Ailleurs: Ste Barbara de Kutná Hora

Publié le 09 janvier 2011 par Strogoff

Ben dis-donc, je viens tout juste de me rendre compte que je ne vous avais pas encore fait de publie sur Kutná Hora. Si, j'en avais un peu parlé dans pas mal de publies, mais pas une seule ne fut consacrée à cette fabuleuse ville, pleine de fourbis historiques, les uns plus splendides que les autres, à seulement 1h de route de Prague. C'te honte... t'imagines? Une des villes les plus visitées de notre République, inscrite depuis 1995 au patrimoine mondial de l'UNESCO, et je ne vous en avais toujours pas fait une publie en 5 ans?

Rattrapage donc. Aujourd'hui, je vous parlerai de l'église Ste Barbara, un joyau de gothique flamboyant à la française. Ah oui, alors c'est quoi un joyau gothique (accessoirement flamboyant) à la française z'allez me demander (attention, je ne suis pas un expert, juste un amateur): édifice multi-vaisseaux bâti sur plusieurs plans et pourvu d'un déambulatoire autour du choeur entouré de chapelles rayonnantes ou l'élan vertical donne une sensation de colossal au détriment du raffinement esthétique (ex: Reims, Bourges, Amiens, Strasbourg, Metz...).

Barbara... En Français vous trouverez notre édifice sous l'appellation Ste Barbe. Alors les prénoms Barbe et Barbara sont complètement synonymes, y a juste que fourguer un prénom pareil à une fille, Barbe, faut être soit Portugais, soit féministe pervers. Aussi personnellement j'emploierai "Barbara", même si ce n'est pas officiel, parce que ça me rappelle une Barbara que je connais, un splendide brin de belle fille flamboyament architecturée et bien loin de la marmousse crépue du musulman fanatique. Autre précision. Les sources tchèques parlent souvent de notre église en termes de "cathédrale". Attention, il s'agit là d'un point de vue architectural, parce que notre église ne fut jamais le siège d'aucun évêque, n'eut pas en charge le moindre diocèse, et n'y fut même pas attribuée une paroisse.

Aussi personnellement j'emploierai "église", malgré que ce splendide édifice puisse arborer une dénomination plus honorifique.

"Kutná Hora" signifie la "montagne Kutná". Autant il ne fait aucun doute sur la "montagne", encore qu'il faille voir ici ce mot en termes miniers, genre mine, réserve de minerai, plutôt qu'en terme de monticule... donc autant point trop de problème sur "Hora", que "Kutná", c'est une autre paire dimanche. Il pourrait s'agir d'une origine germanique, "kutte" (froc monacal, de par les cisterciens qui s'établirent dans le coin en 1142). Il pourrait s'agir du dialecte toujours germain du centre du pays, "kutta", signifiant "trou" (de mine, pas de Bâle). Le nom pourrait également provenir du Tchèque "kutat" (haver, extraire, de par les mines d'argent de la région). Mais aussi du mot "kutna", qui comme en Germain "kutte" signifie froc, robe de bure. Il existe à ce propos une jolie légende, qui dit qu'il était un jour le moine cistercien Antoine du monastère de "Sedlec"... Ce dernier (monastère) fut détruit lors des guerres hussites, et jamais vraiment reconstruit. Il en reste aujourd'hui des bouts autour, comme dedans l'église Ste Marie de l'assomption.

Quant à "Sedlec", le bourg est aujourd'hui partie intégrante de "Kutná Hora" dont il est un quartier... Ah oui, donc le moine Antoine, fin XIV ème siècle, partit en forêt en recherche de terre fertile pour cultiver de l'agriculture (le hobby des cisterciens). Alors qu'il se trouvait aux environs de l'actuelle église de Tous-les-saints (où se trouve le fameux ossuaire, publie à viendre), il s'endormit à l'ombre d'un arbre. Et il rêva, le bougre éhonté, qu'il bêchait, et que soudain partout brillait de l'argent (métal). La roche était en argent, les racines étaient en argent, jusqu'aux champignons qui étaient en argent aussi. Lorsqu'il se réveilla, tout engourdi-perturbé, il jeta plusieurs yeux curieux dans les environs, et trouva 3 petites verges argentées qui poussaient de la roche. Alors il jeta sa soutane blanche ("kutte", "kutna") par dessus les rameaux afin de marquer l'endroit, et courut jusqu'au monastère annoncer sa découverte (l'andouille). Ceci dit, l'origine germaine est cependant la plus probable, puisque la grande majorité des mineurs du coin furent importés d'Allemagne, et ce jusqu'au XV ème siècle, lorsqu'en voie de disparition, leur exportation hors Germanie fut interdite. Quoi qu'il en soit, le nom est resté même en latin, sous "Mons (Montes) Cutna (Cuthna, Chutna, Cuthni)" ("districtus Cuthnensis").


