Anatomie du Western

Par Actarus682

Adoré par les uns (dont l'auteur de ces lignes), abhorré par les autres, le western constitue vraisemblablement le genre cinématographique par excellence.

Codifié jusqu'à la moelle (chevaux, shérifs, Indiens, saloons, canyon, et j'en passe), genre à l'intérieur duquel peuvent se greffer tous les autres (pour ne citer qu'un exemple, la série Les mystères de l'Ouest et son approche tendant à combiner western et fantastique (ou même science-fiction), le western résonne à la fois comme genre séminal (Le vol du grand rapide date de 1903) et terminal du cinéma, en même temps qu'il constitue une abstraction formelle permettant de développer à l'envi des thèmes universels et intemporels touchant à la condition humaine. En somme, un cadre formel en-dehors de toute familiarité à l'intérieur duquel l'on se retrouve toujours.


Nombre de grands cinéastes se sont frottés occasionnellement au western (Fritz Lang, John Huston, Arthur Penn, notamment) alors qu'ils n'oeuvraient pas particulièrement à l'intérieur de ce genre, tandis que certains  autres réalisent des oeuvres constituant des westerns cachés: ainsi, John Carpenter voue un véritable culte au western, et en offre régulièrement des avatars (Assaut, Vampires, New-York 1997). Le héros chez Carpenter est d'ailleurs toujours hérité du dur à cuire de l'Ouest. Citons également Christophe Gans pour qui le western est le genre cinémagraphique par excellence, et auquel il payat son tribut dans certaines séquences du Pacte des loups

Pur produit de l'industrie hollywoodienne, le western acquit au fil du temps un statut dépassant son cadre initial de pur divertissement, pour défricher et explorer des terrains faisant tendre le genre vers d'autres propositions de cinéma. Citons en vrac la passion amoureuse destructrice (le chef d'oeuvre absolu Duel au soleil), la relativité du bien et du mal (Le bon, la brute et le truand), l'obsession vengeresse (La prisonnière du désert), la fausse légende (L'homme qui tua Liberty Valance) ou l'incapacité à fuir sa vraie nature (Impitoyable). De série B, le western s'imposa rapidement comme un substrat à partir duquel les cinéastes purent y développer leurs obsessions et leurs visions de l'humanité.

Par ailleurs, l'un des plus grand attraits du western réside dans le caractère palpable et immédiatement évocateur de ses éléments constitutifs. Ainsi, la poussière, la fumée des saloons, les colts, les rues désertes, l'immensité des paysages, concourent à projeter le spectateur dans un univers de pur cinéma, procédant d'une immersion peu commune pour qui saura se laisser happer par cet univers ultra-référentiel. Les chevauchées fantastiques, les charges héroïques, les hommes sans nom et les duels au soleil consituent ainsi de véritables vortex avalant le spectateur pour le plonger dans un univers purement cinématographique tout en lui tendant un miroir sur sa propre condition.

Vouant un amour immodéré au western, je considère Le bon, la brute et le truand comme la quintessence d'un genre purement américain que Sergio Leone magnifia en en bousculant les codes et les figures imposées, et en y insufflant sa propre sensibilité. Se rapprochant davantage de la complexité du comportement humain que ne le firent ses comparses américains, proposant des duels à 3, usant d'extrêmes gros plans et pratiquant la dilatation du temps dans des séquences fascinantes, le metteur en scène italien sut porter le genre vers un niveau jamais atteint, en proposant des westerns à la fois amples, profonds, émouvants et à la plastique novatrice. Le bon, la brute et le truand constitue à ce titre le point d'orgue du western leonien.

Impossible également de ne pas citer John Ford, autre maître du western, dont les films constituent des oeuvres fascinantes à plus d'un titre. Formellement, la mise en scène de Ford, faussement simple, s'attachait au contraire à faire vivre ses personnages à l'intérieur du cadre, sans user de gros effets. L'homme était ainsi au centre des préoccupations de Ford, et son attachement à la notion de communauté comme principe supérieur à toute autre forme de considération (les individualistes sont systématiquement les grands perdants des oeuvres fordiennes) imprègne la quasi-totalité de ses longs-métrages. Par ailleurs, Ford sut mieux que quiconques filmer les paysages grandioses de Monument Valley, les images du site dans l'inconscient collectif lui devant énormément. La prisonnière du désert, Le massacre de Fort Apache, L'homme qui tua Liberty Valance, La poursuite infernale, autant de chefs d'oeuvres qui mérite des visionnages à répétition...

Les détracteurs du western en dénoncent souvent le caractère machiste. La femme est au contraire souvent présente dans la tradition du western, et parfois même indispensable au déroulement de l'histoire. Il suffit de citer les noms de Marlene Dietrich, Claudia Cardinale, Maureen O'hara ou encore Natalie Wood pour se rendre compte que les femmes, loin d'être absentes ou de servir de faire valoir, constituent au contraire des éléments extrêmement importants du genre. 

A travers des centaines de films et des oeuvres toutes plus inoubliables les unes que les autres, l'on peut affirmer sans crainte que le western s'inscrit finalement comme la plus belle définition du cinéma: une évasion à l'intérieur de soi.