Asterios Polyp - David Mazzucchelli

Publié le 19 janvier 2011 par Malaurie @jfbib

 

Chef d’œuvre !

Une des BD les plus fabuleuses de l’année, avec celle de Joe Sacco : Gaza 1956, ou plutôt un roman graphique selon l’expression consacrée (un peu énervant, cette manie, dès qu’il s’agit d’un succès ou d’un chef d’œuvre, de vouloir accoler cette étiquette de roman graphique comme une marque de sérieux ou de noblesse !!!).

Voici l’histoire d’Asterios Polyp, architecte (« paper architecte » car aucune de ses études n’a jamais été construite !), imbu de sa personne, à un moment capital de sa vie. Son appartement vient de partir en fumée sous ses yeux dans l’incendie d’un immeuble. Astérios profite de cet évènement pour disparaître de la circulation et faire le point sur sa vie. Le voilà, errant en ville, puis prenant le train pour une destination inconnu. Arrivé dans une petite bourgade de l’Amérique profonde, il aborde un garagiste, Stiff Major, pour lui demander une chambre et un boulot. Hébergé chez ce garagiste au grand cœur, Astérios découvre sa femme et son fils : deux personnages étranges et attachants auprès desquels il va vivre des moments heureux et tenter de se reconstruire. Ayant retrouvé un peu de sérénité, Astérios fait le point sur sa vie. Nous découvrons alors par un habile assemblage de flash-back la vie d’Astérios et notamment sa rencontre avec Hana (« prénom japonais qui signifie Fleur »). Hana est sculpteure et enseigne, comme Astérios, à l’université. Leur vision du monde est largement influencée par leur travail et vision d’artiste. L’analyse de leur relation et de son échec permettent à Astérios de faire le point sur sa propre personnalité et offre une belle allégorie de la vie.

David Mazzucchellidessine avec un immense talent la rencontre de ses deux personnages principaux. Astérios est tout en volume bleu, vu en perspective, au trait schématique, Hana est crayonné au stylo rouge toute en ombre et lumière, puis petit à petit les dessins s’assemblent et s’accordent au même rythme que les personnages. Le dessin évoluera ensuite au gré des humeurs, chaque dispute les dissociant avant que chaque réconciliation les assemble à nouveau.

Le travail sur la couleur est aussi excellent. Si les Astérios est plutôt bleu et Hana rouge, lorsque Astérios est chez Stiff, ce sont les jaune et mauves qui dominent nous permettant ainsi de nous y retrouver plus facilement dans les flash-back et les autres scènes. Autre astuce narrative, c’est le jumeau mort-né d’Astérios qui raconte l’histoire de son frère, provocant un trouble dont Asterios lui-même a du mal parfois à s’extirper.

David Mazzucchelli, cerise sur le gâteau, dessine toute une séquence de plusieurs pages, pour signifier la fin de la relation entre Asterios et Hana comme une métaphore du mythe d’Orphée et Eurydice, sans parole, avec descente aux enfers et perte irréversible.

Déjà plusieurs fois primé : Los Angeles Times Book Prize, catégorie roman graphique ; Grand Prix de la Critique 2011 décerné par l’ACBD ; et peut-être bientôt à Angoulême (voir la sélection officielle du festival d'Angoulême) ?

Le site de l'éditeur Casterman.

Des billets sur le blog du Figaro (excellent), sur le site du Figaro (décidément, je ne lis jamais ce journal... mais les articles sur Asterios sont très bien), Wildcard sur Buzzcomics, de Stéphane Beaujean sur Du9, un autre de Valérie Manteau paru dans Charlie Hebdo (là, je retrouve certaine de mes lectures...), enfin, Asterios Décalée par Julie.

Retrouvez David Mazzucchelli dans un ouvrage collectif : Little lit, dirigé par Art Spiegelman.


Asterios Polyp

David Mazzucchelli, Casterman, 2010 - 29,95 € .