Mais je ne vais pas vous faire tout l'historique de "Kutná Hora", sinon ma publie va prendre des plombes, donc juste quelques repères importants. Les environs de notre bled furent déjà peuplés au néolithique sous le règne du singe et de la téloche en pierre taillée. Après l'arrivée des Celtes (vers 4000 avant Jean-Claude), l'on commença à travailler l'argent à "Kutná Hora". En la période des fortins en bois (entre le VIII et le X ème siècle), se trouvait là un fortin en bois (ah ouais?), sur cette route commerciale d'importance appelée "Haberská stezka". Parenthèse, notre route "Haberská", en ces temps, reliait la Bohême ("Čáslava") et la Moravie ("Znojmo"), puis plus tard même Vienne (Autriche) depuis "Kolín" (Bohême). Son nom (de la route) serait viendu de la fameuse chronique de Cosmas Pragensis, où il est écrit: "Nam Borivoy collecto exercitu occurrens eis castra metatus est supra duos colles iuxta oppidum Malin, paratus in crastinum cum eis committere bellum. Teutonici vero non longe ex altera parte rivuli Wyzplisa applicuerunt castra, ita ut uterque ab utrisque possit videri exercitus. Qui postquam animadverterunt unanimem esse cum constantiam Boemorum, inquiunt Ŏdalrico: Ubi sunt illi Boemie natu maiores, quos dicebas tuos esse fautores? Recte mentitus es in caput tuum et nos decepisti atque in magnum deduxisti periculum. Reverti volunt, sed nequeunt, quia eadem via post illos Zuatoplik cum fratre suo Ottone ducens secum duas scaras veniebat duci Borivoy in auxilium. Quid facerent? Magna undique coartati angustia per angustam viam et nimis artam semitam, qua itur trans silvam ad Gabr, turpem noctu maturaverunt fugam".

En gros, lorsque "Oldřich Brněnský" ("Ŏdalrico") et "Bořivoj (II)" ("Borivoy") se mettaient grave sur la gueule pour récupérer la couronne de Bohême... bataille de "Malín"... mirent honteusement les voiles la nuit, à travers les fourrés, par le chemin tout étroit qui mène à "Habry" ("Gabr"). Et c'est assez curieux que le nom de "Habry" soit resté ("Haberská stezka"), car c'est un bled insignifiant de 1.500 habitants dans la région dite "Vysočina" (coupée du monde 4 mois par an par les neiges, terreur noire de tout automobiliste circulant sur l'autoroute D1). C'est comme si l'autoroute A4 Paris-Strasbourg s'appelait la Puttelangienne plutôt que "de l'Est" parce qu'elle passe par Puttelange-aux-Lacs. Brefs, mais ce qui est important, c'est surtout la mention de "oppidum Malin", notre fortin en bois, car le bled "Malín" est aujourd'hui partie intégrante de "Kutná Hora". Signalons que le fortin "Malín", comme les environs, appartenaient jusqu'en 955 à la famille des "Slavníkovci", famille qui fut sauvagement génocidée par les "Přemyslovci" (en Septembre 995, à "Libice") afin que ces derniers prennent définitivement le pouvoir absolu sur "Kutná Hora", comme sur toute la Bohême.

Et signalons aussi que dans l'hôtel de la monnaie (en bois) de "Malín", furent frappés en 985 les premiers Deniers (enfin les plus anciens que l'on connaisse). En cette époque, l'extraction du minerai se faisait encore à ciel ouvert. Ce n'est que par la suite, une fois la pelle inventée (un 18 juin, la pelle du 18 juin), que l'on creusa des galeries, obscures, étroites, et profondes, jusqu'à 500 m, ce qui était pour l'époque le plus profond au monde que l'on creusait. La richesse était donc là, cool, sauf qu'il n'y avait pas grand monde pour piocher parce que les environs étaient sauvages, hostiles et inhabités. Aussi en 1142, le seigneur du coin "Miroslav z Cimburka" fonda un monastère ("Sedlec") afin de le peupler de cisterciens (originaires de "Waldsassen", en Germanie, à seulement 9 km de "Cheb") qui allaient lui défricher les environs afin de les peupler de mineurs, orfèvres, négociants et autres générateurs de richesses. Et grâce à elles (richesses), la ville grandit rapidement. Vers la fin du XIII ème siècle (entre 1270 et 1280), l'on estime à 5 tonnes l'extraction annuelle d'argent (pour vous dire le pognon qu'ça fait).


Autour de ces peuplements de mineurs, commencèrent à pousser des maisons d'à bon dieu en bois (les maisons en bois, pas bon dieu), sous gérance spirituelle du curé de "Malín". Mais en 1324, le pléban "Oldřich z Paběnic" (Pléban, du Latin "plebanus", évêque en fonction en dehors d'un évêché, en charge de la plèbe. Au moyen-âge, en Bohême, terme usuel pour désigner le curé d'une paroisse) affilia par décret toutes les paroisses indépendantes sous la juridiction du monastère cistercien de "Sedlec", lequel dépendait directement du papàrome. Rapide parenthèse sur "Oldřich z Paběnic", dont les dents plus longues que longues, lui permirent une ascension exponentielle dans les sphères cléricales. Eduqué en théologie à la sauce bolognaise (à Bologne, au fond du bois de...), et descendant d'une famille aisée, il prit rapidement des postes importants, comme substitut du prévôt de "Vyšehrad", lequel était également médecin de " Rudolf I", chancelier du roi "Václav II", archevêque de Mayence, et baptiseur du bon roi Charles IV, je veux parler de Pierre d'Aspelt.

