J'ai de Bons Enfants.

Par Jocelynechoquette

J’ai soixante-douze ans

J’ai de bons enfants.

J’ai de bons enfants.

Ils m’ont tout pris.

Ils m’ont tout pris.

Ils ne m’ont rien laissé.

Ils ne m’ont rien laissé.

Ils ont vendu ma maison et ma voiture.

Ils ont vendus tous mes meubles, tous mes bijoux.

Ils ont vendu mon chat et mon chien.

Sous prétexte que cela coûte cher à nourrir.

Ils ont vendu mon piano et mes partitions.

Ils ont vendus tous mes tableaux et tous mes tapis.

Ils ont vendus tous les souvenirs de mon défunt mari, leur père.

Ils ne m’ont laissé que les mégots de ses cigarettes

et ses cendriers vides et sales.

Ils ont vendus toutes mes belles robes

et mes belles chaussures.

J’ai soixante-douze ans.

J’ai de bons enfants.

J’ai de bons enfants.

Ils m’ont tout pris.

Ils m’ont tout pris.

Ils ne m’ont rien laissé.

Ils ne m’ont rien laissé.

Ils ont saisis toutes mes petites économies

pour les investir dans des actions.

Ils m’ont loué ce petit appartement.

Où je ne vois jamais le soleil et la lune

et où le béton brûlant de l’été et la glace noire de l’hiver

remplacent désormais mon beau jardin et mon potager.

Ils m’ont fait signer des papiers que je n’ai jamais compris et jamais lu.

Car si je demande des explications,

ils me menacent et me cassent les bras. 

J’ai soixante-douze ans.

J’ai de bons enfants.

J’ai de bons enfants.

Ils m’ont tout pris.

Ils m’ont tout pris.

Ils ne m’ont rien laissé.

Ils ne m’ont rien laissé.

Je chante devant vous mon histoire.

Car je n’ai plus de larmes.

J’ai trop pleuré, j’ai trop pleuré.

Ils me versent une petite pension.

Je suis cantonné entre les quatre murs sombres

de mon petit appartement.

Je voyage dans ma tête et déguste de bonnes choses

en m’imaginant dans de beaux restaurants

devant mon café clair et mes biscottes racornies.

Ils dansent déjà autour de ma tombe

et jette des fleurs dans le trou profond et vide

où ils rêvent de me voir très bientôt.

Mais…

ils oublient une petite chose. 

Je suis vivante !

Je suis vivante !

Je suis vivante !


Tous droits de reproduction interdits. Jocelyne Choquette 2011