La jeunesse tunisienne refuse d’être considérée comme du bétail! Ce n’est pas un simple soulèvement contre le chômage.

Publié le 15 janvier 2011 par Plusnet

Le président-dictateur de la Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali, est en fuite en Arabie saoudite. Il devient ainsi le premier dirigeant d'un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue. Dès le début de la crise, les blogueurs tunisiens ont étés les premiers à être arrêtés pour avoir répandu certaines informations que le régime ne voulait pas rendre publique. Les blogs des citoyens tunisiens ont effectivement joué un rôle prédominant dans l'échange d'informations et la mobilisation de la jeunesse tunisienne. Alors que le gouvernement et les médias nationaux de la Tunisie insistaient sur les casseurs qui détruisaient tout lors des manifestations des dernières semaines, "nous avons montré les images des policiers au comportement sauvage qui détruisent des vitrines», nous informait Malek Khadhraoui, détenteur d'un blog sur la politique tunisienne. La police tunisienne a ainsi quelque chose de commun avec les policiers canadiens! Rappelez-vous en 2007, lors du sommet de Montébello, lorsque des policiers, déguisés en activistes et armés de pierres, incitaient les manifestants à la violence pour discréditer le mouvement. Suite au grabuge généralisé, le gouvernement de la Tunisie a décrété l'état d'urgence dans l'ensemble du pays, avec un couvre-feu de 20h à 5H30, l'interdiction des rassemblements et l'autorisation pour l'armée et la police d’arrêter et même de tirer sur tout «suspect» refusant d'obéir aux ordres. Coudons! on se croirait au G20 de Toronto! Mais quels sont les enjeux qui poussent la jeunesse tunisienne à se mobiliser et se révolter ainsi?
La contestation a d'abord débuté par un geste d'éclat, perpétré par un seul individu. "À 26 ans, [Mohamed Bouaziz], fils diplômé d'une famille surendettée vient de se faire confisquer ses fruits et ses légumes qu'il vendait à la sauvette pour survivre." Pour protester, il décide alors de s'immoler dans un quartier chic et meurt de ses blessures 19 jours plus tard. Nos médias nous répètent que le noeud du problème est là : la Tunisie possède le taux de diplômes universitaires le plus élevé de toute la région du Magreb. Pourtant, la Tunisie déclarait un taux de chômage de moins de 12% en 2009, contrairement à 15.4% en 2003, et un taux de diplômés-chômeurs de 42,5%, comparativement à 37,8% pour l'Algérie, 43,6% pour la Jordanie et même 80% pour l'Egypte. Le problème serait donc autre que le chômage en tant que soit. L'économie tunisienne reste dominée par des activités à faible valeur ajoutée, nécessitant un niveau de qualification peu élevé et offrant des salaires relativement bas. Le problème n'est donc pas le nombre d'emplois, mais la qualité des emplois. Si on fait un parallèle avec la situation au Québec, on constate que cette tendance est généralisée, qu'il y a de moins en moins d'emplois gratifiants et épanouissants. C’est un constat mondial, le constat d'une économie mondiale glissant de plus en plus vers des emplois à temps partiels et au salaire minimum. C’est bien beau le nombre d'emplois, mais cela ne représente qu'un pourcentage, un chiffre. Dans la réalité, l'emploi, c'est la réalité des individus, leur quotidien. L'individu moderne ne veut plus être considéré comme une marchandise échangeable, il ne veut plus se contenter d’un emploi répétitif et réducteur. S'il est pour travailler toute sa vie, il veut pouvoir s'épanouir dans son travail!
Selon cette conclusion, il est évident que "la promesse du président de créer 300.000 emplois entre 2011 et 2012" n'améliorera pas plus la situation des jeunes tunisiens. C'est bien beau créer des emplois, mais si c'est pour faire griller des boulettes au Mc Donalds, non merci! Le président promet également de ne pas se représenter aux prochaines élections et promet des élections avec un véritable pluralisme politique. Sa stratégie est évidemment de décourager les couches moins déterminées de la révolte tunisienne. Remplacez ce tyran par n'importe quel politicien (nommé ou élu), vous ne renverserez pas la marche effrénée de l'économie mondiale qui fait chaque jours plus de victimes économiques partout dans le monde. La réalité c'est qu’en se développant, le capitalisme détruit sans cesse plus d’emplois qu’il n’en génère. Nous avions souligné cette tendance et ses explications dans notre article “Pourquoi combattre le capitalisme : Ce que les libertariens et la droite refusent d'admettre”. Le constat est clair : on ne veut pas nécessairement que les gens soit instruits, on veut seulement qu'ils aient assez de connaissance pour répéter machinalement leurs tâches quotidiennes. On veut des machines à travailler, on s'en fout des diplômes et des connaissances générales, si c’est pour que les travailleurs réclament des salaires plus élevés, autant mieux ne pas avoir de diplômés! Le parallèle avec la situation québécoise est facile à faire. À quand un premier dirigeant d'un pays occidental à quitter le pouvoir sous la pression de la rue? À quand un soulèvement massif de la population mondiale en faveur d’une réforme majeure de l’économie capitaliste?
Sources des données économiques des pays du Magreb : Banque Mondiale 4 février 2008 - http://www.worldbank.org/mna

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