Carnet littéraire - coups de coeur

Publié le 15 janvier 2011 par Alex75

« Historiquement correct », Jean Sévillia, Perrin   

Historiquement correct, pour en finir avec le passé unique ; après Le terrorisme intellectuel, de 1945 à nos jours, c’est le titre du dernier ouvrage de Jean Sévillia. L’auteur qui ne cache pas son aversion pour la bien - pensance, plus en journaliste qu’en historien, démontre sur un ton assez vif, comment on déforme parfois l’Histoire, pour la mettre à son service ou cacher des vérités troublantes. De la féodalité à la guerre d’Algérie, en passant les Croisades, l’Inquisition espagnole, la Terreur, la Commune, la Résistance et la Collaboration, Jean Sévillia aborde autant de sujets polémiques « sur lesquels se déchirent les néophytes et les idéologues ».

Les croisades furent avant tout une manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens dans une période critique et spécifique de leur Histoire. Quand à leurs excès, ils ne sortent guère, hélas, de l’ordinaire de l’époque. L’Inquisition espagnole fut bel et bien l’horreur absolue, dont les victimes se comptent au nombre de quelques milliers en l’espace de trois siècles. Plus près de nous, cet ouvrage traite sinon de la grande confusion idéologique régnant au sein de la gauche au XIXe siècle, notamment à propos de la colonisation au Tonkin.

Au XXe siècle, dans une période trouble de notre Histoire, il insiste sur la contribution de certains dirigeants socialistes ou communistes au gouvernement du maréchal Pétain (Doriot, Déat, Laval, Belin…), rappelant que de Gaulle comptait aussi dans son entourage à Londres, nombre d’anciens cagoulards, aux côtés de Jean Moulin ou Pierre Brossolette. Un essai intéressant, instructif, reprenant certes des points de conflits partiellement débattus, et sur lesquels un coin du voile a déjà été levé, mais restant cependant à découvrir, servi par la plume talentueuse de Jean Sévillia.

« Impostures politiques », Marie-France Garaud, Plon 

L’ancienne conseillère de Georges Pompidou, et de Jacques Chirac, présenté comme « la femme la plus influente de France », par le magazine Newsweek en 1972, a signé récemment son dernier ouvrage, « Impostures politiques », chez Plon. Pourquoi l’Allemagne s’affirme-t-elle de plus en plus diplomatiquement, et la Chine s’impose-t-elle progressivement ? Aux côtés d’une Russie qui tente d’émerger, et des Etats-Unis, qui trouvent encore la force de résister pour l’instant, en dépit d’une crise financière digne de 1929.

Toute une série de questions, estime-t-elle, qui devrait tarauder les « princes qui nous gouvernent ». Et auxquelles la présidente de l’Institut international de géopolitique, répond avec son expérience d’un demi-siècle de combats politiques, avec un regard objectif et critique. Un réquisitoire sur la classe politique française pour cette femme assimilée souvent, dans notre imaginaire collectif, à une éminence grise. Mais qui reconnaît aussi s’être souvent trompée. Au travers de cet ouvrage, elle nous livre, en tout cas, un constat intéressant, avec en toile de fonds, une certaine vision de la France, teintée de regrets…

« De Gaulle - Pétain », Frédéric Salat-Baroux,  Robert Laffont

En 1952, lors d’une de ses grandes conférences de presse, le général de Gaulle s’exclame : « Chaque Français fut, est ou sera gaulliste. Je ne jurerais pas qu’à quelque moment, malheureusement trop tard ! le maréchal Pétain lui-même ne l’ait pas été quelques peu. » Pourquoi la première phrase est-elle restée dans toutes les mémoires et la seconde a-t-elle été occultée ? Frédéric Salat-Baroux, avocat, et ancien secrétaire général de la présidence de la République, est l’auteur de cet ouvrage, à la fois récit historique et réflexion politique.

Il nous plonge ainsi au cœur de l’affrontement sans merci, qui opposa le chef de la France Libre à celui du régime de Vichy. De Gaulle et Pétain se sont rencontrés dès 1912. Ils ont d’abord été unis par une complicité et une admiration réciproque sans pareil, comme on l’oublie souvent, avant de s’éloigner petit à petit, durant l’entre-deux-guerres. Jusqu’à devenir, par les méandres de l’Histoire, les porte-drapeaux de ces deux France qui n’ont cessé de s’opposer depuis la Révolution. Ce livre nous fait revivre ainsi une des périodes les plus sombres de notre histoire contemporaine, marquée par l’armistice, la collaboration, le si long soutien d’une majorité de Français au Maréchal, et de l’autre par l’épopée solitaire de l’homme du 18 juin et l’engagement des résistants. Pourquoi, en juin 1940, quand l’un acceptera la capitulation et l’armistice, l’autre optera-t-il pour la poursuite des combats ? En quoi Pétain a-t-il tenté de construire, sur les ruines de la défaite, un régime contre-révolutionnaire ? Qu’est-ce qui a conduit de Gaulle, enfin, à faire le choix de la continuité républicaine et de la défense du modèle français - nous donnant ainsi une magnifique et si actuelle leçon de vie et de France ?

Au travers de cet ouvrage au style accrocheur, et bien documenté, l’auteur s’efforce de dénouer les fils de l’imbroglio relationnel entre ces deux hommes, portés au pinacle par les évènements. Car c’est bien de la France et de son identité, que nous parlent ces deux imposantes figures.

« Portraits crachés », Denis Jeambar,  Flammarion  

Journaliste et écrivain, Denis Jeambar a été notamment directeur de la rédaction du Point, président d’Europe 1, président et directeur de la rédaction de L’Express. Il est l’auteur d’une vingtaine d’essais et romans, dont Le Défi du monde (Avec Claude Allègre, Fayard, 2006), Nos enfants nous haïront (Avec Jacqueline Rémy, Seuil, 2006), Accusé Chirac, levez-vous ! (Seuil, 2005), Les Dictateurs à penser (Seuil, 2004). 

De Mitterrand et Sarkozy, en passant par Ségolène Royal, Jacques Chirac, Lionel Jospin, Jean-Luc Lagardère, Charles Pasqua, Serge Dassault, mais aussi Jeysse Norman, Louis Chedid, Michel Petrucciani, et bien d’autres monstres sacrés ou monstres politiques du dernier siècle, Denis Jeambar nous promène dans ses souvenirs et brosse une galerie de portraits. Il nous fait ainsi partager des moments, des scènes tendres ou cruelles, avec son sens aigu du portrait, son style, et sa sincérité de ton.