Corrigé Bac Blanc TS, L & ES : La Méditerranée, Une interface Nord-Sud

Par Misterr


L’espace méditerranéen,

Une interface Nord-Sud.

« Ma Méditerranée n'est belle que parce qu'elle est multiple » écrit Emma Belhaj Yahia, dans La Méditerranée tunisienne. La mer Méditerranée est une mer intercontinentale unique, presque entièrement fermée, à la croisée de l’Europe, l’Afrique et l’Asie s’étendant sur 2.5 millions de km². Ainsi l’espace méditerranéen présente trois rives, une au Nord, une au Sud et une orientale, très contrastées à tous les égards que se soit sur le plan démographique, économique ou du développement des populations. Cet espace présente toute l’ambivalence de la notion d’interface c'est-à-dire une discontinuité spatiale qui met en relation des ensembles géographiques distincts où s’observent des phénomènes originaux relevant à la fois du clivage et de l’interpénétration. La Méditerranée est une interface majeure dans l’espace mondial mettant face à face la terre et la mer,  le Nord et le Sud. Il importe de se demander en quoi la Méditerranée est une interface, manifestant des fractures mais également des contacts parfois anciens. Peut-elle être plus ? Peut-elle être ce trait d’union associant L’Europe et L’Afrique offrant toute sa densité au projet d’Union Pour la Méditerranée fondée en 2008 à l’initiative du Président Sarkozy ?  En premier lieu, nous montrerons qu’il existe une identité commune à cette aire géohistorique marquée par de nombreux échanges parfois déséquilibrés. Puis, nous aborderons les inégalités qui le touchent et en font une zone de fractures entre le Nord et le Sud. Enfin, nous envisagerons si cet espace peut être un atout pour le développement du Sud et une chance pour le Nord et faire un pont de ce trait d’union comme celui imaginé par Pagnol dans Marius : «  lorsque je vais sur la jetée et que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l’autre côté ».

Première partie : l’espace méditerranéen : une aire géohistorique originale marquée par de nombreux échanges déséquilibrés.

  1. A.   Un milieu naturel commun mais un espace physique cloisonné.

1. Un espace cloisonné dont l’unité est produite par la mer

« La matrice grecque n’est pas la pointe des Balkans que nous nommons aujourd’hui Grèce mais la Mer Egée... » (Christian Grataloup, L’invention des continents)

  • ·   Côtes rocheuses, cordon dunaire, lagune (Languedoc, Vénétie), plaines littorales étroites et fragmentées ; chapelets d’îles
  • ·   Les montagnes ferment l’arrière pays et font se retourner les hommes vers la mer (Grecs) augmentant en parallèle la fragmentation de l’espace et des communautés.

2. Une zone bioclimatique intermédiaire

  • ·   Transition entre les climats de la zone tempérée et de la zone intertropicale (la véritable coupure est le Sahara)
  • ·   Le climat méditerranéen possède une identité toute particulière.
  • ·   Une même famille de paysages et de végétaux : un patrimoine écologique fragile
  1. B.   La mangrove méditerranéenne : des aires culturelles qui prennent racines dans une mer troublée.

« C’est l’homme et l’histoire qui donnent sens à la Méditerranée » Dominique Borne.

1.  Une identité commune : des Empires, civilisations et religions qui naissent, s’affrontent et se juxtaposent.

  • ·   Grecs (Platon: « les Grecs sont comme des Grenouilles autour d’une mare »)
  • ·   Romains (Mare Nostrum, Pax romana)
  • ·   Moyen-âge : conquêtes de l’islam et affrontements avec les Chrétiens (Croisades)
  • ·   Empire turc ottoman >>> Europe balkanique
  • ·   Colonisation européenne au XIX° s

2.  … et par des enrichissements culturels mutuels.

