoodien assez basique, bien exécuté, agréable à suivre et à regarder (enfin, une fois que la tête-à-claque est mise hors-circuit…) mais qui s’oublie bien vite après être sorti de la salle de cinéma. C’est le lot de bien des films de divertissement, mais celui-ci ne manque pas de cachet. Michael Apted n’est pas un grand cinéaste, mais c’est un réalisateur chevronné qui assure correctement le métier et les techniciens d’effets visuels du film sont également rodés.
Mais ce qui donne un indéniable petit plus au film, c’est vraiment, j’insiste, la présence de l’irrésistible souris épéiste. Elle fait craquer les bambins avec son look de grosse peluche moelleuse, apporte une petite touche de panache aux combats, une bonne dose d’humour et rend même le final particulièrement émouvant. Ah mince, je ne pensais pas aimer un rongeur. Et encore moins chialer pour lui. Chapeau, Reepicheep !

Bon, je vous laisse, l’aventure m’appelle. Je dois faire cap vers les contrées inexplorées que représentent les branchages du sapin que mon maître vient d’installer pour fêter Noël…
Allez, pleins de ronrons,

Scaramouche

(1) : il reste encore quatre livres à adapter, mais seuls deux d’entre eux sont des suites directes. Les deux autres reposent sur des personnages différents et expliquent plutôt les origines du Monde de Narnia. Il est probable que seuls “Le fauteuil d’argent” et “la dernière bataille” soient adaptés à l’écran.
(2) : Vu en VF (hélas) ce qui n’arrange sans doute pas les choses
(3) : D’ailleurs Disney, producteur des deux premiers, a préféré jeter l’éponge, suite à l’échec relatif du Prince Caspian au box-office.  Ce troisième épisode est produit par la 20th Century Fox.

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Le Monde de Narnia, Chapitre 3 :
L’Odyssée du Passeur d’Aurore
The Chronicles of Narnia: Voyage of the Dawn Treader

Réalisateur : Michael Apted
Avec : Georgie Henley, Skandar Keynes, Ben Barnes, Will Poulter,  et les voix de Liam Neeson, Simon Pegg
Origine : Royaume-Uni, Etats-Unis
Genre : aventures & rongeur
Durée : 1h55
Date de sortie France : 08/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Excessif

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