Anthologie permanente : Kurt Schwitters

Par Florence Trocmé

Poezibao attire l’attention sur le dernier numéro de la revue Action poétique (n° 202) qui comporte un important dossier Kurt Schwitters, préparé par Patrick Beurard Valdoye et Isabelle Ewig, avec des poèmes, des proses, divers documents, des traductions nouvelles, etc.  
 
Propreté 
(À l’usage de ceux qui ne le savent pas encore) 
 
J’aime la propreté hygiénique. Les couleurs à l’huile sentent la graisse rance. Celle à la tempera puent l’œuf pourri. Le fusain et la mine de plomb constituent la plus grasse des saletés, comme on le déduira de leur seule couleur noire. J’aime la propreté hygiénique comme la peinture hygiénique. J’appelle ça « MERZ ». La peinture Merz utilise les matériaux les plus délicats, la colle de farine, les petits lambeaux de papier et de tissu désinfectés, le bois bien lavé, les produits non alcoolisés comme la ferraille, la peintre Merz est entièrement aseptisée. Le seul bacille vraiment transmissible par Merz est celui de la rage. Il a été jadis inoculé à Merz, sans que j’en sois responsable, par la morsure d’un critique enragé, et se transmet depuis à chacun de ces messieurs les critiques qui s’attaquent à Merz. Ce n’est pas Merz qui mord, mais ces messieurs les critiques. Car les critiques mordent, comme des bouledogues. Je regrette vivement que, sur ces entrefaites, la quasi-totalité de la critique allemande, à l’exception de quelques fortes personnalités, ait été enragée à la suite d’une merzure.  
 
Kurt Schwitters, traduction de Patrick Beurard-Valdoye et Isabelle Ewig.  Ce texte, Sauberkeit (Für Leute, die es noch nicht wissen), est paru pour la première fois dans Die Pille, Hanovre, II, n° 18, mai 1921.  
Revue Action Poétique, n° 202, p. 22 
 
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Bâle 
 
Ça crescent au fur,  
Ça descend à mesure, 
Dans l’entre-deux coule le Rhin. 
Ses eaux devraient virer au vert. 
Qu’il pleuve ou qu’il neige, 
Elles sont marron ; 
Marron au regard. 
Le foehn souffle plus ou moins fort, 
Ça rissole au fond sous terre ; 
Là-dessus, une ville 
Du nom de Bâle et qu’elle porte.  
Ici Böck’* est l’un ; 
L’autre oh ! là est Bein, 
Ça walde vert ça witze. 
À la cathédrale 
Le chevalier terrasse le lombric. 
L’édifice en béton 
Est l’acmé de Moser. 
Ça flambe 
Quand ça flambe,  
Dans le vêtement. 
La douce chorale de femmes 
Sourit au portail. 
Passant,  
Méfie-toi !  
 
*KS fait une série de jeux de mots à partir des figures emblématiques du Musée de Bâle : Böcklin, Holbein, Grünewald et Witz.  
 
Kurt Schwitters, traduction de Patrick Beurard-Valdoye et Isabelle Ewig.  Ce texte, Basel, est paru pour la première fois en 1935 in Carola Giedion-Welcker, Anthologie der Abseitigen, Poètes à l’écart, Berne, Benteli, 1946.  
Revue Action Poétique, n° 202, p. 46 
 
Bio-bibliographie de Kurt Schwitters 
 
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