Logo-gate

Publié le 08 février 2011 par Miss Culture Marketing @missculturemkg

L’histoire de Gap et de son logo aura fait couler beaucoup d’encre en 2010. Tellement, d’ailleurs, que j’avais renoncé à raconter cette histoire. Mais c’était votre choix, alors j’ai décidé de m’y coller avec plaisir. D’autant que le timing, si vous suivez l’actualité marketing, est intéressant...

De mémoire de marketeuse, on n’avait pas vu un tel échec, voire une telle humiliation, depuis longtemps. Un échec à la hauteur des changements très forts que l’on vit depuis une dizaine d’années. Signe que les temps changent? Signe que les marques ne sont plus seules décisionnaires quand il s’agit d’image? Comment pourrait-on d’ailleurs le reprocher aux consommateurs, après des années de marketing participatif, où l’on a mis entre leurs mains un pouvoir énorme : celui de donner son avis et de décider pour la marque. Combinez cela à l’explosion des social networks et son exploitation par les marques, il n’y a pas à dire, cela nous pendait au nez. Il est fini le temps où les marques étaient toutes puissantes. Maintenant que la masse anonyme a pris le pouvoir, elle n’a pas l’intention de le rendre de sitôt, tenons-nous le pour dit. C’est un équilibre fragile et dangereux : les marques tirent un maximum d’information (et de profit) de ces consommateurs bénévoles d’un côté; de l’autre les consommateurs utilisent les social media pour exprimer leur désaccord quand ils en ont besoin. Souvenez-vous de cette campagne anti H&M qui était née sur Facebook, et qui avait été d’une véhémence extrême...

L’histoire

C’est l’histoire d’une marque qui se sentait un peu poussiéreuse et qui voulait offre un petit lifting à son logo après des décennies de bons et loyaux services. Rien de bien méchant. Juste un petit coup de Botox par ci et un petit coup de bistouri par là.

C’est l’histoire d’un logo qui vécut 7 jours - là on fait vite le douloureux calcul (coût de l’agence) / (durée) et on en conclut que c’est sans doute aussi l’histoire du logo le plus cher du monde.

Enfin, c’est l’histoire d’une marque qui décida d’effectuer un changement majeur sans daigner partager la nouvelle ou une explication avec ses clients. Comme l’a reconnu ensuite Marka Hansen, présidente de Gap Nord Amerique “Gap didn't handle the change correctly and missed a chance to have shoppers offer input until it was too late”.

Enfin, c’est l’histoire d’une sanction – oserais-je dire ‘pour l’exemple’? - d’un rapport de 700,000 (fans Facebook) contre 1 (Gap).

Les faits

Quand on y pense, la sanction fut démesurée. On parle du logo, tout de même, il faut garder son sang froid. Même pas de la prochaine collection Automne-Hiver, de l’égérie de la marque, ou du prix du jean. On parle d’un petit logo ridicule bleu et blanc. Ok le nouveau était sans doute raté (pas très fun, un peu froid, un peu comme un logo de banque quoi) mais bon, McDo a bien switché son logo du rouge au vert en France sans rien dire et personne n’a fait de commentaire désobligeant.

Oui, mais c’est la beauté et en même temps tout le danger de donner le pouvoir au consommateur. Il est dans le j’aime/j’aime pas; il est volatile, changeant, il sensible: il est humain, quoi. Et surtout, il est nombreux, et il le sait. Il a appris à donner son avis récemment (ce sont mêmes les marques qui le lui ont appris). Le consommateur est devenu une nouvelle sorte d’actionnaire minoritaire qui a décidé d’exercer son droit d’expression parce qu’il s’est rassemblé. La règle étant désormais : une marque ne peut pas demander à 700,000 individus de la supporter publiquement sans avoir des devoirs envers eux en retour.

Bref, après à peine quelques heures du nouveau logo sur Facebook, des groupes ont commencè à se former “I don’t like the new Gap logo”; “get rid of the new logo”; les blogs se sont dechainés contre la marque (ou ont relayé le phénomène).

La marque, retirant le logo très rapidement, a à la fois bien et mal réagi (facile à dire après coup, je sais): elle a montré qu’elle savait écouter ses consommateurs certes, mais également qu’elle était facilement impressionnable, mal preparée et novice en terme de compréhension des social media. L’idée de proposer aux fans d’envoyer leurs suggestions de logos à la marque pour la campagne Eté 2011 est alors bonne - à voir juste comment cela sera traité le moment venu.

Depuis, l’agence Laird + Partners ainsi que Marka Hansen ont été mis à la porte.

Qu’en conclure?

La leçon sur le poids des social media est évidemment très claire je ne m’appesantirai pas dessus – on en a déjà trop dit et ce n’est pas très intéressant. Attention à bien savoir faire la différence entre fans et acheteurs, et à suivre l’avis des personnes engagées activement pour la marque. Quant à la capacité d’une communauté de fans à faire sortir le CEO d’un marché comme les US, c’est devenu une réalité: le digital marketing doit donc être désormais pris au sérieux au sein des entreprises, notamment lorsque l’on touche à des mega-brands.

Une chose à retenir de cette mésaventure est qu’il faut s’astreindre à une extrême rigueur lors d’un changement de ce type: tout doit être orchestré à la milliseconde près (changement du logo sur toutes les pages, tous les sites, tous les documents en meme temps) sinon c’est le chaos, l’incompréhension, et souvent, le rejet.

Enfin, et pour terminer cet article, je me permets d’attirer votre attention sur ce qui se passe en ce moment pour Starbucks, qui vient d’annoncer à sa communauté de fans que la marque changerait d’identité graphique (et notamment de logo) au Printemps 2011... Le logo vert et marron actuel est le sien depuis 1992. Comment réagiront les fans? Que diront les consommateurs? On parle ici de dizaines de millions sur Facebook, l’impact sera donc de toutes manières majeur...

Début Janvier, peut-être pour éviter le fiasco Gap et parce qu’ils en ont analysé les causes, ils ont commencé à révéler (ou tester?) quelques pistes possibles via les social media...La réaction, véhémente à nouveau, ne s’est pas faite attendre.

 

La marque gardera-t-elle alors le cap en Mars? Ou décidera-t-elle d’apporter quelques petits ajustements pour tenir compte des commentaires (notamment le retour du nom “Starbucks Coffee”)? On peut au moins leur reconnaitre d’avoir voulu entamer le dialogue ou commencer la communication bien en amont...