Sa femme l'avait quitté, ils avaient eu du bon temps mais pas d'enfants. Leurs cercles d'amis mutuels s'étaient peu à peu éteints alors que la plupart avaient fait le choix d'avoir des enfants. Les priorités et les intérêts forcément changent.
Afin de payer son loyer dans la région qui lui plaisait tant, il s'était déniché un emploi de courtier et avec la crise du marché immobilier, il aurait été faux de prétendre que ses affaires roulaient sur l'or.
Le temps des fêtes lui était particulièrement difficile. Auparavant son ex faisait l'effort de l'appeler pour lui souhaiter joyeux noël, surtout que Lars, fils unique qui était sans parents depuis 4 ans, n'allait reçevoir ce soir-là des nouvelles/des visites de personne. Mais depuis deux ans, depuis que son ex avait refait sa vie avec un autre, Lars vivait le soir de noël complètement seul.
Pas de chance. Il avait non seulement rencontré une certaine hostilité de solliciteur non bienvenue un soir de fête, mais pratiquement juste des hommes qui lui rappelaient avec une certaine hargne qu'une carte d'affaire glissée dans la boîte de courrier aurait moins irrité la clientèle. Pas même une maison pour lui proposer un petit verre, ne serais-ce que pour se réchaufffer. Absolument personne pour s'inquiéter de son état, à travailler un soir de grand froid pendant qu'une bonne partie du reste de la planète fêtait quelque chose.
Alors que Lars allait se chercher un taxi sur son cellulaire, il vit une lumière jallir au haut de la côte. Il s'agissait d'un camion dix-roues. Il eût le réflexe de lever son pouce et le camion eût la bonne idée de s'arrêter près de lui.
Le conducteur le fît monter et se présenta: Hans Brunnemer. Il allait rouler jusqu'à la jonction qui le mènerait près du garage à ti-Joe qui avait surement remorqué sa voiture.
Lars lui compta un peu sa vie, Hans Brunnemer fit de même avec la sienne. Rien de trop excitant. De la vie pleine d'ordinaire, de la musique simple et sans réelle imagination. Sans trop de mesures de violon non plus, même si les deux avaient peut-être des raisons de jouer les victimes de la vie poche ce soir-là.
Une fois à la jonction, Hans Brunnemer lui dit qu'il continuait sa route mais qu'en le laissant au café du shack en bois rond, il devrait au moins aller prendre un verre en son nom, ne serais-ce que pour se réchauffer un peu. Lars invita Brunnemer à boire avec lui mais Hans se contenta de sourire et de dire qu'il devait continuer sa route.
Une fois à l'intérieur, Lars se commanda un whisky. L'endroit était très intime, un petit salon très chic devant un foyer qui resemblait bien plus à un salon privé qu'à un bar. Mais derrière deux divans qui faisaient face au foyer se trouvait un bar gêré par un petit homme qui semblait aussi seul que la flamme qui brûlait sur la buche dans le "salon". Ce n'était certes pas l'endroit pour y amener son club de hockey mais c'était inimaginable de faire face à ce foyer sans avoir un verre à la main.
"Je viens me réchauffer avant de récupérer ma voiture" a d'abord dit Lars. Puis il a ajouté:
"Je viens prendre un verre au nom de Hans Brunnemer qui m'a rendu service"
Le gérant devînt tout pâle, il fût comme saisi de stupeur et dût même s'assoeir dans le second fauteuil avant de se passer un linge au visage, la bouteille de whisky toujours à la main.
"Ai-je...ai-je dit quelque chose que je n'aurais pas dû dire?" demanda Lars, inquiet.
L'homme commença d'une voix monocorde:
..la large côte... c'est là que le camion lui était apparu...
Lars se sentit accompagné ce soir-là.
Pas de la belle fille qu'il souhaitait, mais moins seul