Ainsi de par ses relations privilégiées avec le clergé comme avec la noblesse, "Oldřich z Paběnic" obtint les canonicats des chapitres de "Vyšehrad" et de "Olomouc", le plébanicat de "Malín", il fut administrateur (fondé de pouvoir) de l'évêque de Prague, conseillé assermenté du roi, maître scolastique du chapitre de Prague et membre honoraire de l'amicale des anciens de la pétanque... soit une cumulation éhontée de mandats, que ne pouvait s'empêcher de lui reprocher l'archevêque de Prague. Sous les remontrances de ses pères, "Oldřich" finit par rendre ses tabliers, et entra dans les ordres des cisterciens de "Sedlec" comme moine de seconde classe. Il ne lui fallut que 3 ans afin de monter en grade à la vitesse grand-V, puisqu'à la mort de l'abbé Frédo ("Bedřich"), il prit sa succession comme abbé de "Sedlec", abbé de l'un des monastères les (sinon le) plus riches et les plus influents en ces temps en Bohême (en Europe). "Oldřich" dut cependant rendre sa fonction 3 ans plus tard, victime d'un nanévrisme (c'est rébral) qui le laissa dans un état végéto-légumatif. Il monta aux cieux 1 an plus tard (en 1334) où, malgré son infirmité intellectuelle, St Pierre en personne émit des objections circonstanciées quant à son emménagement céleste, de peur de se faire évincer par l'arriviste ambitieux.

Mais retour à "... affilia par décret toutes les paroisses sous la juridiction du monastère cistercien dépendant directement du papàrome". Et ça, ben ça n'faisait pas vraiment l'affaire du patriciat local (bourgeois, capitalistes, commerçants, entrepreneurs... bref, les ennemis classiques du travailleur prolétaire), qui en 1384 fonda sa propre confrérie du corps du Christ, bien en dehors de la juridiction des moines cisterciens.

Une fois le parti fondé, les patriciens achetèrent un terrain au chapitre de Prague près de St Guy (propriétaire), en dehors des fortifications de la ville ("Kutná Hora"), afin qu'ils n'aient rien, mais alors vraiment rien à voir avec le monastère de "Sedlec". Pis ils entreprirent la construction d'une chapelle St Venceslas, avec son ossuaire ("carnarium") aujourd'hui disparu, mais qui se trouvait fort probablement à l'emplacement de l'actuel collège jésuite. La chapelle St Venceslas prit le nom de "corps du Christ" au XVII ème siècle, et existe toujours, à 20 m au Nord-est de Ste Barbara, malgré qu'elle tombât en ruine durant les 2 derniers siècles (elle fut entièrement restaurée entre 1997 et 2000). Bon, la chapelle ok, mais ce n'était pas assez représentatif. Loin loin s'en fallait.

Aussi parce qu'elle avait du pognon à revendre (aux pauvres), la classe esclavagiste mit en chantier une nouvelle église d'architecture cathédrale, en plein sur l'emplacement où se trouvait depuis lurette une chaplette consacrée à la sainte des mineurs, Ste Barbara (cette chaplette faisait partie intégrante du choeur jusqu'en 1626). Et hop, légende.

Selon cette légende, cette chapelle Ste Barbara serait née il y a longtemps, très très beaucoup longtemps, lorsqu'il était une fois, 3 mineurs qui creusaient des galeries dans une mine d'argent. Un jour, il était une fois que la galerie s'effondra, ensevelissant les mineurs, mais sans les faire mourir, comme au Chili, pour faire marcher la téléréalité. Et tandis que les cameras du monde entier se tournaient vers "Kutná Hora", les 3 mineurs, eux, se tournèrent vers la Ste patronne qu'ils prièrent. Le premier pria Ste Barbara afin qu'il puisse revoir la lumière du jour encore une fois, et qu'après, il pourrait mourir. Le second pria Ste Barbara afin qu'il puisse revoir sa famille (proche, pas la tante immigrée en Australie), et qu'après, il pourrait mourir. Le troisième pria Ste Barbara afin qu'il puisse revoir la lumière du jour, revoir sa famille (proche, pas le cousin immigré en Nouvelle Zélande), qu'il voudrait vivre encore un an complet (365 jours à partir de la date du sauvetage) et qu'après, il pourrait mourir.

Ben ils prièrent si fort, que Ste Barbara leur apparut, et leur montra le chemin de la sortie. Oui, je sais, ils étaient ensevelis. Alors considérez la phrase "leur montra le chemin de la sortie" dans le sens "leur fila des pelles, des pioches et un sacré fichtre de coup de main afin qu'ils se frayent un chemin vers la sortie". Mais à peine le premier mineur eut-il aperçu la lumière du jour, qu'il mourut aussitôt (merci Ste Barbara). A peine le second mineur eut-il aperçu sa famille, qu'il mourut aussitôt aussi (encore une fois, merci Ste Barbara). A peine le troisième mineur eut-il aperçu la lumière du jour, à peine eut-il aperçu sa famille, qu'il courut auprès du premier arbre de taille respectable, qu'il abattit à coups de hache. Il se mit alors à sculpter sur place une grande statue de Ste Barbara. Mais attention, une belle, une grande statue, genre le gars s'appliquait grave dessus, pas comme sur les colliers de nouilles pour son épouse lors de la journée internationale de la femme, du flan, et de la compote, non, une vraie splendide statue de Ste Barbara, splendidement sculptée, puis peinte à la gouache en couleur pour faire vraiment bien beau. Une fois terminé, il posa son ex-voto sur la souche de l'arbre abattu, et mourut aussitôt. L'on était justement le 365 ème jour après sa délivrance.

La statue resta là quelques temps, avant qu'elle ne soit volée par les Suédois (fumiers), et les mineurs prirent l'habitude d'aller prier la sainte avant de descendre dans la mine, avec cependant des prières moins engageantes, genre sans condition ni date fixe, car Ste Barbara serait apparemment formaliste et tatillonne sur les termes des sollicitations. Lorsque la statue disparut, elle fut remplacée par notre chapelle, laquelle fut remplacée par notre église-cathédrale.

