De la folie humaine

Par Mademoisellek

Il y a six mois, une nouvelle petite fille de presque 3 ans - on va l'appeler E. - fait son entrée dans notre Kita.

On nous explique patiemment qu'il faut faire trèèès attention à elle parce que les autres on n'y fait pas du tout attention évidemment car elle a la particularité d'être allergique à ... presque tout. Elle nous est donc livrée avec mode d'emploi - une liste que n'en finit plus d'aliments interdits plus divers et étranges les uns que les autres - On lui attribue un casier que ses parents emplissent d'une caisse hermétique avec non seulement les vêtements de rechange habituels mais aussi l'équivalent d'une chambre aseptisée de Michael Jackson nurserie high tech pour 10 enfants, dont ses propres lingettes, son propre savon, ses propres mouchoirs en papiers que sais-je encore, avec ordre de n'utiliser que ces accessoires là -tous étiquetés de son nom et emballés individuellement dans des tuperwares de formes adaptés - et aucun autres sous peine de catastrophe interplanétaire.

Soit.

On essaye d'oublier un peu les parents, on apprend à connaître E., une chouette petite fille qui rit, qui joue et crie pas mal sur les autres exactement comme sa mère lui crie dessus, une enfant positivement normale, à priori.

On cuisine tous les jours quelque chose de spécial pour elle, on lui propose tout les jours un déjeuner, un repas et un gouter " sans risque ". On fait attention à ce qu'elle utilise son savon et tout son attirail. Tout va bien. Elle a aussi une peur hystérique des chiens, tiens.

Au fil du temps et des très petites et rares erreurs de parcours - lorsque E. craque et pique en cachette un tartine de confiture interdit ou un muffin d'anniversaire au chocolat interdits sur l'assiette de xy et en croque un morceau par exemple - on devient blême et on scrute la moindre réaction épidermique, on a peur qu'elle se mette à gonfler, rougir, s'étouffer, on imagine le pire...

Rien ne se passe. Ouf

Au fil du temps on réalise qu'en réalité, E. n'a encore jamais été testée contre aucune allergie mais que sa mère se dit allergique à tout et est persuadée, contre toute logique et raison, que sa fille aussi.

Au fil du temps on demande à la maman: Quand sera-t-elle testée? On nous répond toujours dans quelques semaines. Cela n'arrive jamais.

(...)

Au fil du temps on comprend qu'E. n'a pas vraiment peur des chiens, mais de la réaction de sa mère qui, quand E. est effleurée par un chien, devient hystérique, la déshabille entièrement sur le palier de l'appartement et brule désinfecte les vêtements.

Au fil du temps on s'aperçoit qu'E. n'a pas le droit d'aller à la piscine, ni de participer à l'éducation dentaire avec les autres parce que sa mère, agressive quand on lui demande pourquoi, nous répond qu'il y a des choses que seule sa propre mère doit faire avec sa fille. E. n'a pas le droit d'aller au théâtre pour enfant parce qu'on s'y assoit parterre, n'a pas le droit de participer au défilé des lanternes parce qu'elle va sûrement s'enflammer et mourir, n'a pas le droit d'aller avec nous à Legol*nd, parce qu'il y a des risques d'attentats, n'a pas le droit de jouer à ramper parterre dans la Kita avec les autres enfants parce que c'est sale, et n'a pas le droit de faire quoi que se soit avec notre stagiaire de 18 ans (garçon) car il pourrait la violer...

(...)

A chaque écart/oubli d'E, qui je rappelle a donc maintenant 3 ans 1/2, ses parents s'en prennent à elle en criant et en lui reprochant tous les desseins diaboliques du monde, pretextant face à nous qu'ils ont simplement peur pour elle. Ma citation préférée de sa mère - devant E. a qui j'avais donné un nouveau gobelet que la mère ne connaissait pas, et uniquement rempli d'eau - " P. cette gamine elle boufferait de la merde si c'était dans un gobelet rose " a.u. s.e.c.o.u.r.

Un détail...Je m'aperçois aussi qu'E. a pour habitude de se laver automatiquement les mains exactement comme un vrai chirurgien rare s'il en est chez les enfants

(...)

Alors qu'on n'y croyait plus, E. a récemment passé 1 semaine à l'hopital pour être enfin testée contre diverses allergies. Et ce à quoi on s'attendait vraiment sans pouvoir y croire en espérant nous tromper:

E. n'est allergique a absolument RIEN.

Cela fait donc 3 ans et demi que ses parents remuent ciel et terre, impliquant ainsi tout le personnel pédagogique concerné inutile de dire qu'E a changé plusieurs fois de Kita car ce n'était jamais assez bien pour sa mère à participer à un conditionnent malsain qui n'a absolument pas lieu d'être. Le personnel éducatif fait, à la base, confiance aux parents et souhaite travailler avec eux pour le bien de l'enfant...

et le père? vous me demandez. Oui il est présent. Très même. Et joue exactement le même jeu que sa compagne. Hélas.

Alors je ne sais pas.

Je ne sais pas ce qu'il est arrivé à cette mère pour avoir tant de nevroses entre 2 crises d'hystérie, elle pense quand même entamer une thérapie, tout n'est peut-être pas perdu je ne sais pas ce qui est arrivé au père pour rentrer à 100% dans le jeu de sa femme et rajouter une couche de paranoïa hygienique extrême. Mais E. a deux parents instables qui ont de grandes facilités à produire une enfant, qui à 3 ans 1/2, est bien partie pour avoir leurs nevroses.

Que faire? Rien. Ou pas grand chose. Nous avons le droit d'observer mais pas de tirer des conséquences.

Je souhaite - en désespoir de cause - à E. pour Noël un repas de fête ainsi que tous ceux qui suivront où elle n'aura plus à demander automatiquement à chaque aliment " et ça? j'ai le droit d'en manger? " pour s'entendre dire " non mais ça na va pas! "

Et je souhaite sincèrement que ses parents fassent quelque chose pour eux, impérativement, avant de ne détruire encore plus sa petite personne.