  • ·   Au MA : Arabes et Islam transmettent des savoirs
  • ·   Syncrétisme sicilien.
  • ·   Le fil tenu d’une langue héritée sous le joug de la colonisation : la France et le Maghreb, l’Italie et la Libye ; la France et Liban, Le RU et l’Egypte.
  1. C.   Une interface active mais aux échanges dissymétriques

1.  Flux migratoires majeurs et marqueurs du développement

  • ·   Historique et orientation des flux migratoires qui mettent l’accent sur le trait d’union. Un axe sud/nord et un axe sud-est/nord-ouest.
  • ·   Pays émetteurs dépassés par leur croissance éco : Turquie, Egypte, Maroc, Algérie, Jordanie, Tunisie.
  • ·   Tous les flux ne sont pas maghrébins d’autant que le Maghreb devient également un espace de transit.
  • ·   Des raisons essentiellement économiques   (Motivation au départ = différentiel de richesse (PIB moy. /hab. au N sup. à 12000 $ au N et compris entre 2000 et 5000 $ au S) montre le contraste de développement entre les deux rives.

Hommes jeunes et peu qualifiés

  • ·   Explosion des flux clandestins depuis les années 1990 qui traversent les 3 détroits.

2. Flux touristiques Nord Sud qui favorisent le Nord

  • ·   La Méditerranée est la première destination touristique mondiale mais tous les touristes ne la traversent pas : 75% proviennent de l’UE et s’arrêtent sur la rive N ;
  • ·   L’attrait du sud : la règle des 3 S : Sea, sun and Sand ;
  • ·   Les principaux pays du Sud : Maroc, Tunisie, Turquie et certaines côtes israéliennes.
  • ·   Certains pays se sont peu ouverts au tourisme : Algérie (« ne pas  prostituer notre soleil »), Libye, Syrie ;
  • ·   Au sud, les revenus du tourisme sont aléatoires : liés aux risques d’attentats (Egypte à Alexandrie  le 01 01 2011 : attentat dans une église faisant 21 morts et 79 blessés)

3. Des flux commerciaux et financiers liés mais polarisés par le Nord

  • ·   Les flux de marchandises rapportent au nord :

ü  du sud vers le nord : produits non ou peu transformés (hydrocarbures) Algérie 3° prod de gaz naturel

ü  du nord vers le sud : produits alimentaires indisp, produits manufacturés à forte VA (dont armement car les PSEM sont les premiers importateurs d’armes au monde).

  • ·   L’UE polarise le commerce extérieur de tout l’espace méditerranéen (la balance comm des PSEM est déficitaire) ;
  • ·   Des échanges maritimes dont les quatre secteurs portuaires sont situés au nord ;
  • ·   Des IDE limités et sélectifs : les destinataires : la Turquie, l’Egypte, Maroc, Tunisie.

La théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington, qui tend à opposer l'Islam et l'Occident, fait l'impasse sur la Méditerranée comme monde intermédiaire mais il est vrai que cet espace n’est pas homogène et que les différentes civilisations ont plutôt divisé la Méditerranée en un espace fragmenté et fracturé. On ne parle pas tout à fait de la même Méditerranée selon qu'on est à Alger, Alexandrie, Paris, Athènes ou Rome.

 Deuxième partie : une zone de fractures entre le Nord et le Sud.

  1. A.   De grandes inégalités de développement

1. De forts contrastes démographiques et urbains

  • ·   Des dynamiques démographiques radicalement différentes : rive sud (jeune, féconde), rive nord (pop vieillissante et effondrement de la natalité)
  • ·   Si les deux rives sont densément peuplées (malgré quelques discontinuités) il existe une forte pression démogr notamment dans les villes de la rive sud et orientale (Istanbul, Le Caire) par opposition aux villes du nord.

2. Le fossé du développement et de la richesse

  • ·   Les contrastes importants entre la rive N & S (45% de la pop est au nord mais elle détient 86% de la richesse)
  • ·   Une typologie possible de l’IDH: UE, Les pays UE de rang subalterne, Pays du Sud avec des voies de dével différ (Libye= pétrole ; Turquie = industrialisation) et Pays du Maghreb et Egypte.
  1. B.   Premier espace mondial de tensions géopolitiques

1.  La question de l’eau (Golan, Plateau anatolien, Espagne)

2. Les aspirations nationalistes ou religieuses (Corse, Basques)

3. Les litiges territoriaux (Chypre, Sahara occid, Balkans)

  1. C.   La forteresse Europe face à l’immigration : les zones de contact migratoires sont des zones de tensions…

 Troisième partie : Un espace profitable à toutes les rives méditerranéennes ?