Alors la date réelle de mise en chantier n'est pas vraiment certaine, mais l'acte constitutif officiel des 2 édifices (chapelle comme église) daté du 27 juillet 1388 mentionne déjà leurs noms ainsi que leur fonction (cf. "Jaromír Čelakovský, in Codex iuris municipalis Regni Bohemiae, T.II, p.823, Archives du chapitre de Prague (num. XVII, 23), [...] pro diuini cultus augmento capellam in honore Corporis Christi et sancte Barbare, virginis et martiris gloriose, prope Montes Chutnis in fundo bonorum communium capituli ecclesie Pragensus infra fines et limites ecclesie parrochialis in Pnyewycz tituli sancti Wenczeslai [...]"). Mais comme dit, les constructions eurent pu commencer bien avant. Les travaux furent menés par la corporation (groupe de compagnons) praguoise de "Petr Parléř" (que je ne vous présente plus), fort probablement sous la direction de son fils, Jean, qui se maria d'ailleurs à "Kutná Hora" en 1389.

Parenthèse. Alors la question de qui, du père ou du fils "Parléř", bâtit l'église Ste Barbara reste ouverte. Selon les experts Allemands (anciens), en particulier "Joseph Neuwirth" (cf. "Der Baubeginn der Frohnleichnams- und Barbarakirche in Kuttenberg. Prag 1893"), la paternité du père Pierre ne fait aucun doute. Cependant "Eva Matějková" (cf. "Kutná Hora. Praha 1962") penche plutôt pour le fils Jean, principalement de par son mariage dans le bled 1 an après l'écriture du fameux acte de fondation. Pis en 1970, "Viktor Kotrba" se la joua à la Salomon, et attribua les plans au père Pierre, la réalisation au fils Jean (cf. "České umění gotické 1350 - 1420. Kolektiv autorů, Praha 1970"). Mais en 1984, en se basant sur les caractéristiques du choeur de l'église, "Dobroslav Líbal" affirma que non, que ni Pierre ni Jean ne seraient impliqués dans cet édifice, qui serait selon l'auteur l'oeuvre d'un disciple parlerien inconnu (cf. "Gotická architektura, in: Dějiny českého výtvarného umění I/1. Kolektiv autorů, Praha 1984"). Bref, considérez donc la corporation parlerienne comme sûre, en terme de réalisation, mais qu'un doute certain subsiste toujours et encore sur la participation de l'un, de l'autre, voire des 2 "Parléř", tant dans les plans, que dans la réalisation.

En fait, il existe une multitude d'ouvrages extrêmement techniques, cependant intéressants, précis comme une horloge suisse, et en langues diverses qui analysent au millimètre près l'architecture en 3D de cet édifice, tout en la comparant aux multiples autres ouvrages européens. Et chaque écart, chaque similitude, chaque incohérence, chaque petit bout de détail anodin pour le profane permet à l'expert d'avancer dans ses hypothèses sur la paternité du chef-d'oeuvre. Evidemment, je ne vais pas vous mettre tout ça dans ma publie, sinon elle va devenir aussi indigeste que l' article de wikipédia. Maintenant je ne peux pas vous taire certains éléments indispensables non plus, aussi afin que vous ne soyez pas perdus dans les détails architecturaux qui vont suivre (rassurez-vous, pour les profanes), je vous ai trouvé un super lien qui coupe en 3 dimensions l'église Ste Barbara afin d'en montrer toutes les composantes.

Alors selon certaines sources, l'édifice était planifié comme un tri-vaisseau, de longueur double par rapport à ce qui existe aujourd'hui.

Pas de bol, parce qu'aujourd'hui l'édifice est donc long de moitié, et compte 5 vaisseaux (au sol, mais 3 vaisseaux à partir du triforium). Lors de cette première phase de construction, tout avançait plutôt rapidement. Vers 1395, les 5 vaisseaux existaient déjà en termes de gros-oeuvre. Furent déjà consacrés 15 autels, auxquels furent attribués 15 prêtres en charge de passer la poussière, et les murs atteignaient en hauteur l'actuel triforium. Mais arrivèrent les guerres hussites (en 1420), et le chantier fut mis en attente pour 60 ans. Vers 1482, la situation économique comme sociale des notables, de la ville, comme du pays permirent de remettre en route la construction, et c'est un artisan local, maître "Hanuš", qui reprit la suite de qu'on ne sait pas qui, selon ses plans vieux de 100 ans. Parenthèse. Selon une source, maître "Hanuš" serait viendu de Prague, et aurait monté sa corporation d'artisans à "Kutná Hora", avec son frère "Blažek". S'agit-il du même "Hanuš" que celui qui construisit la fameuse horloge de la vieille ville à Prague? Peu de chance, d'autant plus que le "Hanuš" de l'horloge est fortement remis en question par les historiens. Mais je vous en parlerai une autre fois.

Bref, notre "Hanuš" de "Kutná Hora" s'attaqua aux soutènements extérieurs du choeur (arcboutants) et au triforium, qui en cette époque n'existait qu'en la cathédrale tri-saintale. Mais comme dit, les plans dataient d'un bon siècle, et les maîtres artisans comme la mode avaient évolué vers le modernisme. Aussi en 1489, l'on changea d'architecte pour le fameux "Matěj Rejsek". A signaler que ce dernier fut fort probablement mis en selle par l'intendant de la ville, l'interlope hussite ambigu "Michal Smíšek z Vrchovišť" dont je ne peux taire le nom, tellement il fut présent sur la scène politique locale entre la fin du XV et le début du XVI ème siècle. Michel était l'exemple même du petit bourgeois entrepreneur intriguant, qui arriva à se faufiler jusqu'aux plus hautes sphères proches de la noblesse. Il fut à l'origine des émeutes de mineurs entre 1494 et 1496 lorsque... tiens, oyez plutôt. Le 13 septembre 1494, les mineurs, agacés par les pratiques malhonnêtes de l'intendant local Michel, écrivirent une lettre de doléance à son encontre (cf. "Josef Emler, Pozůstatky desk zemských království českého r. 1541 pohořelých, svazek I, ed. 1870, [...] havíři pravie, že ruda všecka k prodeji na stuol do kaven nepřicházela a on při tom prodeji svého lepšího tu napřed hleděl, a což lepších rud bylo tu do šibáren bráti a klásti dopouštěl, kdežto taková ruda k prodeji na stuol nepřicházela podle zřízení horního").

