Libres libraires

Publié le 05 janvier 2011 par Arsobispo

J’enrage ! En vitrine, trois bouquins sur 7 mètres de long. Chacun d’eux présenté en nombre. Comme si le fait d’en placer quinze les uns sur les autres est un gage de qualité. Je tairais les titres et les auteurs, mais que de la daube ; comme diraient mes enfants ! Que de place perdue pour de vraies découvertes !

A l’intérieur, c’est pire encore. Des têtes de gondoles de 2 mètres de haut sur 80 centimètres de large, ne présentant qu’un seul livre, du haut en bas. Sur les tables, les nouveautés des auteurs à la mode. Ceux qui, de toute façon, seront vendus. L’argent allant au riche, on le sait bien. Et si l’on cherche un titre précis, d’un auteur improbable, et d’un éditeur de province (quel con !) il faut demander à la caissière. Là, 2 possibilités, elle est libraire et saura aussitôt que vous faites chou blanc. Elle est caissière, alors elle regarde sur son ordinateur et vous répond qu’elle ne le possède pas, qu’éventuellement, elle peut vous le commander. Qu’elle aille se faire voir ! Je ne donnerai pas près de 20% du prix du bouquin à ces gougnafiers.

Les vrais libraires sont submergés par les livraisons de la Sodis, d’Editis et consœurs. En fait il y en a réellement que trois qui appartiennent à Gallimard, à Hachette et à La Martinière. Ces distributeurs ont donc surtout intérêt à mettre en avant les productions de leurs catalogues. Les petits éditeurs du coup se retrouvent quelque peu démuni pour diffuser et distribuer les livres qu’ils prennent tant de soin pourtant à publier. Et ce n’est pas près de s’arranger, bien au contraire. Voir à ce propos, l’état des lieux alarmant qu’en fait un site qui s’intéresse surtout au livre juridique.

Comme dit Christian Fauré, la chaîne du livre est un vrai plat de spaghettis. Et je me demande si cela n’est pas voulu afin de renforcer le pouvoir des grandes maisons. Ce ne serait que normal d’ailleurs, puisque cette règle prévaut, quelque soit le domaine politique ou économique de notre société. C’est, parait-il, la seule forme viable, dans le monde de dérégulation de ce putain de XXIe siècle ! Le mot putain n’est bien entendu pas fortuit. Tout comme il doit être prit dans son sens premier. Je me demande même si un scandale - comme le plagiat dont est coupable PPDA dans son dernier bouquin (j’allais écrire ouvrage !!!!) - n’est pas le résultat d’un procédé, certes guère honnête, mais prometteur en terme de retombées financières pour l’éditeur, en l’occurrence le Groupe Flammarion. Quand on sait que ce même groupe appartient au groupe RCS au sein duquel Berlusconi rode, il n’y a là rien que de très normal.

Pourtant, les vraies surprises sont souvent chez les petits éditeurs sans distributeurs. C’est donc un vrai travail de prospections que les petits libraires font et que les supermarchés d’une prétendue “culture” ne font qu’exceptionnellement, et encore faut-il que la rumeur d’un succès inattendu leur parvienne.

Alors, s’il vous plait, poussez d’autres portes, de nombreux libraires savent ce que veut dire leur métier et militent dans le sens d’une diffusion de la culture, de la pensée, de l’autre. Acte militant qui n’a de sens que si il est partagé. A l’exemple d’un Frédéric Cambourakis, libraire libre, mais aussi éditeur ; qui a décidé de ne présenter dans son échoppe que les petits éditeurs, ignorant la littérature des grandes surfaces quand bien même elle est de qualité. Aucune concession n’est en effet possible si nous voulons que vivent les oeuvres qui ne répondent pas aux nécessités de l’abrutissement collectif.

Librairie des Editions Cambourakis
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