L’intégrale au Café Moderne, rue Notre Dame des Victoires, 75002, Paris

Publié le 20 décembre 2010 par Chrisos

Le (Café) Moderne, bistrot chic et contemporain
40 rue Notre Dame des Victoires, 75002 Paris.
tél. : 01 53 40 84 10.

En quelques mots

Un bon bistrot moderne et gastro, dans un quartier bien animé la journée et très paisible le soir. J’y ai passé une belle soirée, grâce à l’accueil, aux attentions du service et à la cuisine pointue accordant une place de choix aux bons produits de saison.

Mise en situation

Dans le quartier de la Bourse, le (Café) Moderne s’appelait, à une autre époque, l’Indice (un signe pour moi, qui aspire à être reconnu comme Shaman des Indices). Changement d’équipe, mi-2008 : reprise par Frédéric Hubig (d’Astier), avec le chef Jean-Luc Lefrançois aux cuisines (condisciple de Yannick Alléno à leurs débuts, dans un Sofitel, puis passé par les cuisines de nombreux chefs étoilés : Christian Le Squer, Michel Roth, Manuel Martinez, Dominique Bouchet…. Source : LesRestos.com) et Sébastien Maréchal en salle et aux vins. Affaire rentable en 2009.

Il semble que réserver par LaFourchette ne soit pas une bonne affaire. Les avis sont plutôt bons sur Mmmm!!!, François Simon en a parlé brièvement, et le Fooding l’a référencé. Ce sont surtout les articles de Yawye qui m’ont donné envie d’y aller.

Il restait à trouver une occasion. Quand F m’a  invité à y diner, mercredi 9 novembre 2010, je ne me suis pas fait prier!
Accueil sympathique par Sébastien Maréchal, qui me débarrasse de ma bombe, mon gilet jaune et mon blouson et me guide jusqu’à F, qui termine sa conversation avec le chef.

Intérieur

Salle de restaurant tout en longueur, au mobilier contemporain assez coloré et vivant (photos ci dessus : à gauche et à droite de notre table). La profondeur de la salle ne l’a pas privée d’accès à la lumière naturelle pour autant, puisque de grandes vitres donnent sur une cour intérieure joliment zen, avec sa grande jardinière de jeunes bambous. C’est appréciable et cela tranche avec beaucoup de restaurants couloirs où l’on ne sait ni le temps qu’il fait, ni l’heure qu’il est, quand on est installé au fond (je pense au Violon d’Ingres de Christian Constant, au restaurant de Claude Colliot, au KGB… et c’est loin d’être exhaustif). Agréable à midi, et un plus le soir.

Notre table est bien placée. Dessus, c’est assez chargé, avec des verres et des couverts élégants, sur une sorte de grande toile noire permanente, fixée sur le plateau.

Dégustation

La proposition de vins, classés par distributeurs, recto et verso permet de couvrir l’essentiel des régions françaises. Les belles bêtes sont exposées en vitrine-cave, juste en face de nous. Nous nous laisserons guider par les inspirations de l’affable et efficace Sébastien (désolé, je n’ai plus en mémoire, plus d’un mois après, la liste des vins dégustés au verre je crois me souvenir d’un Montlouis que j’avais apprécié). Hop, une flute d’apéritif à bulles pour débuter.

La carte se décline en trois volets : d’abord, ensuite, pour finir (28€ pour entrée+plat ou plat+dessert, 35€ pour entrée+plat+dessert). Invités de marque, nous avons droit à une dégustation ++, dérivée de la dégustation en 5 services à 39€, proposée uniquement le soir. C’est parti!

Légumes de l’automne à l’honneur

« Velouté de potimarron, cromesquis de jambon et pied de porc au persil plat » : de belle couleurs et saveurs automnales (pas forcément restituées sur la photo). C’est la première fois, cette saison, que je mange du potimarron et je suis conquis en une bouchée (très bonne exploitation de cette courge). C’est fin, délicat. Le cochon, sous ses deux états, apporte de la force, de la résistance, tant au niveau du goût que de la texture.

Nous poursuivons avec la « cuisse de lapin farcie de fruits du mendiant, chutney d’artichaut« , construction verticale surmontée d’un « chapeau » de foie gras frais et juste saisi. Un drôle de champignon! Les « mendiants » sont un clin d’œil aux quatre principaux ordres religieux mendiants : amandes (clair, dominicain), figues (gris/brun, franciscain), noisettes (marron, carme) et raisins secs (sombre/noir, augustin). La version originale, proposée à la carte, se suffisait à elle même. Le foie gras est excellent, mais superflu. Je n’ai pas compris ce qu’il devait apporter à cette entrée, puisque le lapin bien cuit (c’est à dire à peine) apporte déjà un contraste chair résistante dehors, tendre à l’intérieur, et que sa douceur est soulignée par l’agréable aigreur du chutney d’artichauts. Les puristes me diront que l’automne n’est pas la saison des artichauts : c’est vrai, je suppose donc que le chutney a été réalisé en saison (début de l’été).