Une semaine plut tard seulement, le plus haut intendant du pays "Vilém z Pernštejna" arriva en ville à la tête d'une commission d'enquête, mandatée aux fins d'apporter toute lumière sur la louche affaire susmentionnée. N'oublions pas qu'en cette époque, les mines d'argent de "Kutná Hora" étaient la banque centrale du pays, et qu'il eut été absolument impensable qu'on puisse y laisse la gabegie ou le désordre s'y installer (c'est pas comme les dépôts d'essence en royaume de Sarkoland). Il y eut enquête, il y eut découverte de faits répréhensibles, et par suite de jugement, Michel fut déclaré coupable, condamné, déchu de sa fonction, puis emprisonné. Mais voilà, en 1495, le vilain bougre sortait de prison, blanchi par un édit du roi W ("Vladislav Jagellonský") en personne (qui du reste fut élu roi de Bohême à "Kutná Hora" en 1471, comme on peut encore le voir sur la peinture de la salle de l'hôtel de ville dit "Vlašský dvůr"). On le retrouva (Michel) ensuite dans divers documents sous profession de mineur, négociant en minerai, puis échevin (en 1498) et carrément bourgmestre de "Kutná Hora" en 1499. Il décéda en 1511, et fut inhumé dans notre église Ste Barbara, où il avait acquis auparavant une chapelle (pour y reposer, j'y reviendrai).

Ensuite il existe encore un graduel dit de "Michal Smíšek z Vrchovišť" ("Smíškovský graduál"), daté d'entre 1490 et 1495, aujourd'hui dans la bibliothèque nationale de Vienne, contenant 493 feuilles de parchemins richement enluminées, et considéré comme un chef-d'oeuvre de l'art auquel furent consacrées de nombreuses publications. Après la famille "Smíšek z Vrchovišť", l'ouvrage passa dans les mains des "z Rožmberků", qui en firent cadeau en 1590 à Ferdinand du Tyrol qui le remisa en son château d'Ambras, avant que Léopold 1er ne le fasse déménager (avec une grande partie de la collection d'Ambras) en sa "Kunstsammlung" de Vienne. Alors si je vous raconte tout cela, c'est parce que non seulement nous retrouverons ce fichtre malsain dans la suite de ma publie, mais aussi parce que ce personnage extraordinaire qui eut tellement d'importance pour sa ville et au-delà, n'aurait peut être jamais existé. En effet, il existe des sources qui prétendent qu'il y aurait eu 2 personnages homonymes, l'un bon et l'autre mauvais, sachant que le mauvais n'aurait jamais existé, et serait une pure invention. Dingue! Bon, mais revenons à notre église.


"Matěj Rejsek" engagea donc les travaux sur les fenêtres, termina les soutènements extérieurs, le triforium et le choeur sur lequel il posa les voûtes (à nervure) en 1499. Il prolongea encore ce dernier (choeur) d'un segment (de voûtes) vers les vaisseaux afin de protéger parfaitement les têtes des ensoutanés des intempéries. Sa touche en gothique tardif est particulièrement remarquable par le souci du détail et de la décoration foisonnante (cf. les soutènements extérieurs, comme les plastiques dites "les 3 Trolls"). Notre architecte décéda en 1506, mais la construction se poursuivit jusqu'en 1512 selon ses plans. Cette année-là, le conseil municipal fit appel à un génie de la voûte, l'architecte "Benedikt Ried" (i.e. "Benedikt Rejt"), qui justement avait pour mission de terminer la toiture de la nef central (jusqu'alors il pleuvait, neigeait et crottedepigeonnait sur les ouailles). Et là, le gars fit un miracle de gothique tardif, sans doute un des derniers avant l'avènement de la renaissance: un réseau de nervures à doubles courbures formant au centre des marguerites à 6 pétales et des étoiles à 4 branches, recouvrant non seulement la nef centrale mais encore les bas-côtés, le tout baigné d'une lumière abondante grâce aux nombreux ajours dans les parois supérieures (ce même schéma de recouvrement des bas-côtés se retrouve dans certaines cathédrales françaises, notamment Notre Dame d'Amiens, mais cette dernière n'est qu'un tri-vaisseau [jusqu'au transept, dont Ste Barbara est dépourvue]).

Notez que les motifs des nervures ne sont pas sans rappeler les motifs de la sale dite de Vladislav, au vieux palais royal, et pour cause: il s'agit du même architecte. Aujourd'hui sont peintes dans les espaces inter-voûtes les armoiries des nobles comme des citoyens (patriciens) de la ville qui contribuèrent financièrement à la construction. Quant au toit, plutôt que d'adopter une forme classiquement rectiligne, ce bougre d'architecte couvrit l'édifice de trois petites pyramides en forme de tipi indien symbolisant la Ste Trinité. "Benedikt Rejt" mourut en 1534 (parfois 1536, il avait le cuir coriace l'animal), mais le chantier se poursuivit selon ses plans jusqu'en 1558, lorsque la municipalité mit un terme à l'éternelle construction par manque de fonds. L'édifice inachevé commença alors à se détériorer.

