Origami de Michel Thion (par Laurent Grisel)

Par Florence Trocmé

Michel Thion propose dans {origami}, des tankas : une strophe de trois vers, une strophe de deux vers.  L’invention de Michel Thion est spatiale, pour exemple, dans {Le récit du monde} la double page est utilisée pour mettre en vis-à-vis deux points de vue, deux types d’interprètes, pour le lecteur un texte, pour les musiciens des didascalies. Ici, dans {origami} art du papier plié, le haïku est déplié et déployé dans la strophe qui le suit. 
C’est une poésie définitoire. Tous les poèmes commencent, premier vers, par un substantif précédé d’un article défini (le sable, le dénuement, le retour, la découverte, etc.), presque toujours suivi, deuxième vers, par un autre substantif précédé d’un article indéfini (une frontière, un cœur, un geste, etc.) ; le deuxième vers se substitue au premier, ou l’amplifie ou en dévie la trajectoire. Après le troisième vers qui qualifie et confirme l’inflexion du deuxième vers, le blanc d’entre deux strophes, alors les deux derniers vers, la deuxième strophe s’étale dans l’espace libéré par la torsion du deuxième vers. 
Ce dispositif, dans ses meilleures réussites, met en œuvre un tissage complexe, chaque mot des cinq lignes noue et serre davantage la toile, en même temps l’étend, donne dans la deuxième strophe, la plus courte, un grand déploiement, une très longue traine. 
 
la complexité 
un désir 
d’insecte 
 
paysage 
ombres légères 

 
C’est le sable, l’ombre, le monde dans la main ouverte qui sont animés d’une force propre et prennent tout le temps. 
Michel Thion nous avait donné un {Traité du silence}, dans cet {origami} il fait sentir quelques-unes de ses puissances. 
 
le rocher 
une contemplation 
déchirée 
 
douceur 
ancienne
 
 
 
Laurent Grisel 
 
Michel Thion 
origami 
Collection Luminaires, Color gang éditeur 
14,00 € 
novembre 2010