Après ces deux entrées réussies, nous passons aux plats…

« Grosses crevettes aux grains de café torréfiés, topinambours et betteraves » : le topinambour est en pleine saison, alors qu’il doit probablement s’agir des dernières betteraves de la saison… Les légumes sont cuits de façon remarquable, comme dans les entrées qui ont précédé. Une justesse et une belle précision. Du coup, les crevettes, malgré leurs qualités indéniables, passent un peu en arrière plan pour moi, et ce ne sont pas les grains de café torréfiés, plus une figure de style qu’autre chose, qui changent grand chose à mon appréciation.

Le plat suivant, les « noix de Saint -Jacques juste poêlées, panais fondants et croustillants » me séduit beaucoup plus, que ce soit au niveau atomique (produit par produit) ou au niveau de l’ensemble. Le panais (légume d’automne) en purée onctueuse ou en fines lamelles façon chips est à nouveau préparé sans faute. Les belles St Jacques, joliment sautées, apportent un troisième effet de texture et une finesse qui complètent bien la subtilité du panais. Très bien!

Un autre point intéressant à souligner dans les assiettes de Jean-Luc Lefrançois : l’harmonie chromatique. Volontaires ou pas, les accords proposés dans chaque assiette consistent très souvent en des produits de couleurs voisines. Cela repose les yeux, ça apaise l’esprit. Le « cabillaud au curry vert, ravioles de légumes herbacés, chou patchoï » blanc et vert pâle,  servi dans une grande assiette blanche, tranche avec le plat précédent, blanc et jaune pâle, sur assiette noire. Un autre plat bien maitrisé et efficace, la chair du poisson est ferme et se détache nettement, le chou chinois est bon, mais fait moins d’effet qu’il y a quelques années. Bien, mais pas de souvenirs inoubliables pour moi.

De la viande en dernier plat : « Épaule d’agneau confite confiture d’oignons rouges et pommes Voisin » (des pommes Anna avec du fromage râpé). Agneau cuit à basse température, savoureux et fondant, et pas sec. Confit + confiture, amusant non? C’est doux, les oignons apportent un peu de fraicheur, bienvenue à ce stade avancé du diner, et face aux pommes de terre. Cela fonctionne bien, j’aime beaucoup. À ce stade de la dégustation, il est facile de juger la « légèreté » de la cuisine du chef : bonne nouvelle, c’est bien dosé, bien mangé, bien digéré, aucun sentiment de goinfrage, de trop manger. Au contraire, on est même surpris d’être toujours d’applomb. Peu de matières grasses inutiles ou de sauces étouffe chrétien, c’est très appréciable pour moi, qui n’ai plus l’habitude des grands et longs diners.

Transition vers la fin avec cette jolie « tarte aux dernières figues, vinaigre balsamique, glace aux fruits rouges« . Du fruit, du frais, pas trop sucré, avec une juste dose d’acidité. D’une efficacité remarquable.

Pour finir de tester les talents du chef : « pomme frappée au cœur de pistaches et noix de macadamia« . Présentation en envol (pas forcément bien rendue ci dessous). À l’image de ce qui a précédé, une utilisation intelligente, pragmatique et réussie des produits de saison. Avec, toujours, un jeu de textures, de températures et de saveurs.

Conclusion

Café et digestif pour F, une bonne vieille tisane pour moi, et l’occasion de rencontrer et d’échanger quelques instants avec le chef, très méritant, puisqu’ils en effectif réduit et pas toujours très expérimenté  en cuisine. Merci à F pour l’invitation et l’organisation de cette soirée, et bravo aux équipes en salle et en cuisine.

Bilan

Une adresse intéressante, dans un quartier improbable (enfin, de moins en moins) pour bien manger, où le chef utilise très bien les fruits, légumes et autres produits de saison. Pour ne rien gâcher, la salle est agréable, le service efficace et les tarifs semblent raisonnables au vu des prestations de qualité (j’ai été invité cette fois, mais ce que j’ai lu à la carte ne m’a pas choqué). À refaire avec L, cet hiver.

Rédigé par chrisos