En 1626, les jésuites reçurent l'église en gérance, mais ces derniers s'occupaient plus de la construction de leur nouveau collège, attenant à Ste Barbara, que de l'église délabrée.

Bon, si, ils firent les réparations nécessaires, mais genre de là à la terminer... Signalons quand même les changements marquants de la période baroque. Tout d'abord ils (les jésuites) relièrent l'église avec leur collège d'une galerie couverte (décidément, ils n'aiment pas la pluie les moines), ensuite et surtout, ils remplacèrent les fabuleuses pyramides indiennes par un toit tout bête, tout banal, avec trois clochetons tout bêtes, tout banaux... banals. Mais à force de casser les roustons au monde entier, l'ordre des jésuites fut dissous, et l'église tomba sous l'égide du "fond religieux" ("Náboženský fond", parfois "Náboženská matice"), institution créée sous Josef II, et destinée à gérer (souvent liquider) le patrimoine religieux désacralisé par les reformes de l'empereur. Inutile de préciser, que l'église ne reçue pas plus de soin qu'auparavant. Mais en 1877, fut créée l'association archéologique et culturelle "Vocel", dont l'un des premiers objectifs fut de restaurer Ste Barbara (cf. les minutes de réunion de la diète du royaume de Bohème 1878-1882).

Cette dernière repassa sous gérance de la ville, et la restauration en style néogothique fut confiée dans un premier temps à "Josef Mocker" (qui d'autre sinon), puis à "Ludvík Lábler" (1855 - 1930), personnage local extrêmement actif dans la région, mais peu connu en dehors de "Kutná Hora". La plupart des composantes baroques furent retirées, et les gothiques généralement remplacées plutôt que restaurées (cf. les vitraux). L'un des rares éléments positifs, est le retour du toit originel à 3 pyramides. La façade (auparavant temporaire) fut entièrement reconstruite d'extérieur, et décorée de statues des sculpteurs "Čeněk Vosmík" et "Jindřich Čapek". En cette période de reconstruction, l'on remplaça le vieil orgue par un neuf (le mécanisme, mais l'armoire est toujours baroque, première moitié du XVIII ème siècle), de même que l'autel principal (selon une idée originale de "Ludvík Lábler"). Les vitraux furent entièrement renouvelés. Aujourd'hui ils exhibent des scènes bibliques ou historiques, et portent mention des donateurs au profit de la reconstruction, dont un plutôt célèbre (donateur), François-Joseph 1er qui rendit visite à "Kutná Hora" en 1906 à l'occasion de la foire mondiale du boudin aux pommes.

A signaler que la plupart des vitraux furent élaborés selon les dessins de "František Urban" (cf. les peintures intérieures de l'église St Pierrépaul de "Vyšehrad"), et réalisés entre 1898 et 1923. Finalement l'église Ste Barbara fut re-consacrée le 15 octobre 1905 par l'évêque de "Hradec Králové": "Josef Doubrava", le plus artistiquement orienté des ensoutanés de Bohême (pote personnel de "Max Švabinský", "Josef Fanta", et bien d'autres), et depuis cette dernière grande (re)construction, l'aspect de notre édifice est inchangé. Sous le régime des con-munistes, pas grand chose à signaler, sinon que de par le désolant délabrement dans lequel se trouvait l'église, des travaux d'envergure commencèrent en 2003 (cf. les échafaudages sur mes photos), et se poursuivaient toujours lors de ma dernière visite (en 2008). Depuis 1995, Ste Barbara est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, mais il semble peu probable que cette distinction lui apporte le soutien financier dont elle aurait le plus grand besoin. Aux dernières nouvelles (Septembre 2009), la statique de tout l'édifice serait en danger par l'état délabré des arcboutants, conséquence de l'action conjuguée des pluies acides (printemps-été) et du gel (automne-hiver).

Je ne puis donc que vous inviter à vous rendre à "Kutná Hora" (70 km à l'Est de Prague, 1h en voiture) au plus vite, visiter les splendeurs que cette ville recèle et tout particulièrement cette magnifique église Ste Barbara.

Entrons dedans, et parlons un peu de la déco. Dans le choeur, se trouve une sorte de petite niche en pierre de l'époque "Matěj Rejsek" (entre 1500 et 1510), et destinée à contenir les photos de Jésus, dieu, Marie, etc... Les bancs du choeur furent sculptés entre 1480 et 1490 par "Jakub Nymburský", l'auteur du fameux retable de . Ensuite, tout autour du choeur et du déambulatoire, se trouvent 8 chapelles absidiales disposées en demi-cercle selon un schéma dit "à la française". Je ne vais pas toutes vous les décrire, mais au moins les plus importantes. Commençons par la moins (importante), la chapelle dite des "mineurs".

