Le meilleur des mondes - Aldous Huxley

Publié le 17 décembre 2010 par Audreymathe62

Le meilleur des mondes

Aldous Huxley

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Intrigue :

   Londres, an 632 après Notre Ford. Les êtres humains vivent selon un système de castes. La reproduction des hommes telle que nous l'avons toujours connue n'existe plus. C'est même une honte que d'être parent, cette idée répugne. Les mots "père" et "mère" sont des tabous, des mots presque allergisants. Les humains naissent à présent dans des éprouvettes et sont modifiés génétiquement pour appartenir à telle ou telle caste, afin de répondre aux rigueurs du marché du travail. Les hommes sont créés pour faire fonctionner les machines, parfois même naissent-ils plusieurs d'un même ovule, des multiples jumeaux artificiels. Les bébés reçoivent divers conditionnements selon leur classe, le but étant principalement de leur faire aimer leur propre caste et ce à quoi ils sont prédestinés, mais aussi à les pousser à la consommation et à anihiler leurs émotions par le Soma, la drogue du bonheur. Tous vivent en communauté, tous appartiennent à tous, et il est particulièrement mal vu de ne pas s'adonner aux jeux, de ne pas changer de partenaire sexuel régulièrement, de ne pas prendre le Soma et bien entendu, de rester dans la solitude.

   Bernard Marx est un homme un peu à part. Physiquement, il ne ressemble pas à ceux de sa caste et il a une certaine tendance à l'isolement. Il emmène son amie Lenina Crowne dans une réserve de Sauvages, c'est à dire d'humains vivant encore comme dans le passé : ils se reproduisent entre eux, parlent des langues étranges, vivent dans la saleté et la misère... Le couple rencontre alors John, un Sauvage, qui est né de l'union de deux des leurs qui étaient en voyage dans cette Réserve. L'homme était reparti sans sa compagne, une vingtaine d'années plus tôt. Bernard, sur le point d'être muté pour son comportement "antisocial", demande l'autorisation de faire sortir John et sa mère, Linda, de la réserve et les ramener à la civilisation...

Critique :

   Indubitablement l'un des meilleurs romans d'anticipation ! Aldous Huxley, qui publia ce livre en 1932, était incontestablement en avance sur son époque, une sorte de visionnaire sur ce qui pouvait attendre la société. Certes il ne s'agit pas véritablement de prédictions, toutefois, les théories qu'il avance comme appartenant au futur sont issues de la science d'aujourd'hui, notamment en ce qui concerne la génétique. Vaste question que l'eugénisme ! Dans ce roman, l'auteur a su créer un malaise latent qui nous touche encore aujourd'hui, sans doute parce que nous sommes plus proches encore des craintes que peuvent soulever la société "idéale".

   Bien entendu, "le monde meilleur" est à prendre avec ironie. Il semble meilleur à ceux qui vivent dans cette société fictionnelle. L'homme esclave de la science et des technologies. L'homme esclave de la pillule du bonheur qui permet de tout oublier. L'homme conditionné, intégré parfaitement parmi les autres ou alors exclu, tout simplement. Apprendre à l'homme à aimer sa condition d'esclave de la société. L'homme sans ses pensées, un homme qui n'existe plus.

   Nous pourrions alors nous demander en quoi notre société actuelle se rapproche de celle décrite dans ce roman. Nous n'en sommes pas là, me direz-vous. Ce n'est qu'une fiction. Pourtant, qui pourrait survivre aujourd'hui sans son téléphone portable, sans son ordinateur, sans la télévision ou les jeux vidéo ? La technologie inventée par l'homme afin de lui venir en aide devient peu à peu un objet auquel l'humanité se soumet. Les diverses propagandes, nous poussant toujours plus à la consommation, nous éloignant du monde des idées, des réflexions personnelles, dans le seul but d'acquérir, de posséder... Les messages publicitaires qui nous parlent secrètement, nous répétant inlassablement "achète ceci ou cela, et tu te sentiras mieux, et si ça ne va toujours pas bien, prends donc quelques médicaments"...

   Voici trois extraits issus de la préface écrite par l'auteur en 1946, soit quinze ans après la rédaction du roman.

"Le thème du Meilleur des mondes n'est pas le progrès en tant que tel ; c'est le progrès de la science en tant qu'il affecte les individus humains."

" A tout bien considérer, il semble que l'Utopie soit beaucoup plus proche de nous que quiconque ne l'eût pu imaginer, il y a seulement quinze ans. A cette époque je l'avais lancée à six cents ans dans l'avenir. Aujourd'hui, il semble pratiquement possible que cette horreur puisse s'être abattue sur nous dans le délai d'un siècle. Du moins, si nous nous abstenons, d'ici là, de nous faire sauter en miettes. En vérité, à moins que nous ne décidions à décentraliser et à utiliser la science appliquée, non pas comme une fin en vue de laquelle les être humains doivent être réduits à l'état de moyens, mais bien comme le moyen de produire une race d'individus libres, nous n'avons le choix qu'entre deux solutions : ou bien un certain nombre de totalitarismes nationaux, militarisés, ayant comme racine la terreur de la bombe atomique, et comme conséquence la destruction de la civilisation (ou, si la guerre est limitée, la perpétuation du militarisme) ; ou bien un seul totalitarisme supranational, suscité par le chaos social résultant du progrès technologique rapide en général et de la révolution atomique en particulier, et se développant, sous le besoin du rendement et de la stabilité, pour prendre la forme de la tyrannie providence de l'Utopie. On paie son argent et l'on fait son choix."

" Si je devais récrire maintenant ce livre, j'offrirai au Sauvage [personnage n'ayant pas été conditionné] une troisième possibilité. Entre les solutions utopienne et primitive de son dilemme, il y aurait la possibilité d'une existence saine d'esprit - possibilité déjà actualisée, dans une certaine mesure, chez une communauté d'exilés et de réfugiés qui auraient quitté Le Meilleur des mondes et vivraient à l'intérieur des limites d'une Réserve. Dans cette communauté, l'économie serait décentraliste (...) et coopérative. La science et la technologie seraient utilisées comme si, tel le Repos Dominical, elles avaient été faites pour l'homme, et non (comme il en est à présent, et comme il en sera encore davantage dans le meilleur des mondes) comme si l'homme devait être adapté et asservi à elles. La religion serait la poursuite consciente et intelligente de la Fin Dernière de l'homme, la connaissance unitive du Tao ou Logos immanent, de la Divinité ou Brahman transcendante. Et la philosophie dominante de la vie serait une espèce d'Utilitarisme Supérieur, dans lequel le principe du Bonheur Maximum serait subordonné au principe de la Fin Dernière - la première question qui se poserait et à laquelle il faudrait répondre, dans chacune des contingences de la vie, étant : "comment cette pensée ou cet acte contribueront-ils ou mettront-ils obstacle à la réalisation, par moi-même et par le plus grand nombre possible d'individus, à la fin dernière de l'homme ?"

Fiche signalétique :

Titre original : Brave New World

Titre : Le meilleur des mondes

Auteur : Aldous Huxley

Editeur : Pocket

ISBN : 9782266128568

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Audrey Mathé