Into the wild

Par Borokoff

A propos de Les chemins de la liberté de Peter Weir 2 out of 5 stars

En 1940, une petite troupe d’hommes prisonniers d’un goulag en Sibérie, décide de s’échapper une nuit à la faveur d’une tempête de neige. Ils sont une poignée d’hommes, soldats ou civils américain, letton, yougoslave, polonais, russe. Ils vont traverser à pied 6 500 km, du Nord au Sud, du cercle polaire à l’Inde en passant par la Mongolie et la Chine. Mais tous ne survivront pas…

Inspiré du best seller A marche forcée (1956), récit autobiographique pour le moins controversé de Slavomir Rawicz, Les chemins de la liberté (en anglais The way back) ne cite pas pour autant explicitement l’œuvre unique de Rawicz dans son générique. Il dit seulement « d’après une histoire vraie ».

Les chemins de la liberté est le type même de film qui offre des sentiments contradictoires, entre admiration et déception. La splendeur incontestable des paysages traversés par les protagonistes, du désert de Gobi à la muraille de Chine en passant par les montagnes de l’Himalaya va de pair avec l’admiration suscitée par ce que ces hommes ont accompli avec des rations d’eau et de nourriture désastreuses et dans des conditions météorologiques extrêmes (entre – 50 degrés en Sibérie et + 60 dans le désert de Gobi.) La déception vient de la narration du récit lui-même, un peu linéaire ou que l’on anticipe la plupart du temps, même quand un membre de l’équipée sauvage va mourir.

Pourtant, Peter Weir est un « spécialiste » des récits épiques et depuis Master and Commander, n’a plus rien à prouver en termes de maîtrise du film « catastrophe » et d’aventure dans une nature hostile et déchainée. Mais Les chemins de la liberté, dont on retient encore une fois la beauté des paysages (autour du Lac Baïkal notamment) est peut-être trop descriptif et ne parvient pas à décoller.

Une des meilleures parties du film est la reconstitution très rigoureuse et très précise du goulag au début du film. Weir semble s’être bien renseigné sur l’organisation qui régnait à l’intérieur des goulags, la hiérarchie qui prévalait entre les prisonniers selon leur statut (prisonnier politique, aristocrate, voyou, prisonnier de droit commun, etc…). Colin Farrell joue par exemple un « urki », un tueur de sang-froid qui fait régner la terreur et un certain ordre à l’intérieur du camp avec la complicité des gardes. Peut-être Weir a-t-il lu les Récits de la Kolyma de Chalamov quand Mr Smith conseille à l’officier polonais d’être moins « bon avec les autres » et de se taire s’il veut survivre ?

Toujours est-il que la rencontre et la présentation des futurs évadés est assez réussie, entre Mr Smith (Ed Harris) qui est un Américain exilé en Russie suite à la dépression de 1929, Jim Sturges un officier polonais, Gustaf Starksgard un prêtre letton, etc… Les acteurs s’entendent à merveille.

D’où vient alors cette déception que l’on éprouve, alors même que l’on prend peu à peu conscience de la dimension épique de l’aventure, la bravoure héroïque de cette poignée d’hommes unis par la seule volonté de survivre ? C’est un sentiment étrange, paradoxal. Rien à reprocher à Jim Sturges ni Ed Harris, visage sec et souffreteux, ni aux autres acteurs qui jouent avec conviction l’épuisement et la dénutrition ces hommes assoiffés subirent dans le désert de Gobi et les tempêtes de sable. Seul Colin Farrell en fait un peu trop, cabotinant avec ses mimiques habituelles, imprimant sur son visage (mais trop consciemment) la douleur morale, la fausse retenue pudique…

Ce qu’il y a de fascinant dans ce récit, c’est comment des hommes d’origines ethniques et sociales aussi éloignées ont pu s’entendre et s’unir pour surmonter une telle épreuve, sans tomber dans le cannibalisme ni jamais désespérer. Au comble de l’absurdité, quand ils découvrent que la Mongolie est aussi un pays communiste, ils trouvent encore les ressources pour pousser leur périple plus loin.

Même le personnage de Colin Farrell, « orphelin » qui a toujours appris à survivre, a un certain ordre moral (il veut s’acquitter des dettes contractées en jouant, etc…) et refusera d’ailleurs de passer la frontière mongole par peur de représailles s’il ne solde pas ses comptes avec les autres « urkis ».

Chaque personnage du film cache en lui un secret, un drame intime qu’il confiera à Irena (Saoirse Ronan), orpheline polonaise rencontrée en chemin et qui a rallié le groupe. Mais même ce soubresaut dans l’intrigue du film ne parvient pas à lever une certaine déception. Pourtant, le récit de la bravoure de cette poignée d’hommes a bien une portée universelle. Mais difficile de trouver un écho contemporain au film, dans une société de plus en plus en plus individualiste et matérialiste, où les valeurs de solidarité, d’altruisme, de dépassement de soi semblent un peu obsolètes…

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