Elle fut acquise en 1480 par le vigneron du roi W, "Jan Knajzlík ze Světic", et l'anecdote voudrait que le roi eut bâfré une terrine d'écureuil à la table de son viticulteur en 1487 (histoire de vous situer l'importance du bougre viticole). L'on raconte en outre qu'il possédait une mine (le viticulteur), ce qui en faisait un des fichtres des plus importants, comme des plus riches de la ville. Aussi sa chapelle est peinte aux motifs de sa gloire, de son prestige, et de sa position sociale (aujourd'hui on dirait qu'il "branlait son ego"). Elle (chapelle) fut ensuite attribuée au syndicat (corporation?) des mineurs (en l'an 1493, mais je ne sais pas pourquoi, ni quid du "Jan Knajzlík"), et permettait ainsi à tout ouvrier d'aller prier la bonne sainte patronne encore plus intensément que dans le reste de l'église, par ailleurs entièrement à elle consacrée. Bien que les fresques soient considérées comme de réalisation artistique moyenne, la chapelle est cependant précieuse de par ses représentations des outils miniers de l'époque. Dans la chapelle dite de la monnaie, se trouvent représentées les diverses techniques de la frappe (de la monnaie). Dans la chapelle Ste Catherine... St Blaise... St Basile... St Venceslas... Ste Dorothée et Ste croix... bref, vous imaginez ce qu'il y a. Et il reste la chapelle du fameux et quivoque "Michal Smíšek z Vrchovišť" ("Smíškovská kaple").

Elle est considérée comme la plus remarquable des chapelles dedans l'église, et date d'entre 1485 et 1492. Loin des thématiques locales (mine, monnaie, saints...), elle représente au centre une fresque votive (ben tiens, dans une chapelle), où se trouve fort probablement le Michel en personne, entouré des membres de sa famille, dressant l'autel pour le sacrement de l'eucharistie (genre "passe-moi le tournevis"). Ensuite et sur les flancs sont peintes 4 scènes historicobibliques: la justice de Trajan (une histoire assez confuse de fils, de veuve, dont il existe plusieurs versions [cf. La légende de Trajan]. Cet épisode est aussi appelé le jugement de Trajan, ou la clémence de Trajan). Vous apercevrez encore Auguste et la Sybille de Tibur (thème fréquemment peint au moyen âge, cf. "Haec est ara coeli", genre "Auguste, tu devrais jouer Jésus placé dans la cinquième"). Pis toujours dans les thèmes archi-classiques, la rencontre de la reine de Saba avec le roi de Salomon (lui: "je la voyais plus blonde", elle: "je le voyais moins bête"). Et pour finir, parce que ça ne pouvait manquer, il se trouve dans la chapelle une 4 ème fresque représentant le crucifié ("ce programme vous est offert par Mr Bricolage"). Pis encore tout en haut, mais en petit, se trouvent un Jésus, avec son frère Jacques le mineur (ben tiens, à "Kutná Hora").

Alors ce pauvre frère Jacques, dit le mineur, est souvent confondu avec d'autres Jacques, comme le juste, d'Alphée ou le petit, comme le camembert de Normandie à l'ancienne. En fait les Jacques, c'est un effroyable foin dans la religion catholique, qui pendant longtemps occultait les frangins du Christ. Eh vouis, parce que si Jésus avait des frères (apparemment 4), genre la virginité de Marie... Non parce qu'une fois, bon, ben ça peut arriver, de rester vierge après la couchement (selon les glizes), mais 5 fois... Aussi plutôt que frère, les savants catholiques considéraient Jacques le mineur comme un cousin, une tante, un pote de bistrot, et parmi toutes les susmentionnées dénominations des Jacques, il en est des, que c'est les mêmes. Bref, l'artiste de ces fresques est inconnu (dénommé sous le pseudonyme du "maître de la chapelle Smíškovské"), et de nombreuses controverses existent toujours à son encontre. Cependant outre son indéniable talent, les experts s'accordent à penser qu'il était parfaitement au fait de la peinture italienne de cette époque, ce qui expliquerait sa fort probable provenance hollandaise (ces peintures sont une synthèse d'art flamand à l'italienne selon une sauce de Bohême). Ah oui, et le mécène de cette splendide chapelle funéraire, "Michal z Vrchovišť", y repose depuis son décès, en 1511.


N'oublions pas les fresques sur le mur temporaire qui ferme à l'Ouest le vaisseau extérieur. Elles datent du début du XV ème siècle, d'avant l'ère hussite et représentent 3 scènes de la passion du Christ. Ensuite au dessus, une peinture de 1463 (ah ouais?) représentant la frappe du Gros de Prague (je signale juste pour info que "groš" en Tchèque se prononce "groche", et pas "gros" à la Française).

Pis y a du baroque, en déco du dedans. Signalons la chapelle St François Xavier, avec son tableau du peintre attitré des jésuites "Jan Jiří Heinsch", représentant le saint (François Xavier) évangélisant les Indes comme s'il y en allait de sa vie. Ensuite l'autel St Tignasse de l'aïoli, avec une peinture de 1746 et de "Jan Karel Kovář" (je vous en avais parlé la dernière fois, vous vous souvenez) représentant la conversion de St Tignasse au château de l'aïoli

(cf. l'Abrégé de la vie des saints pour tous les jours de l'année: "[...] mais la passion qu'il avoit pour la gloire, fit qu'il embrassa le parti des armes. II donna de si grandes preuves de valeur, que le Gouverneur de Pampelune lui confia la défense de cette ville qui étoit assiégée par les François. II la défendit avec une intrépidité qui étonna les assiégeans; mais Dieu qui le destinoit à soutenir d'autres combats, permit un évènement qui fut la cause de sa conversion. Ignace ayant eu la jambe cassée d'un coup de canon, fut transporté au Château de Loyola. Au moment où l'on désespéroit de sa vie, il vit en songe St Pierre qui lui touchoit la jambe, et sur le champ il fut parfaitement guéri"). Vous trouverez encore dans la première chapelle du choeur le plus ancien fourbi de l'église: une statuette en bois de la vierge Marie, tenant en ses bras un fromage... un Jésus. Elle date de vers 1380, mais elle fut polychromée (vers 1700), et restaurée au goût du moment, c'est à dire baroque (avant, elle était muette et en noir et blanc, la vierge). Et toujours dans les baroquisations d'anciennes fichtreries, la chaire renaissance en pierre, oeuvre de maître Léopold (1560), qui (la chaire) reçut une garniture et une toiture en bois en 1665 afin de tenir le locuteur au chaud. Pis y a encore le confessionnal.