  1. A.   L’Europe méditerranéenne est un Eldorado pour les PSEM et une opportunité pour l’UE

1. Un eldorado pour les PSEM

  • ·    Mise en valeur des activités agricoles et industrielles

Processus d’industrialisation de la Turquie ou de la Tunisie qui est lié à la délocalisation des ateliers de la rive N > source de croissance mais aussi de dépendc car lié aux invest de la rive N ; par ailleurs, la rive N victime de la concurrence de la rive S en terme de coûts salariaux > pb sociaux liés aux licenciements par exemple.

La concurrence sur les cultures méditerranéennes (maraîchères, céréales ou coton)

  • ·   Des services et du tourisme

2. Une opportunité pour les Etats de l’UE

  • ·   Immigration pour lutter contre le déficit naturel
  • ·   sous-traitance évitant la dépendance vis-à-vis de la Chine
  • ·   source d’approvisionnement de matières premières
  • ·   Un glacis géostratégique et un espace central d’une politique diplomatique de première importance avec les Etats musulmans et du Sud.
  1. B.   Des effets pervers et non désirés des contacts et échanges

1. Des périphéries frappées par la marginalisation : au Sud les arrière pays semblent quelque peu délaissés du fait de la littoralisation affectant ces territoires

2. L’urbanisation littorale parait peu contrôlable et entraine de nombreux effets pervers : développement d’habitations peu salubres, insuffisance de tous les  réseaux

3. L’opportunisme dérangeant des Etats démocratiques avec des régimes « discutables » de la rive sud.

  • ·   L’exemple de la Tunisie : « c'est à l'ombre de l'Europe que l'autoritarisme a perduré en Tunisie ». Michel Camau (Professeur émérite des universités auteur de Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali), Le Monde 19 janvier 2011.
  1. C.   Les tentatives de rapprochement initiées par l’Union européenne

1.  Conférence de Barcelone (1995) et le programme MEDA

  • ·   qui inaugure une politique de partenariat entre l’UE et 12 Etats de la rive sud de la Méditerranée : renforcement de la coopération, accords économiques bilatéraux et multilatéraux privilégiant le maintien de la paix, la construction d’une zone de prospérité et une coopération sociale et culturelle.
  • ·   Le programme MEDA : objectif de mettre à niveau les appareils productifs de la rive S pour pouvoir envisager la création d’une zone de libre échange entre les 2 rives.

 Ces deux programmes connaissent une mise en œuvre très lente (en retard sur le programme qui devait s’achever en 2010…)

2.  La PEV (Politique  Européenne de Voisinage)

3. Le récent projet d’UPM (13 juillet 2008 – 43 pays membres) : une politique plus régionale qui met l’accent sur des projets susceptibles de toucher davantage les citoyens.

Conclusion :

L’espace méditerranéen est une zone d’échanges intenses et parfois dissymétriques qui sont le reflet des fractures de développement car la Méditerranée offre à son échelle l’image actuelle des clivages et des disparités que l’on peut reconnaître à l’échelle mondiale et qui s’accroissent dans certains cas sous le coup du processus de mondialisation.  Aujourd’hui, c’est sans doute au pluriel qu’il faut traiter de la Méditerranée car une grande diversité caractérise cette région dont les rives mêmes entre elles sont loin d’être uniformes. Malgré les politiques de coopération et de partenariat mises en place, on remarque qu’il est difficile de parvenir à un équilibre, les intérêts de part et d’autre des deux rives étant trop éloignés. Si les relations avec le Nord sont synonymes de développement pour le sud, l’eldorado est-il pour tous ou pour quelques PSEM élus ?