Le monde a bougé. Quelque chose de totalement inédit vient de se passer. Dans cet environnement divers et complexe, où les équilibres étaient relativement stables entre les populations et leurs classes dirigeantes du fait des systèmes de gouvernance à base démocratique, la Tunisie vient de sortir brutalement ce monde de son ronronnement léthargique. Qualifié de modèle quasi-absolu sur de nombreux plans, ce pays vient de donner une grande leçon au monde : il est possible de prendre vraiment son destin en main en chassant du pouvoir ceux qui confondent intérêt général et intérêt particulier.
Mon propos n'est pas de revenir sur cette admirable révolution, mais plutôt de se demander si elle n'est pas le point de départ d'autres réappropriations du processus démocratique, d'autres formes de rappel de ce qu'est vraiment la démocratie.
Malgré la multiplication des règles sécuritaires, de censure, de filtrage du net, et autres attaques contre les libertés, le tsunami politique tunisien montre qu'il est possible de reprendre ce que le peuple a donné lors des élections quand elles existent. Le pouvoir est dans la rue, il n'est que concédé pour une période précise. Coincé entre 2 états turbulents, la Tunisie fait plus que forcer l'admiration, et nous donne un nouvel exemple de sagesse et de dignité.
Et la démocratie française, dans tout cela ? Elle n'est pas très éloignée du " système Ben Ali " : affairisme en plein jour, conflits d'intérêts permanents, copinage et favoritisme affiché, ministres condamnés ou en passe de l'être, menaces et pressions sur les journalistes et les juges, restriction des libertés, surveillance du net, détournement de la voix des urnes (constitution européennes : on a fait revoter car le résultat n'était pas satisfaisant), passage en force de lois antisociales, vous ne rêvez pas, je parle bien de la France... Dire que c'est le pays des Droits de l'Homme qui a proposé ses CRS et leur savoir-faire en matière de maintien de l'ordre pour mater un peuple qui marche vers sa liberté...
Mais la vrai dictature, sans visage, glaciale, c'est celle de la haute finance avec ses marchés, ses bénéfices, ses bourses et sa belle crise. Cette dictature gangrène et se sert des démocraties, elle étrangle, elle brise les hommes et les sociétés qui lui résiste. Elle s'étend sans bruit dans le monde entier. Qu'a t'on vraiment à perdre de plus ? Après la Tunisie, quelques pays d'Afrique du nord s'agitent déjà beaucoup. Chez nous, c'est pour quand ?
En mémoire de Mohamed Bouazizi, mort le 4 janvier 2011 des suites de son immolation le 17 décembre.