Littérature égyptienne (30) - enseignement de ptahhotep : prologue ...

Publié le 19 février 2011 par Rl1948

   Certes, les Maximes dites de Ptahhotep peuvent se découvrir ex abrupto ; certes elles peuvent se lire en tant qu'apophtegmes participant à un pan de la littérature égyptienne, sapientiale en l'occurrence, et vierges de tout contexte historique.

   Ce nonobstant, j'ai cru bon, souvenez-vous, amis lecteurs, dans les semaines précédentes, de - peut-être trop didactiquement à vos yeux - vous en préparer la lecture : ainsi, le 22 janvier, en évoquant son pseudo-rédacteur ;  le 29 du même mois, les sources qui sont actuellement à notre disposition pour lire tout ou partie du texte ; le 5 février, l'explorateur français qui, rapportant d'Egypte le rouleau de papyrus sur lequel  figure la seule version complète en notre possession, eut l'excellente idée de le confier à la Bibliothèque Royale de l'époque, devenue BnF et, enfin samedi dernier, de plus spécifiquement décrire ce long document de quelque sept mètres de long en y adjoignant un cliché des deux premières pages - après les avoir remises à l'endroit, grâce à  l'acuité du regard d'un de mes lecteurs et, plus que très probablement, à sa parfaite maîtrise de la cursive hiératique dans laquelle elles sont rédigées. 

     Puis-je en Professeur retraité, toujours soucieux de principes méthodologiques pourtant devenus obsolètes dans le chef de certains jeunes collègues, vous conseiller de souvent vous référer à la lecture de l'un ou l'autre de ces quatres articles introductifs aux fins d'y retrouver, quand besoin s'en fera sentir, l'un quelconque détail de l'histoire de ce corpus de premier ordre pour comprendre en un temps et en un lieu donnés les préceptes qui régirent un mode de vie d'une des civilisations les plus prestigieuses de l'Antiquité ?

   L'Enseignement de Ptahhotep, je vous l'ai précisé, se subdivise en trois sections de différentes importances : le corps même des 37 Maximes que suit un long épilogue, l'ensemble étant précédé d'un préambule qu'accompagne le titre de l'oeuvre.

   C'est assurément dans cette position accroupie mais pas nécessairement sous le regard bienveillant de Thot représenté sous forme de babouin (E 11154) dans la vitrine 10 de la salle 24 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, qu'un jour, au XXème siècle avant notre ère, le rédacteur s'installa pour commencer d'écrire le prologue que je vous propose maintenant de découvrir sans plus attendre ...

 

Enseignement du directeur de la ville et vizir Ptahhotep

Sous la majesté du roi de Haute et Basse-Egypte, Isési,

Qu'il vive toujours et à jamais.

Le directeur de la ville et vizir Ptahhotep, il dit :

"Souverain mon maître,

Le viel âge est survenu, la vieillesse est arrivée,

L'impotence est venue, la faiblesse est en train de se montrer à neuf.

Celui qui passe la nuit livré à elle se retrouve dans l'enfance chaque jour.

Les yeux sont faibles, les oreilles sont sourdes.

La force est en train de disparaître pour celui dont les facultés s'engourdissent.

La bouche est silencieuse ; elle ne peut parler.

L'esprit se trouve arrêté ; il ne peut se rappeler hier.

L'os s'est mis à être douloureux à cause de l'âge.

Ce qui était bon est devenu mauvais.

Toute saveur s'en est allée.

Ce que fait la vieillesse aux hommes :

Du mal en toute chose.

Le nez est obstrué ; il ne peut respirer

Du fait que se lever ou s'asseoir est difficile.

Que soit ordonné à cet humbe serviteur de former un bâton de vieillesse (*)

Ainsi lui rapporterai-je la parole de ceux qui étaient capables d'écouter,

Les conseils de ceux qui étaient avant,

Qui jadis obéissaient aux dieux.

Ainsi l'on fera pour toi pareillement,

On écartera les souffrances de la population

Et les deux rives travailleront pour toi."

Alors la majesté de ce dieu dit :

"Enseigne-le donc sur ce qui a été dit auparavant !

Et il sera un modèle pour les enfants des hauts dirigeants.

Et l'obéissance le pénétrera, toute exactitude de pensée lui ayant été exprimée.

Personne n'est né sage !

(*)  L'expression "faire un bâton de vieillesse" signifiait, en Egypte antique, que passe d'un père à son fils la fonction dont le vieil âge advenu entravait la poursuite. Dans la fiction présente, Ptahhotep demande donc au pharaon Djedkarê Isési, pénultième souverain de la Vème dynastie, de pouvoir transmettre à son fils et son expérience et les préceptes moraux qui furent siens sa vie durant en vue de lui permettre d'embrasser lui aussi la carrière de vizir. 

(Lacombe-Unal : 1999, 283-6 ; Vernus : 2001, 72-4 )