Des Femmes qui tombent : Pierre Desproges

Par Soiwatter

Que se passe-t-il à Cerillac,"pittoresque bourgade aux confins du riant Limousin et du verdoyant Périgord" ? Depuis quelques jours, les femmes de la région sont victimes d'un étrange tueur en série. Rien ne relie les victimes à part que se sont des femmes et qu'elles vivent à Cérillac. Pas même le modus operandi. Une vieille merciaire communiste à tendances stalinienne depuis la répression du printemps de Pragues, une kinésithérapeute, une secrétaire de mairie tyrannique et castratrice avec tout le village, quatre femmes d'une famille bourgeoise... Et toutes la population est aux abois, sans compter les journalistes et petit politiciens qui accourent.


Par petits chapitres ressemblant à de petits sketch qui permettent de faire avancer l'histoire, L'auteur nous entraîne dans une histoire délirante. Comme d'habitude, il manie le verbe et le cynisme avec brio. On retrouve l'écriture recherchée, riche et caustique de ses sketches des années 80, comme les Chroniques de la Haine Ordinaire, avec le même cynisme grinçant et la même critique du petit français moyen, le même amour de la langue et de ses richesses, la même culture qu'il met au profit de l'humour. Mais Pierre Desproges n'est pas un grand scénariste, c'est un maître de l'humour caustique et du comique de situation. On accroche très vite à l'intrigue et on veut savoir la suite, mais au final, la chute ne tient pas la route. L'histoire aussi est un peu datée et on ne retrouve pas l'universalité des Chroniques ou des Réquisitoires.
Mais même sans être un chef-d'oeuvre, ce petit roman, son unique roman, reste un grand moment pour les amateurs de Desproges. Je conseille toute fois à celui ou celle qui aimerait découvrir Desproges de commencer par les Chroniques de la Haine Ordinaires, transcrites en version papier aux éditions Seuil/Points.
Quatrième de couverture:
Après avoir lu ce livre, mon éditeur, ma soeur, ma femme me demandent pourquoi l'aubergiste Gilberte a la tête enfermée dans un sac en plastique. Je réponds que je n'en sais rien. Peut-être s'agit-il d'un ultime geste de coquetterie assez compréhensible de la part d'une femme que l'on devine accorte mais pudique et qui aurait jugé inconvenant de montrer une langue pendante au premier découvreur de cadavre venu?
Mais peut-être pas.

C'est un mystère.

Il faut parfois laisser traîner des mystères à la sortie des livres.
Aux derniers chants de l'Odyssée, qui célèbrent le retour à Ithaque, l'auteur n'évite-t-il pas, avec quelque délicatesse, de s'étendre sur la surprise d'Ulysse décelant l'odeur d'after-shave au fond du lit conjugal enfin retrouvé? Le lecteur aura compris que ce livre, des femmes qui tombent, est en réalité un humble mais profond hommage rendu à Homer et à sa cécité.