Drame de Pornic : où sont les défaillances ?

Publié le 03 février 2011 par Letombe

 

Le drame de Pornic devient de plus en plus insoutenable chaque jour. Et chaque jour sa récupération politique devient plus nauséabonde. Nous connaissons la propension de Sarkozy à faire des lois en surfant sur l’émotion engendrée par les faits divers sordides. On ne compte plus les lois sécuritaires qui s’empilent les une sur les autres depuis que la sécurité du pays a été confiée à un ministre de l’intérieur démagogue du nom de… Sarkozy… Des lois inapplicables faute de moyens rognés chaque jour … Mais trop c’est trop…

C’est pourquoi je me permets de reproduire ici une lettre ouverte adressée par la CGT Pénitentiaire au Président de la République suite au meurtre de la jeune Laëtitia à Pornic. Cette lettre est consultable sur le site du syndicat, ainsi d’ailleurs que d’autres interventions de la CGT Pénitentiaire dans le cadre de la polémique qui a suivi l’arrestation et la mise en examen de Tony Meilhon.


LETTRE OUVERTE

A

Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République Palais de l’Elysée 55, rue du faubourg Saint Honoré 75008 PARIS

Monsieur le Président,

J’ai pris connaissance du courrier que vous avez envoyé à monsieur le Garde des Sceaux. Je reviens vers vous après vous avoir déjà fait parvenir notre communiqué du mercredi 26 janvier 2011 par l’intermédiaire de votre attachée de presse.

Comme vous, je suis choquée et anéantie, monsieur le Président !

Premièrement, je suis consternée par l’utilisation populiste que vous faites de ce drame, terrible … la mort tragique d’une jeune fille dans des circonstances encore non élucidées et a priori ignobles !

Deuxièmement, je suis vraiment surprise que vous vous intéressiez enfin au crédit ou au discrédit de l’institution judiciaire : « Il me paraît en conséquence indispensable de faire toute la lumière sur ces dysfonctionnements qui portent atteinte au crédit de l’institution judiciaire. » Surprise, car vous-même avez souvent raillé l’institution judiciaire. Vos déclarations ont souvent remis en cause le professionnalisme des magistrats et des fonctionnaires.

Troisièmement, je suis choquée ensuite par la détermination dont vous faites preuve afin de trouver des coupables : « Vous m’avez indiqué avoir ordonné une enquête administrative interne afin de déterminer avec précision les conditions dans lesquelles cette procédure relative à la mise à exécution d’une peine correctionnelle s’est déroulée et les éventuelles responsabilités qui pourraient être mises en évidence. »

Des coupables, il n’y en a pas chez les fonctionnaires professionnels de la Justice. L’enquête administrative diligentée auprès des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et du tribunal de Nantes ne doit pas faire peser la responsabilité sur des agents qui n’ont pas à la porter … Ce que vous semblez vouloir, monsieur le Président, c’est un responsable à tout prix !

Vous n’êtes pourtant pas sans ignorer, monsieur le Président, que depuis des années, les politiques de casse du service public que vous menez, et plus particulièrement celui de la Justice qui nous concerne ici, sont les vrais responsables. L’inspection générale des services pénitentiaires était venue au SPIP de Nantes, il y a quelques mois. Le manque de moyens conduisant à la mise en place, en concertation avec les autorités compétentes, de la mise au placard des dossiers que le service ne pouvait prendre en charge faute de moyens, était connu ! Cette situation, qui existe dans de nombreux services, a été dénoncée à de multiples reprises.

En novembre 2010, la CGT Pénitentiaire, en mouvement, demandait entre autres, le recrutement de 1000 travailleurs sociaux, conformément à l’étude de l’impact de la loi pénitentiaire ! Madame Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux, nous avait gentiment dit que le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire étaient des privilégiés : pas d’emplois supplémentaires, hormis les 40 recrutements de travailleurs sociaux pénitentiaires pour l’année 2011 !

Sur votre invitation, l’inspection générale des services pénitentiaires a interrogé, à plusieurs reprises, des collègues. Plutôt que de demander des comptes à des agents, faites interroger les responsables de cette politique qui conduit les services à l’asphyxie !

Je peux comprendre votre trouble, lorsqu’en conseil des ministres vous dites : « Que puis-je dire à la famille de Laëtitia ? » … Que pouvez-vous leur dire ?

Tout d’abord, raconter comment vous avez, à cause de votre politique, anéanti les services publics en supprimant des fonctionnaires.

Ensuite, leur expliquer que la politique pénale menée par les ministres obéissant à vos ordres, a engendré une surpopulation carcérale, sans recruter des fonctionnaires supplémentaires tant à l’administration pénitentiaire qu’à la Justice en général. Expliquer comment les juges sont surchargés de dossiers ….

Vous éclairerez la famille sur l’état de la protection judiciaire de la jeunesse où le nombre de fonctionnaires ne cesse de diminuer. Vous pourrez aussi leur dire que les juges pour enfants sont débordés, parfois sans greffier, et que l’Etat ne reverse pas assez d’argent aux collectivités pour qu’elles recrutent des éducateurs pour le suivi des enfants et des jeunes en danger ou en difficultés !

Il n’y aura pas de boucs émissaires !

Alors, après analyse des responsabilités, vous pourrez vous excuser car la famille de la victime doit savoir que les dysfonctionnements de la Justice ne sont pas le fait d’un fonctionnaire d’un SPIP ou d’ailleurs, d’un magistrat, mais que c’est le fait de la défaillance d’un système, celui de l’Etat qui s’est désengagé de ses obligations depuis de longues années, et plus particulièrement depuis votre élection !

Comme vous êtes chef de cet Etat défaillant, vous pourrez leur signifier, que vous portez l’entière responsabilité de la déficience et du dysfonctionnement ! Avec la CGT pénitentiaire, je n’accepterai pas que des professionnels de la Justice paient à la place du pouvoir exécutif, donc du système !

Recevez, monsieur le Président, l’expression de mon attachement à l’ensemble des services publics, bastions et remparts de la démocratie donc de la République française !

Céline Verzeletti, Secrétaire Générale de la CGT pénitentiaire

merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré