Ne pas parler de Fadela Amara, ou un peu de respect pour les banlieues…

Publié le 23 janvier 2008 par Jean-Paul Chapon

Depuis plus d’une semaine, je me pose la question, en parler ou ne pas en parler. Je commence un texte, que je laisse, puis un autre. J’achète La Croix, pour lire l’intégralité des propos de Christine Boutin, la Ministre du logement et de la ville, et ministre de tutelle de Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la politique de la Ville. Bien sûr comme tout le monde, j’avais noté que Christine Boutin ne croyait pas en un énième plan banlieue, mais son approche plus globale ne me choquait pas à ce point. Je l’ai souvent écrit ici, il faut certes faire du rattrapage pour les « quartiers », en commençant par les désenclaver, mais comme le demandent les maires de l’association Ville&banlieue, il faut surtout les faire entrer dans le cadre général, et les inclure dans la Ville au sens large. En revanche, ce qui m’avait choqué, c’est la perfide onctuosité que la très catholique ministre avait mise dans sa première réponse, à propos de sa présence aux côtés de Fadela Amara à Vaulx-en-Velin « J’irai à Vaulx-en-Velin si Fadela Amara confirme cette rencontre. J’ouvrirai cette journée et puis lui laisserai la responsabilité de présenter ses conclusions. Il faut reconnaître qu’elle a été confrontée à une tâche très difficile, mais je lui ai donné la liberté qu’elle demandait de gérer personnellement ce dossier. » Et puis j’avais noté le tir croisé dans lequel Fadela Amara se trouvait coincée, entre l’annonce par la Ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie du retour d’une police de proximité qui n’ose avouer son nom, et celui des déclarations de Christine Boutin. J’avais mis le tout sur le dos d’une nouvelle cacophonie du gouvernement Sarkozy - on en a l’habitude - même si la lecture du Monde le lendemain, éclairait d’un jour désagréable ce nouveau dérapage : il se serait agi d’une inflexion tout à fait volontaire de la politique gouvernementale en vue des municipales. Le Monde expliquant en substance que le gouvernement pensant que sa cause était perdu dans les banlieues, voulait reporter son action sur les centres-villes, d’où la sortie de Christine Boutin.

Entre temps, je me suis fendu d’acheter le Figaro ce week-end pour y dévorer l’entretien de Fadela Amara dans le Figaro Madame, entourée de symboles, celle qui vient des quartiers et a tout de même réussi, le DRH qui embauche les jeunes et surtout l’inévitable professeur de lettres classiques en zone sensible, qui veut nous montrer que 350 ans après les Femmes savantes, on pourra écrire les Banlieusards savants, qui eux aussi sauront du grec… Bref, une interview convenue à l’eau tiède, dans laquelle on peut lire que « nous allons dégager un milliard d’euros pour désenclaver cinquante quartiers prioritaires qui accumulent les difficultés… » Un milliard d’euros ? Pauvre Fadela qui veut “faire émerger une élite des banlieues ” et que les chiffres impressionnent. Un milliard d’euros, c’est le coût du tram des maréchaux si on boucle la boucle, ou celui de l’enfouissement de la N13 à Neuilly… Un milliard d’euros pour un plan dit Marshall ? Pauvres banlieues qui risquent d’attendre encore longtemps leur désenclavement.

Mais malgré tout, je ne voulais pas écrire. Et puis hier, j’ai entendu Christine Boutin sur France Info asséner à propos des 45.000 créations d’emploi annoncé par Fadela Amara : « J’ai déjà eu l’occasion de dire que je trouve que ça manque peut-être un peu de prudence. Moi, vous ne m’avez jamais entendu chiffrer. Le temps des effets d’annonce, c’est terminé. Les Français veulent du concret. » Sympa, comme conclusion et comme solidarité gouvernementale. Et du coup, cette journée d’hier, je l’ai resituée dans la perspective du « retour en banlieue » de Sarkozy, comme le titre qui barrait toute la largeur de la Une du Parisien. Seulement, ce n’était pas un retour à Vaulx-en-Velin avec Fadela, mais un retour à Sartrouville avec Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’intérieur, et Rachida Dati, la ministre de la justice, pour visiter un commissariat. Etonnant, le même tir groupé entre Alliot-Marie et Boutin, comme une semaine auparavant. Alors là, on ne peut plus parler de couac ou de cacophonie, mais peut-être de plan ? Alors qu’attend donc Fadela Amara pour démissionner, sa prochaine paire de baffes ? Si ce n’est pas pour elle, qu’elle le fasse au moins pour les quartiers qu’elle dit vouloir défendre. Et une fois n’est pas commune, je citerai l’éditorial d’Yves Thréard dans le Figaro, « Pauvres banlieues » qu’il faut lire aujourd’hui :

La plus salutaire des mesures consisterait peut-être à supprimer ce poste ministériel. Il ne semble fait que pour se donner bonne conscience. Les banlieues sont toutes différentes, elles ne constituent pas un État dans l’État, elles ne forment pas un territoire lointain. Les isoler de la politique commune, c’est déjà les stigmatiser.

L’amélioration de la vie dans les cités relève de la compétence de tous les ministères. À chacun d’entre eux de travailler pour que les services publics y soient assurés comme ailleurs, pour que leurs actions y soient adaptées sans démagogie, pour que l’unité républicaine soit préservée. Ce qui est loin d’être toujours le cas.

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Sur un autre registre, et puisque les médias analysent le déplacement en banlieue du président de la république comme une diversion ou une réponse face à sa chute dans les sondages, et plutôt que de se poser des questions insolubles de protocole en Inde, du style ira seul ou ira avec, pourquoi Nicolas Sarkozy ne retourne-t-il pas en banlieue avec elle ? Vous imaginez, un dimanche à Argenteuil, aux Larris à Fontenay, à Grigny ou à Clichy-sous-bois avec Carla Bruni et les photographes de Paris-Match. Nicolas et Carla devant une barre HLM, Nicolas et Carla à la supérette ou Nicolas et Carla dans l’espace intergénérationnel, ça nous changerait des photos du couple sur fond de pyramides, de coucher de soleil sur le Nil ou de ruines de Pétra…

Bon la prochaine fois, je vous raconterai comment je me suis fait hier présenter par Denis Baupin à sa directrice de cabinet, Catherine Calmet-Reberioux, par un « c’est le blogueur fou » devant l’Hôtel de Ville de Paris où j’étais venu assister à la visite du bus Orbival par le maire de Paris Bertrand Delanoë ;-)

Jean-Paul Chapon

photo de Fadela Amara et Christine Boutin empruntée à l’éditorial d’Yves Thréard sur le site du Figaro, crédit AP

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