Pourquoi les théoriciens des arts médiatiques sont-ils absents de la blogosphère?

Publié le 18 février 2011 par Paule @patty0green
Dans son célèbre ouvrage Zero Comments : Blogging and Critical Internet Culture, peut-être le seul bouquin qui m'apparaît incontournable pour une étude théorique de la blogosphère, Geert Lovink mentionne, en parlant des "acteurs" de la blogosphère :
We don’t need to mention the new media arts scene here, as they are miraculously absent. The contemporary arts scene has not gotten familiar with blogging. (Lovink : p.23)
Ce petit passage n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. En le lisant, j'acquiesçais intérieurement tout en m'interrogeant : où sont mes collègues d'histoire de l'art qui aiment tant parler d'arts médiatiques et...de cyberculture? Car s'ils sont quasi (la nuance est importante) absents de la blogosphère, ils investissent, de manière générale, très peu le Web.
Les arts médiatiques sont-ils en train de disparaître dans cette "sous-culture auto-référentielle" dont parle Lovink? Les théoriciens des arts médiatiques tournent-ils le dos au Web actuel parce que celui-ci possède quelques résonances d'une culture mainstream? N'est-ce pas justement à cause de ce désengagement face à ce Web, celui des blogs, wikipédias ou encore des webcurators, que l'historien/théoricien des arts médiatiques est en train de perdre toute sa crédibilité face à un plus large public?
At the turn of the millennium artists and their theorists had lost
influence on the public perception of what new media was all about. (Lovink : p.69)
Selon Lovink, la sphère des arts médiatiques n'a pas suivi le courant, ni emboîté le pas sur le changement rapide des technologies. Elle se retrouve ainsi confinée à un microcosme, au sein duquel elle possède ses propres petits festivals et ateliers un peu partout dans le monde. Elle n'a malheureusement plus le pouvoir d'atteindre une audience à l'extérieur de ce microcosme.
À l'ère du Web 2.0 (et j'ajoute 3.0), écrit Lovink :
Art should nurture a culture that values debate [...] and the tools we create could radically reshape the world.
Pourtant, la contribution des artistes et théoriciens des arts médiatiques en regard des outils et applications du Web sont, d'un point de vue critique comme pratique, quasi entièrement absents. Enfin, parlez-en avec eux, vous aurez l'air d'un extra-terrestre. C'est peut-être pourquoi le Web 1.0 m'apparaît beaucoup plus engagé. Au début des années '90, tel que le remarque Lovink, les acteurs du net.art ont ouvert des espaces virtuels afin de regrouper les gens et de provoquer des collaborations sur le Net. Cette énergie créative et subversive s'est pourtant dissipée pour faire place à un désir toujours plus grand de reconnaissance des arts médiatiques en regard des institutions muséales, des galeries et, plus récemment, des universités!
Il m'apparaît absurde de ne pas me joindre au maëlstrom Web et de me cloisonnner dans le microcosme, ô combien réconfortant pour l'égo, des arts médiatiques. Il suffit d'en sortir un peu pour voir à quel point la cloison est réductrice. Bien sûr, le Web est un univers où mon savoir est sans cesse remis en question, où mes compétences sont peu reconnues, où je peux passer beaucoup beaucoup de temps à livrer des réflexions critiques dans le vide, mais je crois qu'il est important que je l'investisse, cet univers. Il n'y a pas que le microcosme "arts médiatiques" qui génère des œuvres et des théories médiatiques et c'est d'autant plus enrichissant!
HEY MEDIA ARTS THEORISTS : STEP IN!
But "If you can’t cope with high degrees of irrelevance, blogs won’t be your cup of tea" ( Lovink : p.23)