Pareil, il est baroque, de 1679, mais le confesseur dedans est plus récent.

Ensuite il y a l'une des statues les plus symboliques de l'église, le fameux mineur. Selon mes sources, il date de vers 1700, mais selon moi, il est nettement plus récent, d'une bonne fin du XVII ème siècle (attention, je ne suis pas un expert, juste un amateur). Il est habillé en tenue de mineur (ah ouais?), avec le tablier en cuir qui lui servait à la fois de protection lors du havage, mais également de luge pour glisser sur les fesses dans les artères de la mine (et il faisait comment pour en sortir?). Dans la main gauche, il tient un brûleur (alors chais pas si on dit comme ça, mais c'est une lampe pour voir dedans la mine où qu'il fait tout noir), et dans la main droite une rivelaine. Alors pareil, chuis pas du métier, mais selon Zola (les milles Zola, cf. Germinal), ça sert à creuser la roche, une rivelaine. Parenthèse. La ville de "Kutná Hora" est truffée de galeries minières moyenâgeuses, et ça se visite (en saison), c'est d'ailleurs à 100 m seulement de notre église Ste Barbara.

C'est hyper impressionnant de voir dans quelles conditions, ces furieux gagnaient leur croûte, plusieurs centaines de mètres sous terre, 14h par jour, 6 jours par semaine (et sans retraite à 62 ans). Mais attention, je déconseille vivement aux sensibles, aux cardiaques, aux zobèses du surpoidpondéral, aux claustrophobes (même légers), aux asthmatiques ainsi qu'à tous ceux qui ne sont jamais allés sous terre... je déconseille donc vivement à tous ceux-là de visiter cette mine. C'est top étroit, c'est assez long 250 m (soit 30 minutes de visite), et la crise-panique vous gagne plutôt vite si vous n'êtes pas habitués (mon fils en sait quelque chose).

Maintenant levez les yeux vers les 4 coins hauts de l'église supérieure (niveau triforium), vous y verrez 4 allégories de la vertu chrétienne (je me marre, sans dec, mort de rire, vertu chrétienne...): équité, clémence, prudence, et bravoure (no comment). Elles sont en bois, elles datent de la première moitié du XVII ème siècle, elles sont hautes de 3,5 m et leur auteur est inconnu. Levez les yeux encore plus haut, mais vous aurez quand même du mal à voir ça sans jumelle ou sans zoom sur votre appareil photo. Sur les piliers, au dessus du triforium, se trouvent de fabuleuses sculptures: chimères, harpies, diablotins, chauves-souris, grenouilles... et... un singe en train de bâfrer une orange.

Il s'agit (selon mes sources) de la plus ancienne représentation d'une orange en Europe centrale (et de Tatav aussi). Ceci-dit, on ignore la date exacte de la sculpture (début du XVI ème siècle?), et pour être franc, une orange, une pomme, une balle de base-ball, ça pourrait être n'importe quoi. Sinon il s'agirait de l'allégorie de la civilisation, qui mange le fruit de la vie. Les boules moi j'dis. Un autre truc qu'on voit difficilement, mais qui s'y trouve cependant: les coquillages. En regardant de près les pierres en grès utilisées pour la construction de l'église, vous pourrez y voir des coquillages. Eh oui, parce qu'entre 550 et 250 millions d'années avant Jean-Claude (au paléozoïque), la plaine de Bohême était entièrement recouverte de mer, dans laquelle nageaient des poissons, des coquillages, et d'autres mammifères batraciens de la même race. Plus tard, afin que les Tchèques puissent vivre sur place, la mer disparut, et le sable se cimenta avec tout le fourbi qui se trouvait au fond (de la mer) pour donner le grès qui fut ensuite utilisé pour construire notre église. D'où les coquillages incrustés.

Alors pour conclure, je voudrais encore rajouter que l'église Ste Barbara est un fabuleux exemple de pure laïcité, de splendeur divine non pas consacrée à dieu, mais à l'homme, par l'homme. Cet édifice n'a jamais été conçu ni pour une institution religieuse, ni pour une paroisse ou un diocèse.

Il s'agit d'une construction initiée par le patriciat local (la bourgeoisie si vous voulez), afin de montrer au monde (et surtout à la noblesse et à la soutane), que pour construire de la majesté, de la splendeur et du fabuleusement beau, point n'est besoin de noblesse ou de foi, mais de pognon. Et paf! Canoniquement parlant, notre édifice avait le statut d'une chapelle de campagne. Architecturalement, il pouvait aisément concurrencer les plus fabuleuses constructions de l'époque, comme notre cathédrale tri-saintale. Elle est la dernière mise en chantier des 4 églises de type "à la française" en notre République, après donc la cathédrale St Guy de Prague, Ste Marie de l'assomption de "Sedlec" et St Bartholomé de "Kolín", mais malgré sa courte longueur, elle est pour moi un des plus beaux édifices que l'on ait en notre République. Ste Barbara se trouve là: 49°56'41.52"N, 15°15'48.36"E.