Mediator: une chasse aux sorcières qui masque les vraies questions

Publié le 26 décembre 2010 par Jean-Didier
L'affaire se transforme en scandale.
Les collusions entre les grands laboratoires pharmaceutiques, les instances réglementaires et le pouvoir politique sont interrogées.
L'Express dresse la liste des dix médicaments qui ne devraient plus être sur le marché.
Du coup, les requêtes Google concernant l'intérêt, l'efficacité et l'innocuité de la trimetazidine (Vastarel) s'emballent.
Une question aux lèvres de tous les médias: pourquoi le Mediator est-il encore sur le marché alors que nous savions?
Ma question: pourquoi les médecins continuent-ils de le prescrire alors que nous savions?
La question est plus gênante; la réponse n'est pas aisée. La faute est collective, englobant aussi bien les médecins prescripteurs, les pharmaciens dispensateurs que les patients demandeurs.
Pourquoi les pharmaciens continuent-ils de le dispenser alors que nous savions?
Novembre 2005, la commission nationale de pharmacovigilance se prononce en faveur d'une réévaluation du bénéfice/risque du benfluorex. Mars 2007, cette même commission émet un avis dévaforable au maintien de l'indication du benfluorex comme adjuvant de régime dans les cas d'hypertriglycéridémie et marque le pas concernant les diabétiques en surcharge pondérale.
Nous sommes pas sensés lire tous les comptes rendus de la commission.
Prescrire, dès 1997, pointe du doigt le fait que le benfluorex n'est pas le traitement de choix dans ces deux indications, au vu de son efficacité (1). 2005, la revue appelle à son retrait du marché (2).
Mais qui lit Prescrire? Ou du moins, qui, en pratique, est en mesure d'appliquer Prescrire?
Je ne sais pas pour les médecins, mais pour nous pharmaciens, nous nous sentons plus intelligents après... mais c'est tout! Au mieux, nous pouvons gargariser en société.
Les firmes pharmaceutiques ne craindraient pas les évaluations négatives de Prescrire.
Et je ne suis pas pour que Prescrire soit source unique d'information sur le médicament!
Nous touchons là le nœud du problème!
Comment, en temps que professionnel de santé, pouvons-nous nous informer de manière fiable et pratique? Comment pouvons-nous évaluer la valeur de l'information? Comment pouvons-nous tout lire? Comment pouvons-nous faire circuler cette synthèse d'informations?
Ce sont ces questions qui devraient être au centre des conclusions du "scandale Servier" (car oui, après le Mediator, attendez-vous à voir apparaitre le Vastarel sur le devant de la scène) et non pas uniquement l'indépendance de l'Afssaps.
Pour la petite anecdote, voici le commentaire datant d'octobre d'un ami très cher et éminent confère: "Tu penses que je peux déjà vendre des titres aux journaux pour l'année prochaine? parce que j ai plein d idée dans le genre.

" L'avandia responsable de 500 morts par an"" Les morts de Actos, l'HAS était au courant !!!"" L'Afssaps et le scandale de l'Actifed"... Quoi quoi? ... ah merde le premier est déjà réservé on me dit."Nous nous étions fait traiter de mauvaises langues.



(1)
Benfluorex pour quoi faire ? Mediator° comprimés. Rev Prescrire 1997 ; 17 (179) : 807-809
(2) Benfluorex interdit en Espagne. Rev Prescrire 2005 ; 25 (264) : 589